Assez de processus, nous avons besoin de paix

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Publié le Samedi 24 octobre 2020

Assez de processus, nous avons besoin de paix

Assez de processus, nous avons besoin de paix
  • Si nous devons tirer une seule leçon de la normalisation des relations des Émirats Arabes Unis et du Bahreïn avec Israël, c’est que la paix peut être atteinte rapidement et le processus peut suivre plus tard
  • La position de Riyad est claire : elle reste attachée à l'Initiative de paix arabe, lancée par l'Arabie Saoudite elle-même en 2002

La meilleure analyse de la raison pour laquelle le processus de paix israélo-palestinien est si dysfonctionnel est qu’il a toujours été en proie à trop de processus, pas assez de paix. Si nous devons tirer une seule leçon de la normalisation des relations des Émirats Arabes Unis et du Bahreïn avec Israël, c’est que la paix peut être atteinte rapidement et le processus peut suivre plus tard.

Bien sûr, nous ne pouvons pas comparer plus de 70 ans d’occupation et les appels légitimes à y mettre fin, comme c’est le cas avec les Palestiniens, avec presque aucune hostilité entre Israël et les États du Golfe.

Oui, il y a des divisions entre le Fateh et le Hamas. Oui, il y a de la corruption chez l’Autorité Palestinienne. Toutefois, comme l’a observé Jared Kushner, conseiller du président américain Donald Trump, les Palestiniens ne manquent aucune occasion de manquer une occasion. Quand apprendront-ils qu’à chaque fois qu’ils se détournent de la table des négociations, le gâteau disparaît petit à petit ? Comparons ce qui leur a été offert en 1999 et ce qui leur est offert maintenant — et jusqu’à ce jour, à chaque fois qu’on leur offrait moins, les dirigeants palestiniens semblaient vouloir plus. La perte de la Palestine historique est certes difficile, mais les Palestiniens — nous tous, d’ailleurs — doivent mettre leurs émotions de côté et accepter la réalité.

Mais la faute n’est pas toute d’un seul côté. En élargissant les colonies illégales et en ajoutant continuellement l’insulte à l’injure, Israël rend impossible la conclusion d'un accord viable. Comme l’ont démontré les Émirats lorsqu'ils ont demandé le gel de l'annexion de parties de la Cisjordanie, Israël doit apprendre qu'il y a des récompenses — et dignes — pour agir de manière responsable, d'une manière qui encourage un accord de paix plutôt que de le saper.

L’Arabie Saoudite suivra-t-elle donc les Émirats et le Bahreïn ? Si je gagnais de l’argent à chaque fois que l’on me pose cette question, je serais un homme riche.

La meilleure analyse de la raison pour laquelle le processus de paix israélo-palestinien est si dysfonctionnel est qu’il a toujours été en proie à trop de processus, pas assez de paix.

Faisal J, Abbas

La position de Riyad est claire : elle reste attachée à l'Initiative de paix arabe, lancée par l'Arabie Saoudite elle-même en 2002, stipulant la création d’un État palestinien avec sa capitale à Jérusalem-Est en échange de la normalisation des relations avec le Royaume (qui abrite les deux sanctuaires sacrés de l'Islam) et tous les autres États arabes.

Bien que cette position ait été affirmée maintes fois, de nombreux experts la surinterprètent ; il y a ceux qui pensent que l’Arabie Saoudite ne reconnaîtrait ou ne normaliserait jamais ses relations avec Israël, et ceux qui semblent croire que Riyad se précipite secrètement pour le faire.

Une grande partie de cette confusion, bien sûr, est délibérément semée de l'autre côté du golfe Persique. Beaucoup de personnes pourraient être amenées à penser que l'Arabie Saoudite et l'Iran partagent les mêmes points de vue sur Israël. Ceci n'est ni vrai ni juste. L'Iran et ses alliés ont déclaré vouloir jeter les Juifs à la mer et rayer Israël de la carte. Ils utilisent cette rhétorique pour justifier leur comportement déstabilisateur dans la région et leur déploiement de milices armées — qui, loin de « libérer » Jérusalem, occupent au contraire quatre capitales arabes.

En revanche, la position officielle de l’Arabie Saoudite a toujours été raisonnable, et jamais antisémite. Simplement, Riyad s’est toujours opposée à l’occupation illégale des territoires palestiniens telle que définie par l’ONU et le droit international. Pendant des décennies, elle a prôné la paix et a tout fait pour mettre fin aux divisions palestiniennes.

Évidemment, personne ne nie que certains éléments de la société saoudienne étaient honteusement antisémites. Mais au cours des quatre dernières années, il y a eu une réforme sérieuse des programmes scolaires, de nouvelles lois interdisant les propos haineux, et des mesures sans précédent vers le dialogue et l'ouverture à d'autres religions — une quasi-révolution largement ignorée par les médias occidentaux.

Le prince héritier Mohammed bin Salmane lui-même a rencontré des dirigeants d’autres religions, y compris des juifs, à l’intérieur comme à l’extérieur du Royaume. La Ligue islamique mondiale, dirigée par Cheikh Mohammad All-Issa (également saoudien), est allée loin en critiquant sans réserve les négateurs de l’Holocauste et en encourageant une interprétation plus ouverte, plus tolérante de l’Islam.

Quant au rapprochement de Manama, l’une des choses les plus drôles que j’ai lues était une « analyse » suggérant que le Bahreïn, en tant que petit État du Golfe, n’aurait jamais été capable de normaliser ses relations avec Israël sans le feu vert de l’Arabie Saoudite. Non seulement ceci est dérogatoire pour le Bahreïn, un royaume indépendant, mais il est également chargé — comme si l’on demandait : « Avez-vous cessé de battre votre femme ? » La conséquence est soit que Riyad dictera sa politique à Manama, soit que l’Arabie Saoudite aura un problème avec le Bahreïn au sujet de sa décision ; aucune n’est correcte.

Enfin, même si la question palestinienne est résolue et que la région entière normalise ses relations avec Israël, plusieurs conceptions erronées doivent être corrigées et la haine doit être extraite de l'équation. Ce ne sera pas facile, mais il faut qu’on commence par admettre des erreurs. J'espère que l'accord avec le Bahreïn et les Émirats contribuera à mettre fin à la rhétorique haineuse contre les Arabes dans les médias et les livres israéliens, et bien sûr vice versa.

Arab News joint l’acte à la parole. Aujourd’hui, nous lançons une nouvelle série intitulée Rapport minoritaire, dans laquelle nous allons couvrir la détresse des minorités dans la région, et nous allons nous focaliser sur les Juifs arabes. Elle commence par une « plongée profonde » dans l’histoire des Juifs du Liban (www.arabnews.fr/LesJuifsduLiban) produite par mon collègue Ephrem Kossaify.

Shalom !

Faisal J. Abbas est rédacteur en chef d'Arab News. Twitter : @FaisalJAbbas

NDLR : Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.