Thomas Piketty: «Le mouvement vers l'égalité n'est pas prêt de s'arrêter»

Les 1% les plus riches de la planète émettent plus de carbone que les 50% les plus pauvres. (AFP)
Les 1% les plus riches de la planète émettent plus de carbone que les 50% les plus pauvres. (AFP)
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Publié le Mardi 24 août 2021

Thomas Piketty: «Le mouvement vers l'égalité n'est pas prêt de s'arrêter»

  • La marche vers l'égalité s'est toujours nourrie des révoltes contre l'injustice, à l'intérieur des pays comme au niveau international
  • Seule une forte réduction des inégalités et une importante mise à contribution des plus riches permettra de sortir de ces contradictions

PARIS: Auteur du « Capital du XXIème siècle », traduit en 40 langues, l'économiste Thomas Piketty a répondu aux questions de l'AFP à l'occasion de la parution jeudi d'"Une brève histoire de l'Egalité", un ouvrage qui veut être une invitation optimiste à l'action.

Q: Pourquoi avoir privilégié pour ce livre l'évolution de l'égalité sur le temps long ?


Thomas Piketty: Je montre que le mouvement vers l’égalité sociale, économique et politique est une tendance de long terme, et qui n'est pas prêt de s’arrêter. Il débute avec la Révolution française et la révolte des esclaves à Saint Domingue, qui marquent le début de la fin des sociétés de privilèges et des sociétés esclavagistes et coloniales. La marche vers l'égalité s'est toujours nourrie des révoltes contre l'injustice, à l'intérieur des pays comme au niveau international. Il en ira de même à l'avenir.

Q: Que faudrait-il pour que cette cause progresse à nouveau ?


R: On a inventé depuis quelques décennies un droit quasi sacré à faire fortune en utilisant les infrastructures publiques d'un pays, son système sanitaire et éducatif, etc., puis à transférer ses actifs dans une autre juridiction en laissant la facture au reste de la population. Il faut mettre fin à la libre circulation des capitaux sans contrepartie fiscale ou sociale. Et l'on ne peut pas attendre l'unanimité pour cela: chaque pays doit sortir unilatéralement de ce système, tout en proposant aux autres des cibles explicites et quantifiés de justice fiscale et sociale et des assemblées transnationales pour les atteindre. C'est ce que j'appelle le souverainisme universaliste.

Q: Peut-on imposer des contraintes environnementales fortes à des pays qui veulent d'abord rattraper un retard de développement ?


R: Les 1% les plus riches de la planète émettent plus de carbone que les 50% les plus pauvres, soit près de 4 milliards de personnes vivant dans les pays qui vont subir en premier les conséquences des modes de vie les plus riches. Une taxe carbone proportionnelle frappant de la même façon les pauvres et les riches - et en pratique exonérant souvent ces derniers - n'est pas la solution et ne fera que conduire à de nouvelles révoltes, au Nord comme au Sud. Seule une forte réduction des inégalités et une importante mise à contribution des plus riches permettra de sortir de ces contradictions.

Q: La Chine avec son développement spectaculaire n'est-elle pas devenue un modèle pour les pays pauvres, en dépit du creusement des inégalités que le président Xi Jinping dit aujourd'hui vouloir réduire ?


R: Les inégalités ont énormément progressé en Chine depuis 30 ans. Quoi qu'en dise Xi Jinping, les choses n'ont fait que s'aggraver depuis son arrivée au pouvoir (en 2013). Cela dit, la Chine dispose de réels atouts pour séduire les pays du Sud. Pour inverser la vapeur, les pays occidentaux vont devoir sortir de leur arrogance et proposer un modèle alternatif de socialisme démocratique, participatif, écologique et métissé.

Q: Que faire pour éviter que la crise du Covid-19 ne creuse encore davantage les inégalités entre pays ?


R: Les droits sur les vaccins doivent être levés pour que les pays du Sud puissent enfin se mettre à produire. Plus généralement, il est urgent de repenser la fiscalité internationale afin de partager les recettes provenant des multinationales et des milliardaires. D'une part parce que la prospérité des pays riches n'existerait pas sans les pays pauvres et l'héritage esclavagiste et colonial, et d'autre part parce que chaque être humain devrait avoir un droit minimal égal à la santé, à l'éducation et au développement.

Q: De quelle manière souhaitez-vous influencer le débat politique en France durant la campagne présidentielle ?


R: Ce livre est à la fois un livre d'histoire et de sciences sociales et un livre de mobilisation citoyenne. En se penchant sur la façon dont ce mouvement vers l'égalité s'est réellement produit, il est possible de mieux comprendre les luttes et les mobilisations qui l'ont rendu possible. Malheureusement, ce processus d'apprentissage collectif des institutions justes est souvent affaibli par l'amnésie historique, le nationalisme intellectuel et le cloisonnement des savoirs.


Les questions économiques sont trop importantes pour être laissées à une petite classe de spécialistes et de dirigeants. La réappropriation citoyenne de ce savoir est une étape essentielle pour transformer les relations de pouvoir.


Monnaie numérique, IA et santé mentale au programme de l’Open Forum Riyadh

Des représentants gouvernementaux, des artistes, des leaders de la société civile, des entrepreneurs et des PDG de multinationales interviendront au cours des différentes tables rondes. (Photo, AFP)
Des représentants gouvernementaux, des artistes, des leaders de la société civile, des entrepreneurs et des PDG de multinationales interviendront au cours des différentes tables rondes. (Photo, AFP)
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  • Cet événement se déroulera parallèlement à la réunion spéciale du WEF sur la collaboration mondiale
  • «Dans le cadre de Vision 2030 de l’Arabie saoudite, Riyad est devenue une capitale mondiale pour le leadership éclairé, l’action et les solutions»

LONDRES: L'Open Forum Riyadh, une série de tables rondes publiques qui se tiendront dans la capitale saoudienne dimanche et lundi, «mettra l’accent sur les défis et les opportunités au niveau mondial», selon les organisateurs.

Cet événement, fruit d’une collaboration entre le Forum économique mondial (WEF) et le ministère saoudien de l’Économie et de la Planification, se déroulera parallèlement à la réunion spéciale du WEF sur la collaboration mondiale, la croissance et l’énergie pour le développement, qui aura lieu à Riyad les 28 et 29 avril.

«Dans le cadre de Vision 2030 de l’Arabie saoudite, Riyad est devenue une capitale mondiale pour le leadership éclairé, l’action et les solutions, favorisant l’échange de connaissances et d’idées innovantes», affirme dans un communiqué de presse Faisal F. Alibrahim, ministre saoudien de l’Économie et de la Planification. Ce dernier précise que l’organisation de l’Open Forum de cette année à Riyad «témoigne de l’influence et du rôle croissants de la ville sur la scène internationale».

Le forum est ouvert au public et «vise à faciliter le dialogue entre les leaders éclairés et le grand public sur une série de sujets, notamment les défis environnementaux, la santé mentale, les monnaies numériques, l’intelligence artificielle [IA], le rôle des arts dans la société, l’entrepreneuriat moderne et les villes intelligentes», indique un communiqué.

Au programme, des tables rondes qui portent sur l’impact des monnaies numériques au Moyen-Orient, sur le rôle de la culture dans la diplomatie publique, sur le développement urbain pour les villes intelligentes ainsi que sur les actions qui ont pour objectif d’améliorer le bien-être mental dans le monde.

L’Open Forum, qui a lieu chaque année, a été créé en 2003 dans le but de permettre à un public plus large de participer aux activités du WEF. Il a été organisé dans plusieurs pays, dont le Cambodge, l’Inde, la Jordanie et le Vietnam.

Des représentants gouvernementaux, des artistes, des leaders de la société civile, des entrepreneurs et des PDG de multinationales interviendront au cours des différentes tables rondes.

Parmi les intervenants de cette année figurent Yazid A. al-Humied, gouverneur adjoint et responsable des investissements dans la région Mena au Fonds public d’investissement saoudien (PIF), la princesse Rima bent Bandar al-Saoud, ambassadrice d’Arabie saoudite aux États-Unis, et la princesse Beatrice, fondatrice du Big Change Charitable Trust et membre de la famille royale britannique.

Michèle Mischler, responsable des affaires publiques suisses et de la durabilité au WEF, a fait savoir dans un communiqué de presse que la participation du public aux tables rondes de l’Open Forum «favorise la diversité des points de vue, enrichit le dialogue mondial et renforce les solutions collectives pour un avenir plus inclusif et durable».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le FMI ouvre son premier bureau dans la région Mena à Riyad

Le bureau permettra une collaboration plus étroite entre le FMI et les institutions régionales. (Shutterstock)
Le bureau permettra une collaboration plus étroite entre le FMI et les institutions régionales. (Shutterstock)
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  • Ce nouveau bureau a pour but de renforcer le développement des capacités, la surveillance régionale et la communication
  • Il permettra une collaboration plus étroite entre le FMI et les institutions régionales, les gouvernements et les autres parties prenantes

RIYAD: Le Fonds monétaire international (FMI) a ouvert son premier bureau dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena) à Riyad.

Le bureau a été inauguré lors de la Conférence régionale conjointe sur les politiques industrielles de diversification, organisée conjointement par le FMI et le ministère des Finances le 24 avril.

Selon l’agence de presse saoudienne (SPA), ce nouveau bureau a pour but de renforcer le développement des capacités, la surveillance régionale et la communication afin de favoriser la stabilité, la croissance et l’intégration régionale, promouvant ainsi les partenariats au Moyen-Orient et au-delà.

En outre, le bureau permettra une collaboration plus étroite entre le FMI et les institutions régionales, les gouvernements et les autres parties prenantes, indique la SPA. Cette dernière indique que le FMI a remercié l’Arabie saoudite de sa contribution financière visant à renforcer le développement des capacités dans ses États membres, y compris les pays fragiles.

Abdoul Aziz Wane, chef de mission chevronné du FMI qui a une connaissance approfondie de l’institution et dispose d’un vaste réseau de décideurs et d’universitaires dans le monde entier, sera le premier directeur du bureau de Riyad.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'UE impose des règles renforcées au champion chinois du prêt à porter Shein

Shein, spécialiste de la "fast-fashion", qui a son siège social à Singapour, vend ses vêtements exclusivement en ligne, auprès d'une clientèle jeune très présente sur les réseaux sociaux. (Photo, AFP)
Shein, spécialiste de la "fast-fashion", qui a son siège social à Singapour, vend ses vêtements exclusivement en ligne, auprès d'une clientèle jeune très présente sur les réseaux sociaux. (Photo, AFP)
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  • L'application fondée en Chine en 2012, emblème des dérives sociales et environnementales de la mode à petits prix, devient la 23ème plateforme, aux côtés de X, TikTok, Google ou Facebook, à se voir imposer les règles de l'UE les plus strictes
  • Shein revendique chaque mois 108 millions d'utilisateurs de son site dans l'Union européenne, soit nettement plus que le seuil de 45 millions à partir duquel les acteurs peuvent être soumis à la régulation renforcée

BRUXELLES: Bruxelles a ajouté vendredi le champion du prêt-à-porter bon marché Shein à la liste des très grandes plateformes en ligne soumises à des contrôles renforcés dans le cadre de la nouvelle législation sur les services numériques (DSA).

L'application fondée en Chine en 2012, emblème des dérives sociales et environnementales de la mode à petits prix, devient la 23ème plateforme, aux côtés de X, TikTok, Google ou Facebook, à se voir imposer les règles de l'UE les plus strictes pour "protéger les consommateurs contre les contenus illégaux", a annoncé la Commission européenne dans un communiqué.

Shein, spécialiste de la "fast-fashion", qui a son siège social à Singapour, vend ses vêtements exclusivement en ligne, auprès d'une clientèle jeune très présente sur les réseaux sociaux. Elle revendique chaque mois 108 millions d'utilisateurs de son site dans l'Union européenne, soit nettement plus que le seuil de 45 millions à partir duquel les acteurs peuvent être soumis à la régulation renforcée.

Ces entreprises doivent notamment analyser les risques liés à leurs services en matière de diffusion de contenus ou produits illégaux et mettre en place les moyens pour les atténuer. Cette analyse doit faire l'objet d'un rapport annuel remis à la Commission européenne qui assume désormais un rôle de gendarme du numérique dans l'UE.

"Des mesures devront être mises en œuvre pour protéger les consommateurs contre l'achat de produits dangereux ou illégaux, en mettant particulièrement l'accent sur la prévention de la vente et de la distribution de produits qui pourraient être nocifs pour les mineurs", a expliqué la Commission.

Les très grandes plateformes doivent aussi fournir au régulateur un accès à leurs algorithmes pour que le respect du règlement puisse être contrôlé. Elles doivent se soumettre une fois par an à un audit externe indépendant, à leurs propres frais.

Ces obligations s'appliqueront à Shein à partir de fin août.

Les contrevenants aux règles peuvent se voir infliger des amendes jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires annuel mondial, voire une interdiction d'opérer en Europe en cas de violations graves et répétées.

Réagissant à sa désignation comme très grande plateforme vendredi, Shein a affirmé sa volonté de se conformer aux règles européennes. "Nous partageons l'ambition de la Commission de faire en sorte que les consommateurs de l'UE puissent faire leurs achats en ligne en toute sérénité et nous nous engageons à jouer notre rôle", a déclaré Leonard Lin, responsable mondial des affaires publiques du groupe.

Les très grandes plateformes concernées par les contrôles européens renforcés incluent aussi le géant du commerce en ligne Amazon et son concurrent AliExpress, filiale du géant chinois Alibaba.

Une autre application chinoise de e-commerce, Temu, devrait s'ajouter prochainement à cette liste après avoir annoncé en avril qu'elle comptait environ 75 millions d'utilisateurs mensuels dans l'Union européenne.

Le DSA a montré son efficacité cette semaine en imposant à TikTok de suspendre dans l'UE la fonctionnalité de sa nouvelle application TikTok Lite qui récompense les utilisateurs pour le temps passé devant les écrans.

La Commission craignait des risques d'addiction, notamment pour les adolescents, et a ouvert une enquête. Elle soupçonne le réseau social, propriété du groupe chinois ByteDance, de ne pas avoir conduit l'analyse obligatoire des risques, en particulier pour la santé mentale des utilisateurs.

Toujours dans le cadre du DSA, Bruxelles a aussi ouvert en décembre une enquête visant le réseau social X pour des manquements présumés aux obligations de modération des contenus.