Les relations entre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont bien plus fortes que ne le souhaiterait l'Iran

Les drapeaux de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. (Photo, Getty Images)
Les drapeaux de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. (Photo, Getty Images)
Short Url
Publié le Mardi 03 août 2021

Les relations entre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont bien plus fortes que ne le souhaiterait l'Iran

Les relations entre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont bien plus fortes que ne le souhaiterait l'Iran
  • L'un des piliers fondamentaux de la politique étrangère du régime iranien est de créer des divisions entre les alliés de longue date et de capitaliser sur les désaccords
  • Il faudra beaucoup plus qu'un désaccord technique sur les quotas pétroliers pour rompre l'un des partenariats les plus durables du Moyen-Orient

Diviser pour régner: l'un des piliers fondamentaux de la politique étrangère du régime iranien consiste à créer des divisions entre les alliés de longue date et de capitaliser sur les désaccords.

Ainsi, sous l'administration Trump, l'establishment théocratique a pleinement exploité et les différends entre l'Union européenne (UE) et les États-Unis. Toutefois, les désaccords entre ces deux puissances n'étaient pas aussi durables que ce qu’aurait espéré le régime iranien: l'alliance américano-européenne reste forte.

Le régime iranien utilise la même stratégie dans le Golfe. Par exemple, les médias iraniens contrôlés par l'État ont récemment exagéré la flambée des tensions entre les pays de l'Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole, NDLR). Le régime a notamment tenté de montrer que les relations entre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) s’étaient détériorées. Les dirigeants iraniens seraient même tentés de prédire une rupture de l'alliance traditionnelle sur la base de ces désaccords.

Mais il importe de souligner que ces prévisions sont extrêmement prématurées. Elles négligent l'éventail important de sujets sur lesquels ces deux pays sont parvenus à s’entendre. Il faudrait bien plus qu'un désaccord mineur sur le pétrole pour briser des décennies d'amitié.

L'Opep est une organisation qui a connu bien des déboires au fil des ans. Pas une réunion ne s’est déroulée sans qu'un membre au moins n’entre en désaccord avec un autre. Lorsque la presse exacerbe ces flambées par goût du sensationnalisme, on oublie souvent que tout l'intérêt de l'organisation est de proposer un forum au sein duquel les différences peuvent être exprimées et les désaccords traités de manière structurée. Si l'Opep s'était effondrée à chaque fois que ses représentants réunis autour de la table n'étaient pas d'accord, l’organisation n'aurait pas duré une semaine.

Il faudrait bien plus qu'un désaccord mineur sur le pétrole pour briser des décennies d'amitié. 

Dr Majid Rafizadeh

Ceux qui cherchent à faire croire que de tels conflits peuvent provoquer une rupture majeure des relations avec le Golfe risquent d’être terriblement déçus. En ce qui concerne le dernier différend sur les quotas de production de pétrole – qui fait rage depuis l’année dernière, quand l'Arabie saoudite et la Russie, les deux plus gros producteurs de l’Opep, ont conclu un accord pour limiter la production –, les EAU se sont montrés réticents. Certes, cette dernière divergence était particulièrement visible, mais ce serait une erreur de penser qu’elle a occasionné une fracture durable.

Le 18 juillet dernier, les principaux producteurs mondiaux de pétrole sont parvenus à un accord complet. Comme l'a déclaré le ministre saoudien de l'Énergie, le prince Abdelaziz ben Salmane: « Ce qui nous lie dépasse de beaucoup ce que vous pouvez imaginer. Nous avons nos différences ici et là, mais nous sommes unis.»

L'Arabie saoudite et les EAU demeurent solidaires sur les principaux problèmes politiques auxquels la région se trouve confrontée aujourd'hui. Les inquiétudes qui concernent le financement du terrorisme par l'Iran, la lutte contre l'extrémisme et la promotion de la diversification économique dans cette partie du monde tributaire du pétrole ne constituent que quelques-uns des principaux sujets sur lesquels ces pays s’accordent pleinement. C’est plus que suffisant pour assurer la pérennité d'un partenariat solide.

Chaque fois que des désaccords surviennent au sein d'une institution multilatérale, les spéculations sur sa disparition vont bon train. On a ainsi maintes fois parlé de la chute du Conseil de sécurité de l'ONU (l’Organisation des nations unies, NDLR), mais ces prédictions se sont révélées sans fondement. Il en est de même avec l’Opep. En réalité, les tensions mettent en évidence l'objectif profond de ces organisations.

La nature même de la coopération sur la production pétrolière signifie que les désaccords et les différends techniques sont inhérents à tout plan d'action. Il est tentant pour certaines personnes de voir dans les pays producteurs de pétrole du Golfe un bloc homogène avec des objectifs, des ambitions et des capacités de production similaires. Cependant, ce n'est tout simplement pas le cas. L'Arabie saoudite, par exemple, possède des capacités de production considérablement plus importantes que celles de ses voisins.

Cela montre à quel point ce genre d’échauffement – malgré la volonté insistante de certains commentateurs de la considérer comme un conflit prononcé entre deux alliés proches – repose sur des différences d’ordre technique. Imaginez si d'autres alliances mondiales, telles que celle qui unit les États-Unis et le Canada ou l'Australie et la Nouvelle-Zélande, devaient se briser à cause de détails techniques sur les exportations de blé ou l'élevage de bétail. Cela ne reflète tout simplement pas la réalité des relations internationales.

Ceux qui prédisent le déclin de l'alliance saoudo-émirienne feraient bien de comprendre qu'il s'agit d'une relation basée sur une sécurité partagée ainsi que sur des intérêts diplomatiques et culturels qui existent sur des décennies. Elle ne deviendra pas caduque en raison d’un simple désaccord survenu lors d'une session de l'Opep. J’imagine que ceux qui parlent de la possibilité d'une fracture le savent, mais qu’ils veulent tout simplement voir un drame politique là où il n’y en a pas. Il faudra beaucoup plus qu'un désaccord technique sur les quotas pétroliers pour rompre l'un des partenariats les plus durables du Moyen-Orient.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.