Brexit: le gouvernement français pourrait indemniser les navires restant à quai, déception des pêcheurs

Une capture vidéo d'une séquence diffusée par l'Unité d'enregistrement parlementaire (PRU) montre le ministre d'État britannique, David Frost, répondant aux questions liées au Brexit à la Chambre des Lords à Londres, le 18 novembre 2021. (Photo, AFP)
Une capture vidéo d'une séquence diffusée par l'Unité d'enregistrement parlementaire (PRU) montre le ministre d'État britannique, David Frost, répondant aux questions liées au Brexit à la Chambre des Lords à Londres, le 18 novembre 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 18 novembre 2021

Brexit: le gouvernement français pourrait indemniser les navires restant à quai, déception des pêcheurs

Une capture vidéo d'une séquence diffusée par l'Unité d'enregistrement parlementaire (PRU) montre le ministre d'État britannique, David Frost, répondant aux questions liées au Brexit à la Chambre des Lords à Londres, le 18 novembre 2021. (Photo, AFP)
  • Français et Britanniques poursuivent d'âpres négociations sur l'attribution de licences de pêche post-Brexit dans les eaux britanniques
  • En vertu de l'accord de Brexit signé fin 2020 entre Londres et Bruxelles, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques, à condition de prouver qu'ils y pêchaient auparavant

SAINT-POL-DE-LÉON: La ministre française de la mer Annick Girardin a dénoncé jeudi le manque de « coopération » de l'île anglo-normande de Jersey en matière d'attribution de licences de pêche, évoquant l'indemnisation possible des pêcheurs victimes du Brexit.  

Français et Britanniques poursuivent d'âpres négociations sur l'attribution de licences de pêche post-Brexit dans les eaux britanniques. La France a déjà revu à la baisse ses exigences mais face aux difficultés pour obtenir des droits de pêche, notamment de la part des autorités de Jersey, Mme Girardin a annoncé la préparation de « plans de sortie de flotte » pour indemniser les pêcheurs dont les navires resteront in fine à quai.  

« Il est définitivement évident que Jersey ne respecte pas l'accord Brexit, pire, il démontre une non-volonté de coopérer avec nous », a déclaré la ministre dans une intervention à des assises de la pêche se tenant en Bretagne (ouest), à Saint-Pol-de-Léon.  

L'annonce a fait l'effet d'une bombe au sein des professionnels et des élus locaux présents qui ont immédiatement rejeté l'hypothèse d'un « plan massif de destruction des bateaux ».  

Mais pour la ministre « il faut (se) préparer à ces pertes ». « Sans préjuger des suites de la négociation, j'ai demandé à la DPMA (Direction des pêches) de me proposer, en relation avec les professionnels, une estimation des plans de sortie de flotte que je pourrais financer », a-t-elle annoncé.  

Elle a précisé qu'« une enveloppe de 40 à 60 millions d'euros » pourrait « être mise sur la table ». Ces fonds, provenant d'une enveloppe européenne destinée à accompagner les conséquences du Brexit, serviront notamment à indemniser les pêcheurs dont les navires ne pourront pas être repris et finiront à la casse.  

« Le bras de fer n'est pas perdu, la négociation n'est pas terminée (...). Je ne peux pas entendre qu'on s'embarque dans un plan massif de destruction de bateaux », a déploré auprès de la presse le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard.  

Pêche: les zones de la discorde franco-britannique

Le Brexit a redessiné les zones de pêche autour du Royaume-Uni, plantant depuis le 1er janvier 2021 un nouveau cadre général mais attisant du même coup une lutte féroce pour régler le sort de chaque bateau français. 
Voici les trois grandes zones définies et les points d'achoppement qui persistent dans deux d'entre elles pendant la période de transition prévue jusqu'à l'été 2026 - date à laquelle tous les pêcheurs européens devront renoncer à 25% de leurs prises dans les eaux britanniques. 
Dans les zones encore disputées, les gouvernements de Londres et des îles anglo-normandes ont accordé près de 220 licences définitives, soit 98% des demandes européennes selon Londres. Un chiffre contesté par la France, qui a réduit ses exigences, mais réclame encore quelque 150 licences, selon le décompte de l'AFP. 
Désireux de voir la situation se débloquer, Paris cible « en priorité » quelques dizaines de dossiers de pêcheurs dont la survie économique dépend largement de l'accès aux eaux britanniques. 


La zone des 12 à 200 milles des côtes britanniques 


Cette zone économique exclusive (ZEE) britannique ne pose pas de problème. Les autorisations demandées pour ce domaine de la pêche hauturière, qui se pratique au grand large sur des thoniers de 13 à 33 mètres, ont toutes été obtenues en janvier. Londres a accordé 1 674 autorisations à des navires européens, dont 736 français. 


La zone des 6 à 12 milles : le cas épineux des nouveaux navires

 
Dans cette zone poissonneuse, qui s'étend du sud de la mer du Nord au pays de Galles, l'accord européen prévoit un accès garanti aux navires qui s'y rendaient déjà pendant la période de référence 2012-2016. Il leur faut toutefois demander de nouvelles licences à Londres. 
Les pêcheurs français ont obtenu 104 licences définitives, mais attendent toujours une réponse pour 54 navires , qui n'ont aucune autorisation, même provisoire, de pêche dans cette zone. 
Parmi ces navires, quatorze (de moins de 12 mètres) sont considérés comme « très prioritaires » par Paris car réalisant une large part de leurs prises dans les eaux britanniques. 
Pour les 40 autres bateaux (de plus de 12 mètres) qui ont été récemment mis à l'eau en remplacement d'anciens navires, Londres refuse pour le moment de délivrer une licence, estimant qu'il s'agit de nouvelles demandes car concernant des navires plus modernes et souvent plus puissants. 


La zone des îles anglo-normandes: difficile bataille pour les petits bateaux 


Le secteur des îles semi-autonomes de Jersey et Guernesey, toutes proches des côtes françaises, fait l'objet d'âpres discussions concernant notamment de petits navires: chaque bateau doit justifier d'au moins onze jours de pêche sur une période de douze mois entre le 1er février 2017 et le 30 janvier 2020. 

- Jersey 

La lutte est féroce avec Jersey. La France a obtenu du gouvernement de Saint-Hélier 116 autorisations définitives et 46 licences provisoires valables jusqu'au 31 janvier 2022, le temps de fournir les données nécessaires à l'obtention d'une licence permanente.  

Mais 13 bateaux, considérés comme « prioritaires » par Paris, sont sur liste rouge et totalement interdits de pêche dans les eaux de Jersey depuis le 1er novembre. 

Les pêcheurs français affirment avoir « tout donné » pour les petits bateaux non équipés en système de géolocalisation  (journal de pêche, chiffres des ventes, etc.) et Paris accuse l'île de refuser de pleinement coopérer. 

- Guernesey 

Seules des licences provisoires ont été accordées et une soixantaine de demandes sont en attente. Mais Guernesey, qui renouvelle de mois en mois ses autorisations provisoires, est considéré par Paris comme « un partenaire fiable » dans la négociation. 

« Une quarantaine de licences définitives » devraient être octroyées d'ici début décembre, a annoncé jeudi la ministre de la Mer Annick Girardin. 

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Carte des zones économiques exclusives du Royaume-Uni, de Jersey, Guernesey et des pays voisins, et des zones de pêche autour du Royaume-Uni (Graphique, AFP)

« Bras de fer »   

Le président du comité régional des pêches Olivier Le Nezet a lui estimé qu'une telle enveloppe pourrait correspondre à l'indemnisation d'« une centaine de bateaux ». « Quel message envoie le gouvernement? Ce message dit qu'il vaut mieux être en dehors de l'Europe que dedans », a-t-il déclaré.  

En vertu de l'accord de Brexit signé fin 2020 entre Londres et Bruxelles, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques, à condition de prouver qu'ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l'ampleur des justificatifs à fournir.   

Dans les zones encore disputées, les gouvernements de Londres et des îles anglo-normandes ont accordé à ce jour près de 220 licences définitives. La France réclame encore quelque 150 licences (contre 170 il y a un mois), selon un décompte de l'AFP.  

Désireux de voir la situation se débloquer, Paris a ciblé « en priorité » quelques dizaines de dossiers: ceux des navires dont la survie économique dépend largement de l'accès aux eaux britanniques.  

Environ un quart des prises françaises (hors Méditerranée) en volume (environ 20% en valeur) proviennent des eaux britanniques, très poissonneuses et qui sont à l'origine de 650 millions d'euros de ventes annuelles pour les pêcheurs européens.   

Alors que des dizaines de licences provisoires expiraient fin septembre, la France avait durci le ton, annonçant des sanctions si aucun progrès n'était fait.   

La menace s'était finalement éloignée, après une série de rencontres, y compris entre le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Boris Johnson, mais la crise tend à s'enliser.  

Les discussions, qui se poursuivaient jeudi à Bruxelles, achoppent notamment sur la question des navires de remplacement, des bateaux neufs acquis récemment par les pêcheurs français pour renouveler leur flotte, a-t-on indiqué dans l'entourage de la ministre. 


Plus de 200 personnalités demandent la libération du dirigeant palestinien Marwan Barghouti

Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002. (AFP)
Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002. (AFP)
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  • Cette initiative fait partie de la campagne internationale "Free Marwan", lancée par sa famille
  • La plupart des signataires se sont déjà exprimés publiquement pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza

PARIS: Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002.

Marwan Barghouti, 66 ans et ancien cadre du Fatah, défend une résolution politique au conflit israélo-palestinien. Parfois surnommé par ses partisans le "Mandela palestinien", il est connu pour sa lutte contre la corruption et est cité comme un possible successeur du président palestinien Mahmoud Abbas.

La lettre ouverte, consultée par l'AFP, réunit des stars du cinéma comme Josh O'Connor, Benedict Cumberbatch et Javier Bardem, ainsi que des musiciens tels que Fontaines D.C. et Sting. Les autrices à succès Sally Rooney, Annie Ernaux ou Margaret Atwood ont également apporté leur soutien, tout comme les anciens footballeurs Éric Cantona et Gary Lineker.

"Nous exprimons notre vive inquiétude face à la détention continue de Marwan Barghouti, à ses mauvais traitements et au déni de ses droits légaux en prison", écrivent-ils, appelant "les Nations Unies et les gouvernements du monde à œuvrer activement" pour sa libération.

Cette initiative fait partie de la campagne internationale "Free Marwan", lancée par sa famille. La plupart des signataires se sont déjà exprimés publiquement pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza.

Marwan Barghouti a été condamné à cinq peines de prison à vie par un tribunal israélien, qui l'a reconnu coupable d'implication dans des attaques meurtrières durant la seconde intifada (2000-2005).

Israël a refusé de le libérer dans le cadre des échanges de prisonniers, effectués depuis le début de la guerre à Gaza déclenchée après l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Son fils a déclaré en octobre qu'il avait été violemment battu par des gardiens israéliens lors d'un transfert de prison. En août, le ministre israélien d'extrême droite Itamar Ben Gvir a diffusé une vidéo où il prend à partie et sermonne Marwan Barghouti, apparaissant affaibli dans sa cellule.


Ukraine: «aucun compromis» sur les territoires occupés après une rencontre Poutine-Witkoff à Moscou

"Aucun compromis" n'a été trouvé mardi sur l'épineuse question des territoires occupés par la Russie en Ukraine après une rencontre à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff, qui lui présentait le plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine. (AFP)
"Aucun compromis" n'a été trouvé mardi sur l'épineuse question des territoires occupés par la Russie en Ukraine après une rencontre à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff, qui lui présentait le plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine. (AFP)
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  • M. Witkoff, accompagné du gendre du président américain, Jared Kushner, s'est entretenu pendant près de cinq heures au Kremlin avec le dirigeant russe à propos de ce plan présenté par Washington
  • "Nous avons pu nous mettre d'accord sur certains points (...), d'autres ont suscité des critiques, mais l'essentiel est qu'une discussion constructive ait eu lieu et que les parties aient déclaré leur volonté de poursuivre leurs efforts"

MOSCOU: "Aucun compromis" n'a été trouvé mardi sur l'épineuse question des territoires occupés par la Russie en Ukraine après une rencontre à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff, qui lui présentait le plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine.

M. Witkoff, accompagné du gendre du président américain, Jared Kushner, s'est entretenu pendant près de cinq heures au Kremlin avec le dirigeant russe à propos de ce plan présenté par Washington il y a deux semaines et depuis retravaillé lors de consultations avec les Ukrainiens.

"Nous avons pu nous mettre d'accord sur certains points (...), d'autres ont suscité des critiques, mais l'essentiel est qu'une discussion constructive ait eu lieu et que les parties aient déclaré leur volonté de poursuivre leurs efforts", a indiqué le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov.

Sur la question des territoires occupés par la Russie en Ukraine, qui représentent environ 19% du pays, "aucune solution de compromis n'a encore été choisie", même si "certaines propositions américaines peuvent être discutées", a précisé M. Ouchakov.

Il a qualifié la discussion d'"utile", mais prévenu qu'il "reste encore beaucoup de travail" pour parvenir à un accord, alors que les troupes russes ont accéléré leur avancée sur le front.

"Ce que nous avons essayé de faire, et je pense que nous avons fait quelques progrès, est de déterminer ce qui pourrait convenir aux Ukrainiens et leur donner des garanties de sécurité pour l'avenir", a déclaré pour sa part le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio sur la chaîne Fox News, sans qu'il soit précisé s'il s'exprimait après la fin des pourparlers.

Après cet entretien avec les Russes à Moscou, Steve Witkoff et Jared Kushner pourraient rencontrer mercredi en Europe une délégation de Kiev, selon une source ukrainienne à l'AFP.

"Nous sommes prêts" 

Quelques heures avant sa rencontre avec les Américains, Vladimir Poutine avait menacé les Européens, les accusant de chercher à "empêcher" les efforts de Washington pour mettre fin au conflit.

"Nous n'avons pas l'intention de faire la guerre à l'Europe, mais si l'Europe le souhaite et commence, nous sommes prêts dès maintenant", a-t-il lancé aux journalistes, en marge d'un forum économique.

Des propos qui tranchent avec ceux du chef de l'Otan, Mark Rutte, qui s'est dit peu avant convaincu que les efforts américains en Ukraine "finiront par rétablir la paix en Europe".

Le président américain Donald Trump a répété mardi que le règlement du conflit en Ukraine était une question complexe. "Ce n'est pas une situation facile, croyez-moi. Quel gâchis", a-t-il dit.

De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, sous forte pression politique et diplomatique, a accusé la Russie d'utiliser les pourparlers actuels pour tenter "d'affaiblir les sanctions" visant Moscou.

Il a appelé à la fin de la guerre et pas "seulement à une pause" dans les combats.

Les Etats-Unis ont annoncé fin octobre des sanctions contre deux géants du secteur des hydrocarbures russes, Rosneft et Lukoil, les premières sanctions d'importance prises par Donald Trump contre la Russie depuis son retour au pouvoir.

Les Européens espèrent que l'administration Trump, soupçonnée de complaisance vis-à-vis de Vladimir Poutine, ne sacrifiera pas l'Ukraine, considérée comme un rempart face à la Russie.

Accélération russe 

Ces discussions se sont déroulées alors que les forces russes ont réalisé en novembre leur plus grosse progression sur le front en Ukraine depuis un an, selon l'analyse par l'AFP des données fournies par l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW), qui travaille avec le Critical Threats Project (CTP, émanation de l'American Enterprise Institute), deux centres de réflexion américains spécialisés dans l'étude des conflits.

En un mois, la Russie a pris 701 km2 aux Ukrainiens, la deuxième avancée la plus importante après celle de novembre 2024 (725 km2), en dehors des premiers mois de guerre au printemps 2022.

La Russie a revendiqué lundi la prise de la ville de Pokrovsk dans l'est de l'Ukraine, un nœud logistique clé pour Kiev, ainsi que celle de Vovtchansk, dans le nord-est. Mais l'Ukraine a affirmé mardi que les combats à Pokrovsk se poursuivaient.

En novembre, la Russie a tiré plus de missiles et de drones lors de ses attaques nocturnes sur l'Ukraine que durant le mois précédent, soit un total de 5.660 missiles et drones longue portée (+2%).

En interne, le président ukrainien est affaibli par un vaste scandale de corruption impliquant ses proches et qui a contraint son puissant chef de cabinet, Andriï Iermak, à la démission vendredi.

 


Bissau: formation d'un gouvernement, le président renversé est à Brazzaville

Mercredi, des militaires ont annoncé avoir renversé le président Embalo et suspendu les élections présidentielle et législatives du 23 novembre, dont les résultats devaient être annoncés cette semaine dans ce petit pays lusophone d'Afrique de l'Ouest à l'histoire jalonnée de coups de force et de troubles politiques. (AFP)
Mercredi, des militaires ont annoncé avoir renversé le président Embalo et suspendu les élections présidentielle et législatives du 23 novembre, dont les résultats devaient être annoncés cette semaine dans ce petit pays lusophone d'Afrique de l'Ouest à l'histoire jalonnée de coups de force et de troubles politiques. (AFP)
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  • La junte a depuis nommé le général Horta N'Tam président d'une transition censée durer un an et un Premier ministre
  • Le nouveau gouvernement compte également cinq officiers, dont le général de brigade Mamasaliu Embalo, nommé au poste de ministre de l'Intérieur, et le général Stive Lassana Manssaly qui occupe le portefeuille de la Défense nationale

BISSAU: La junte au pouvoir en Guinée-Bissau a formé samedi un nouveau gouvernement composé de 28 membres, en majorité des civils, quatre jours après avoir renversé le président Umaro Sissoco Embalo, qui est arrivé à Brazzaville.

Mercredi, des militaires ont annoncé avoir renversé le président Embalo et suspendu les élections présidentielle et législatives du 23 novembre, dont les résultats devaient être annoncés cette semaine dans ce petit pays lusophone d'Afrique de l'Ouest à l'histoire jalonnée de coups de force et de troubles politiques.

La junte a depuis nommé le général Horta N'Tam président d'une transition censée durer un an et un Premier ministre.

Le nouveau gouvernement compte également cinq officiers, dont le général de brigade Mamasaliu Embalo, nommé au poste de ministre de l'Intérieur, et le général Stive Lassana Manssaly qui occupe le portefeuille de la Défense nationale. Quatre femmes intègrent aussi le gouvernement.

M. N'Tam a exhorté le nouveau gouvernement à "lutter contre la corruption et le trafic de drogue", dans ce pays très pauvre et considéré comme une plaque tournante de ce trafic entre l'Amérique latine et l'Europe.

Brièvement arrêté par les militaires mercredi, puis parti au Sénégal jeudi dans un vol affrété par le gouvernement sénégalais, M. Embalo "est arrivé à Brazzaville pour y rester", a affirmé samedi à l'AFP une source proche de la présidence congolaise, sous couvert de l'anonymat.

Echauffourées 

M. Embalo, 53 ans, est réputé proche du président congolais Denis Sassou Nguesso, et s'est rendu à plusieurs reprises en visite au Congo.

"Le président Embalo est arrivé en fin de matinée à Brazzaville à bord d'un jet privé affrété par les autorités", a indiqué à l'AFP une source proche du pouvoir congolais, jointe depuis Bissau.

Dans la capitale bissau-guinéenne, le Parti Africain pour l'Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), puissante et historique formation d'opposition, a dénoncé l'"envahissement" de son siège samedi matin dans la capitale et des "dégradations" par des "miliciens armés".

Selon le PAIGC, ces derniers ont "procédé à l'expulsion de toutes les personnes qui s'y trouvaient, à l’effraction des portes de bureaux et à la grave violation de l’intégrité des installations".

Le principal opposant Domingos Simoes Pereira - dirigeant du PAIGC, parti ayant mené la Guinée-Bissau à l'indépendance en 1974 - avait été écarté de la présidentielle du 23 novembre. Le parti avait ensuite soutenu le candidat d'opposition Fernando Dias, devenu le principal adversaire de M. Embalo lors du scrutin.

M. Pereira a été arrêté mercredi en Guinée-Bissau, selon des proches et un collaborateur.

Dans une déclaration jeudi à l'AFP, M. Dias affirme avoir largement remporté la présidentielle au premier tour et accuse M. Embalo d'avoir "organisé" le coup d'Etat pour empêcher son accession au pouvoir.

M. Dias affirme être "en sécurité" et se cacher dans le pays.

Par ailleurs, des échauffourées mineures ont eu lieu samedi dans la matinée dans un quartier périphérique de Bissau, non loin du siège de campagne de M. Dias, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Mercredi, les auteurs du putsch avaient expliqué vouloir garantir la "sécurité au niveau national et rétablir l'ordre", évoquant la découverte par les "renseignements généraux" d'un "plan visant à déstabiliser le pays avec l'implication des barons nationaux de la drogue".

Des opposants et des experts soupçonnent néanmoins M. Embalo, au pouvoir depuis 2020, d'avoir orchestré lui-même son renversement afin d'arrêter le processus électoral.

Coup "factice" 

La prise de pouvoir par les militaires a été largement critiquée, notamment par le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres qui a dénoncé une "violation des principes démocratiques".

La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a suspendu la Guinée-Bissau de "tous ses organes décisionnels". L'Union africaine (UA) a également suspendu le pays de ses instances.

Samedi, le président du Conseil des Sages et ancien chef d'Etat du Nigeria, Goodluck Jonathan, qui faisait partie des observateurs des scrutins du 23 novembre, a à nouveau affirmé que le coup d'état était selon lui "factice".

Il répondait à un journaliste de la télévision nationale après avoir briefé le président nigérian Bola Tinubu sur la situation en Guinée-Bissau.

"C'est une cérémonie mise en scène par le chef de l'Etat (Embalo, NDLR) lui même", a-t-il accusé. "Nous sommes fatigués de tout cela en Afrique....", a-t-il fustigé.

La Guinée-Bissau, située entre le Sénégal et la Guinée (Conakry), a déjà connu quatre coups d'Etat et une kyrielle de tentatives de putsch depuis son indépendance du Portugal en 1974. La proclamation des résultats électoraux y a souvent donné lieu à des contestations.