PARIS : La visite marathon du président français, Emmanuel Macron, à Beyrouth (du 31 août au 2 septembre, la deuxième en trois semaines) s’est conclue par l’adoption d’une feuille de route ficelée par la France. Elle a pour objectif de permettre la formation d’un « gouvernement de mission » et la mise en œuvre des réformes indispensables pour renflouer une économie libanaise ruinée. Elle doit également sauver les apparences d’un système politique épuisé par la corruption, et de l’ancrage du pays dans un axe régional conduit par l’Iran.
Dès sa première visite, le 6 août dernier (deux jours après la catastrophe survenue dans le port de Beyrouth), le président français avait multiplié les mises en garde à la classe politique libanaise, en la menaçant de possibles sanctions si elle ne coopérait pas pour faciliter la sortie de l’impasse. Cela a abouti à la nomination de l’ambassadeur Moustapha Adib comme nouveau Premier ministre, juste à la veille du déplacement présidentiel français.
Mais accepter la nomination d’un chef du gouvernement n’est que le début d’un processus qui devrait inclure la désignation de ministres « intègres et qualifiés » pour entamer une série de réformes et pour négocier avec le FMI la tenue, en octobre prochain, d’une conférence internationale politico-économique à même de faire le point sur l’avancement et assurer l’apport d’argent attendu par les Libanais.
Un dossier complexe
Selon l’Élysée, ce dossier libanais si complexe va se traiter en deux étapes : la première est liée à la constitution du gouvernement et au lancement des réformes ; la deuxième, concerne les discussions sur la stratégie de défense (il faut lire : l’armement et le positionnement du Hezbollah) et les possibles modifications du système politique.
Pour accomplir la tâche herculéenne de Jupiter (l’un de surnoms du président français) et assurer le succès de l’initiative de Macron, le diplomate Bernard Emié, directeur général de la Sécurité extérieure (DGSE) en charge du dossier libanais pour l’Élysée depuis le début de 2018, agit avec une équipe restreinte.
Emié, ancien ambassadeur à Beyrouth (entre 2004 et 2007, lors de la période critique marquée par l’assassinat de Rafic Hariri) est l’un des meilleurs spécialistes des dossiers du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au Quai d’Orsay. Cette qualité aurait été décisive pour que le locataire de l’Élysée, élu en 2017, le choisisse comme directeur de la DGSE.
Homme de terrain
Emié, homme de terrain d’Amman à Alger en passant par le complexe dossier syrien et la lutte contre le terrorisme, est bien armé pour déchiffrer les énigmes libanaises. Compte tenu de son expérience, il connaît personnellement la plupart des neuf responsables politiques réunis autour de Macron au palais des Pins. De plus, c’est sa direction qui maintient les fils du dialogue avec le Hezbollah.
C’est donc lui qui mène l’orchestre français pour surmonter les obstacles en alliant diplomatie et pressions « douces » pour convaincre ses interlocuteurs. On lui attribue la constitution de l’alliance quadripartite post-14 mars 2005 (entre Berri, Joumblatt, Hariri et le Hezbollah) et le choix de Najib Mikati pour diriger le gouvernement après les élections législatives de 2005. Avec ce profil et ce riche passé libanais, il est, selon certains, à l’origine de la nomination du nouveau Premier ministre, Moustapha Adib (ancien directeur de cabinet du même Mikati, ancien étudiant à Montpellier et marié à une française, proche d’un actuel fonctionnaire de l’Élysée).
Tous ces éléments représentent une valeur ajoutée à l’itinéraire de ce grand diplomate et commis de l’État qu’est Bernard Emié. Son travail ne se limite pas aux contacts réguliers avec les politiciens libanais et les acteurs de la scène libanaise, il englobe aussi l’environnement régional et international de la question libanaise.
Un comité restreint
Emié ne travaille pas en solitaire, il est épaulé par un comité restreint, notamment par Emmanuel Bonne, le principal conseiller diplomatique de Macron et ancien ambassadeur de France au Liban (présent au moment de l’élection de Michel Aoun à la présidence, le 31 octobre 2016) qui connaît bien le dossier libanais.
Il est également actif sur la scène internationale en ce qui concerne le dossier du nucléaire iranien et l’apaisement des tensions entre Téhéran et Washington.
Dans cette équipe on compte aussi Aurélien Lechevallier, qui était le numéro 2 de l'ambassade de France au Liban, et qui est aujourd’hui le conseiller diplomatique adjoint de Macron. Il est en charge du dossier de démarcation des frontières entre le Liban et Israël. Enfin, Patrick Durel complète l’équipe. Il est le conseiller du président français pour les affaires du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.