Au procès du 13-Novembre, la «course contre la montre» d'une enquête «sans précédent» racontée à la barre

Les forces de sécurité patrouillent devant la salle d'audience provisoire aménagée pour le procès des accusés des attentats de Paris du 13 novembre 2015 au Palais de Justice de Paris (Photo, AFP)
Les forces de sécurité patrouillent devant la salle d'audience provisoire aménagée pour le procès des accusés des attentats de Paris du 13 novembre 2015 au Palais de Justice de Paris (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 13 septembre 2021

Au procès du 13-Novembre, la «course contre la montre» d'une enquête «sans précédent» racontée à la barre

Les forces de sécurité patrouillent devant la salle d'audience provisoire aménagée pour le procès des accusés des attentats de Paris du 13 novembre 2015 au Palais de Justice de Paris (Photo, AFP)
  • Un responsable de la police anti-terroriste a raconté dans le détail la chronologie d'une «enquête totale»
  • Le policier parle depuis trois heures quand Salah Abdeslam se remet à protester, à renfort de grands gestes

PARIS: « On est parti, on commence »... Au procès des attentats du 13-Novembre, un responsable de la police anti-terroriste a raconté dans le détail la chronologie d'une « enquête totale », qui n'a laissé que peu de zones d'ombres, pour remonter la trace des commandos, des logisticiens et des donneurs d'ordre. 

« En quatre ans il a pu être identifié l'ensemble des auteurs, leurs complices, le commanditaire en Syrie, les périples à travers l'Europe pour ramener les commandos de terroristes, et l'inscription de ces attaques dans une campagne plus large d'attentats », résume à la barre « Sdat 99 », l'identification sous laquelle dépose le policier, à visage découvert. 

Il ne parle que depuis quelques minutes quand Salah Abdeslam l'interrompt, hurlant pour se faire entendre depuis le box - les micros sont coupés. 

« C'est quand qu'on aura la parole ?! », scande le seul membre encore en vie des commandos. 

« Monsieur Abdeslam, si vous continuez vous allez sortir du box », le prévient calmement mais fermement le président Jean-Louis Périès. Il doit s'y reprendre à plusieurs fois avant que le Franco-marocain de 31 ans ne finisse par se taire. 

L'enquêteur reprend l'exposé, qui durera au total quatre heures. Son débit est rapide, il regarde à peine ses notes posées sur le pupitre devant lui et connaît visiblement le dossier par cœur. 

Il décrit les « défis » d'une « enquête sans précédent » avec des « constatations simultanées sur huit scènes de crime », une « collecte minutieuse » d'indices parfois « microscopiques » dans un contexte de « course contre la montre, avec plusieurs individus en fuite et la possibilité d'un sur-attentat ».  

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Chronologie des attentats de Paris du 13 novembre 2015 (Graphique, AFP)

« Indicible »  

Plus de 1000 enquêteurs ont été mis sur le pont et confrontés à des « scènes indicibles », précise le policier. 

Il raconte tout, dans les moindres détails : les boulons projetés « à 40 mètres » du corps du premier kamikaze du Stade de France, les « 130 munitions retrouvées devant le Carillon et le Petit Cambodge, « qui témoignent de l'intensité de la fusillade ». »Les douze jihadistes, récupérés en cinq convois » par Salah Abdeslam, les faux documents d'identité utilisés par la cellule « tous produits au même endroit », ou encore le détecteur d'explosif « qui va saturer tellement il y a de TATP stocké » dans une des planques. 

Il revient aussi sur des détails glaçants. Comme ce téléphone portable, retrouvé dans une poubelle à côté de la voiture abandonnée par le commando du Bataclan. Le dernier SMS a été envoyé à 21h42 le soir du 13 novembre, cinq minutes avant le début de la fusillade : « On est parti, on commence ». 

Il raconte aussi que paradoxalement, ce sont des « incohérences » dans la revendication des attentats par l'Etat islamique qui mettront la police sur la piste de Salah Abdeslam. 

L'Etat islamique parle de « huit frères » et d'un attentat dans le XVIIIe arrondissement de Paris, dit-il. « Nous comprenons qu'un terroriste est en fuite ». Salah Abdeslam, dont le rôle exact le soir du 13-Novembre reste flou, a été exfiltré vers la Belgique après les attentats et arrêté après quatre mois de cavale. 

« Taisez-vous »  

Le policier parle depuis trois heures quand Salah Abdeslam se remet à protester, à renfort de grands gestes. « Taisez-vous M. Abdeslam », le coupe le président. Salah Abdeslam continue, debout dans le box. Jean-Louis Périès l'arrête à nouveau.  

« Pendant des semaines et des semaines vous allez entendre des fonctionnaires de police revenir sur le déroulement des attentats, sur l'enquête... Ca va durer neuf mois », le prévient-il. Salah Abdeslam proteste encore avec véhémence - il est cependant inaudible depuis les rangs de la salle d'audience.  

« Vous allez aussi entendre des victimes, des parents de victimes, même si ça ne vous plaît pas », reprend placidement le président. « Il va falloir vous armer de patience. Vous pouvez vous rasseoir ». 

Salah Abdeslam s'assoit.  

C'est au tour de ses avocats de se lever. « Cela devait être une présentation générale, et là on est dans le détail du détail », proteste Me Martin Vettes. Un « doublon », « encore plus pointilleux » du volumineux rapport fait par le président neuf heures durant, entre vendredi et lundi en première partie d'audience, abonde Me Olivia Ronen.   

« J'entends les protestations qui peuvent venir du box, les réponses ne viendront que dans quatre mois », continue-t-elle. 

Les premiers interrogatoires sur le fond de Salah Abdeslam et de ses co-accusés sont prévus en janvier.  

L'audience reprend mardi, avec l'audition de la juge antiterroriste belge Isabelle Panou. 


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.


Des socialistes au RN, Lecornu reçoit ses opposants avant une grande journée d'action

Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025.  (AFP)
Le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu (C) participe à une réunion lors de sa visite au centre départemental de santé de Macon, dans le centre-est de la France, le 13 septembre 2025. (AFP)
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  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu entame une série de réunions avec les oppositions avant une grande journée de mobilisation, dans un climat tendu marqué par les revendications sociales et les divergences sur le plan de redressement budgétaire

PARIS: Sébastien Lecornu reçoit mercredi ses opposants politiques, à la veille d'une journée importante de mobilisation sociale, sans grande marge de manœuvre pour discuter, au vu des lignes rouges qu'ils posent et des menaces de censure.

Tous les dirigeants de gauche - à l'exception de La France insoumise qui a refusé l'invitation -  ainsi que ceux du Rassemblement national vont défiler dans le bureau du nouveau Premier ministre, à commencer par les socialistes à 09H30.

Sébastien Lecornu a déjà échangé la semaine dernière avec les responsables du "socle commun" de la droite et du centre, ainsi que les syndicats et le patronat.

"Le premier qui doit bouger, c'est le gouvernement", a estimé pour sa part le président du groupe des députés Liot Laurent Panifous, reçu mardi, ajoutant que "le sujet des retraites ne peut pas être renvoyé uniquement à 2027".

François Bayrou avait obtenu la mansuétude du PS sur le budget 2025 en ouvrant un "conclave" sur la réforme des retraites, qui s'est soldé par un échec. Puis il a présenté à la mi-juillet un sévère plan de redressement des finances publiques qui a fait hurler toutes les oppositions.

Mercredi, "ça va être un round d'observation. La veille des grosses manifs, on sera dur, exigeant. Ce qui se joue ce n'est pas au premier chef un sujet budgétaire", mais un "sujet démocratique" car ce sont les "battus qui gouvernent", anticipe un responsable socialiste.

- Gestes -

Ces entretiens ont lieu sous la pression de la rue, alors qu'une mobilisation massive est attendue jeudi, de l'ordre de celles contre la réforme des retraites en 2023. Les syndicats contestent notamment les mesures budgétaires "brutales" de François Bayrou.

Avant d'entamer les discussions, Sébastien Lecornu a fait plusieurs gestes en direction de la gauche et de l'opinion: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés, et promesse de ne pas rouvrir le conclave sur les retraites.

Il a aussi consacré son premier déplacement samedi à l'accès aux soins, avant d'annoncer la suppression très symbolique, dès l'an prochain, des avantages restants octroyés aux ex-Premiers ministres.

Les socialistes ont eux posé leurs conditions dès dimanche face aux offres appuyées de dialogue du Premier ministre.

Ils considèrent que le plan Bayrou "ne doit pas servir de base de discussion", alors que Sébastien Lecornu a l'intention d'en faire un point de départ, puis de mettre les parlementaires devant leur responsabilité pour l'amender.

- "Rupture" -

Mercredi, les socialistes viendront avec en main un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

Parmi elles, la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros - la fameuse taxe Zucman, qui enflamme ce débat budgétaire - à laquelle 86% des sondés sont favorables, dont 92% des sympathisants Renaissance et 89% des sympathisants LR.

Le Premier ministre a cependant déjà fermé la porte à cette taxe, tout en reconnaissant que se posaient "des questions de justice fiscale".

La taxe Zucman, "c'est une connerie, mais ils vont la faire quand même parce que ça permet d'obtenir un accord de non-censure" avec la gauche, a de son côté prédit mardi Marine Le Pen, sans pour autant fermer la porte à une mise à contribution des plus fortunés.

"Si la rupture consiste à un retour aux sources socialistes du macronisme, c'est contraire à l'aspiration majoritaire du pays", a également mis en garde la cheffe des députés RN, attendue à 16H00 à Matignon avec Jordan Bardella.

Un avertissement auquel le patron des députés LR Laurent Wauquiez a fait écho mardi en dénonçant "la pression du PS", craignant qu'il "n'y ait plus rien sur l'immigration, la sécurité ou l'assistanat" dans le budget.

Autre point au cœur des discussions, le niveau de freinage des dépenses. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a appelé dimanche à chercher un accord autour "de 35 à 36 milliards" d'euros d'économies, soit moins que les 44 milliards initialement prévus par François Bayrou, mais plus que les 21,7 milliards du PS.

"Les socialistes donnent l'air d'être déterminés et de poser des conditions mais c'est un moyen de rentrer dans les négociations", estime Manuel Bompard, coordinateur de LFI, grinçant sur la politique des "petits pas" du PS, au détriment des "grands soirs".