La tempête politique qui secoue la région favorise la création d'une nouvelle alliance

Les présidents irakien, Barham Saleh, et égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, lors du sommet de Bagdad le mois dernier. (AFP/File)
Les présidents irakien, Barham Saleh, et égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, lors du sommet de Bagdad le mois dernier. (AFP/File)
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Publié le Dimanche 03 octobre 2021

La tempête politique qui secoue la région favorise la création d'une nouvelle alliance

La tempête politique qui secoue la région favorise la création d'une nouvelle alliance
  • En l'absence d’une puissance capable de garantir la sécurité dans la région, la question des alliances se pose
  • À mesure que la région entre dans une ère où les éléments indispensables à la survie sont source de discordes, il convient de créer une alliance capable de contourner les conflits à venir

Le Mouvement des non-alignés constitue le plus grand regroupement d'États au monde après celui des Nations unies. Initialement créé dans le but de préserver les États de la polarisation politique et économique résultant de la guerre froide, il sert de lien important entre les pays en développement qui ont récemment acquis leur indépendance.

Dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, le groupe a gagné en importance, sous l'impulsion du nationalisme arabe et du panislamisme. Toutefois, il a perdu de son éclat à la fin de la guerre froide, à tel point que son soixantième anniversaire est passé inaperçu cette année. Au moment où le Moyen-Orient traverse un apaisement relatif au terme de plusieurs décennies de rivalités et de conflits, il est temps de reconsidérer une alliance inspirée du modèle du Mouvement des non-alignés.

La semaine dernière, des responsables des Émirats arabes unis (EAU) ont mis en avant leur volonté de former un «pacte de non-agression». Les EAU clôturent ainsi une décennie de diplomatie et de militarisation ambitieuses et préconisent une approche «zéro problème» concernant les affaires étrangères. Cette déclaration est intervenue au terme de plusieurs mois marqués par des prises de position modérées au niveau régional, alors que les suites du retrait américain d'Afghanistan ont attiré l'attention sur les réalités du Moyen-Orient post-américain.

Depuis que le Royaume-Uni a renoncé à ses obligations dans les années 1960, le Moyen-Orient est partagé entre les États-Unis et leurs alliés, d'une part, et l'Égypte (dans un premier temps), la Syrie, l'Irak, le Yémen et l'Iran, d'autre part (qui forment un bloc alternatif). Mais cette réalité semble de plus en plus archaïque, compte tenu d’une série de facteurs: le désengagement progressif des États-Unis, le retour de la Russie et dernièrement, le rapprochement entre les Arabes et Israël.

Au cours des derniers mois, le dialogue a été engagé dans des domaines où la politique de la corde raide et la rupture des relations étaient jusque-là au goût du jour. Le rapprochement avec le Qatar en début d'année, suivi du retour progressif de la Syrie dans le giron arabe, témoignent de la volonté de remodeler les relations entre les pays de la région. Le mois dernier, le sommet de Bagdad, qui a réuni les rivaux de la région, a été couronné par l'affirmation du principe de «non-ingérence dans les affaires intérieures des différents pays».

 

En l'absence d’une puissance capable de garantir la sécurité dans la région, la question des alliances se pose sans aucun doute. Toutefois, la marge de manœuvre de ces alliances sera limitée tant que perdureront les conflits dans la région

Zaid M. Belbagi

Même si le sommet n'a pas envisagé la conclusion d'un traité ou d'une nouvelle alliance, son importance tient au fait qu'il a jeté les fondements d'une communication ouverte entre des parties qui ont entretenu jusque-là des relations clandestines. Ces échanges attestent en effet du changement notable intervenu auprès des puissances régionales qui souhaitent désormais travailler ensemble.

Bien que des possibilités de dialogue aient été explorées, l'insécurité grandissante souligne le besoin de créer une alliance capable de relever les nouveaux enjeux qui se dessinent. Si le Mouvement des non-alignés s'efforçait de frayer un chemin entre les polarisations qui ont marqué la guerre froide, les puissances du Moyen-Orient ont aujourd'hui l'occasion de créer une organisation à l'image de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) pour répondre aux défis sécuritaires auxquels elles sont confrontées.

Le retrait hâtif de l'Afghanistan a montré une fois de plus la vulnérabilité des États-Unis face à des ennemis non conventionnels. Toutefois, il a également mis en évidence l'insécurité des pays qui comptent sur le soutien militaire des États-Unis. La Ligue arabe, agonisante, et dont le soixante-quinzième anniversaire est passé inaperçu l'année dernière, est sans doute moins influente qu'elle ne l'était à ses débuts. L'une des leçons à tirer de son ineptie est la suivante: les pays arabes seuls ne pourront pas résoudre les problèmes de la région et il est essentiel que la Turquie, l'Iran et Israël, ainsi que d'autres nations non arabes de la région, jouent un rôle dans la résolution des problèmes sur le long terme.

Dix ans auparavant, le Dr Kristian Ulrichsen, chercheur au Baker Institute of Public Policy, nous a avertis à ce sujet dans son ouvrage Insecure Gulf: The End of Certainty and the Transition to the Post-Oil Era («L'insécurité du Golfe: Des certitudes qui se dissipent et une transition vers une ère post-pétrole»). Dans la mesure où le désengagement américain se produit plus tôt que prévu, cette insécurité ne fait que gagner en intensité, ce qui favorise une alliance entre les pays soucieux de préserver leur sécurité.

En l'absence d’une puissance capable de garantir la sécurité dans la région, la question des alliances se pose sans aucun doute. Toutefois, la marge de manœuvre de ces alliances sera limitée tant que perdureront les conflits dans la région.

Face à l'ingérence de l'Iran dans les affaires arabes, ses voisins resteront inquiets et sur le pied de guerre. Dans la même optique, l'expansionnisme de la Turquie ne favorisera pas une coopération économique en raison des conflits politiques incessants – à moins que cet expansionnisme ne soit endigué. Par ailleurs, il est impossible de renforcer la coopération avec Israël si la question palestinienne n'est pas résolue. Ces problématiques sont susceptibles de compromettre toute alliance régionale autochtone dans un contexte où les sources des conflits s’intensifieront. 

Le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne affectera de plus en plus l'Égypte et le Soudan, ce qui risque d'entraîner une guerre de l'eau entre les pays de la région. 

À mesure que la région entre dans une ère où les éléments indispensables à la survie sont source de discordes, il convient de créer une alliance capable de trouver une solution aux questions non résolues, et dont le but est de contourner les conflits à venir. 

Zaid M. Belbagi est un commentateur politique et un conseiller auprès de clients privés entre Londres et le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Twitter: @Moulay_Zaid

 

NDRL : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com