L'Iran demandera plus de concessions lorsque les pourparlers nucléaires reprendront

Le président iranien Ebrahim Raïssi. (Photo fournie)
Le président iranien Ebrahim Raïssi. (Photo fournie)
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Publié le Mardi 23 novembre 2021

L'Iran demandera plus de concessions lorsque les pourparlers nucléaires reprendront

L'Iran demandera plus de concessions lorsque les pourparlers nucléaires reprendront
  • Les dirigeants iraniens sont conscients du fait qu'Israël possède les capacités militaires pour lancer une attaque contre ses installations nucléaires
  • Il est à prévoir que la défiance nucléaire du régime se poursuive car les dirigeants iraniens veulent faire pression sur l'Occident pour qu'il lui accorde plus de concessions

Après des mois de blocage, le régime iranien a finalement accepté de reprendre les négociations avec les puissances mondiales du P5+1 (composé des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des nations unies + l’Allemagne) ce mois-ci pour apparemment relancer l'accord nucléaire du Plan d'action global conjoint (PAGC). Quelle stratégie le régime iranien emploiera-t-il dans les pourparlers de Vienne?

Les dirigeants iraniens ont déclaré que leur date préférée pour reprendre les négociations est le 29 novembre. Mais pourquoi ont-ils finalement accepté de reprendre les pourparlers et pourquoi ont-ils choisi cette date?

Tout d'abord, les dirigeants iraniens craignent très probablement que, s'ils continuent à tergiverser, la patience d'Israël s'épuise et que cela risque de porter atteinte aux installations nucléaires iraniennes. Une telle action d’Israël ferait reculer considérablement le programme nucléaire iranien et anéantirait des années de travail.

Ce qui est alarmant pour les dirigeants iraniens, c’est l’annonce le mois dernier que le gouvernement israélien a approuvé un budget de près de 1,5 milliard de dollars (1 dollar = 0,89 euro) pour attaquer les installations nucléaires de l'Iran au cas où Téhéran ne reprendrait pas les négociations et si un accord ne pouvait pas être trouvé rapidement pour freiner le programme nucléaire du régime iranien. Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a plaidé en faveur de ce budget, déclarant: «Nous voyons que l'Iran progresse vers le niveau d'enrichissement qui lui permettrait, quand il le souhaite, de devenir un État seuil – et nous faisons tout notre possible pour empêcher cela.»

Les dirigeants iraniens sont également conscients du fait qu'Israël possède les capacités militaires pour lancer une attaque sophistiquée contre ses installations nucléaires. De plus, Téhéran ne pourrait pas riposter en attaquant directement Israël, car une telle attaque entraînerait les États-Unis, l'allié d'Israël, dans le conflit, ce qui serait un suicide politique pour les religieux au pouvoir en Iran. Le régime n'est pas non plus en mesure de s'engager dans une guerre directe avec une autre puissance en raison de ses problèmes financiers et du mécontentement national généralisé. Toute guerre pourrait déclencher un autre soulèvement à l'intérieur de l'Iran, ce qui rendrait le régime extrêmement vulnérable, car il serait pris pour cible à la fois de l'étranger et de l'intérieur du pays.

 

«Le régime veut montrer qu'il a fait des avancées significatives dans son programme nucléaire afin de prendre le dessus à la table des négociations.»

Dr Majid Rafizadeh

 

Deuxièmement, le régime a très probablement choisi cette date exacte pour reprendre les pourparlers nucléaires, car elle intervient quelques jours avant que l'organisme de surveillance de l'Organisation des nations unies (ONU), l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), ne publie son rapport sur les activités nucléaires du gouvernement iranien et le respect de l'accord nucléaire. Le rapport est susceptible de soulever des inquiétudes concernant les violations de l'Iran et les avancées nucléaires dangereuses. Mais les dirigeants iraniens espèrent que les puissances mondiales ignoreront le rapport afin de ne pas saborder les pourparlers du PAGC.

En outre, le régime veut montrer qu'il a obtenu des avancées significatives dans son programme nucléaire en amont des pourparlers de Vienne afin de prendre le dessus à la table des négociations et d'obtenir plus de concessions. Il a progressivement accéléré son enrichissement d'uranium à des niveaux de qualité militaire. Cette escalade a suscité l'inquiétude de certains dirigeants américains et européens.

L'Iran a commencé à augmenter l'enrichissement d'uranium à 20 % en janvier. Le 9 janvier, le Parlement iranien a adopté une loi obligeant le gouvernement à expulser les inspecteurs de l'AIEA à moins que les sanctions américaines ne soient levées. En avril, le régime a augmenté son niveau d'enrichissement d'uranium à 60 %, le rapprochant ainsi de la qualité militaire. Trois mois plus tard, le régime a commencé à produire de l'uranium métal enrichi. Une déclaration conjointe publiée par le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne à l'époque convenait que le régime iranien «n'a aucun besoin civil crédible de recherche et développement et de production d'uranium métal, qui sont une étape clé dans le développement d'une arme nucléaire».

Le régime iranien veut que les États-Unis suppriment toutes les sanctions qui lui ont été imposées par l'administration Trump. Cependant, bon nombre de ces sanctions ne sont pas liées au programme nucléaire iranien; elles sont plutôt liées aux activités terroristes du régime et aux violations des droits humains. L'Iran ne veut pas non plus parler de son programme de missiles balistiques, qui est un pilier central de son programme nucléaire.

Il est paradoxal que le régime iranien veuille que les pourparlers nucléaires conduisent à la levée des sanctions non nucléaires, en plus des sanctions nucléaires, mais qu’il ne veuille pas discuter de ses missiles balistiques ou de sa politique étrangère destructrice.

Nous pouvons nous attendre à ce que la défiance nucléaire du régime se poursuive car les dirigeants iraniens veulent faire pression sur l'Occident pour qu'il lui accorde plus de concessions.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.

TWITTER : @Dr_Rafizadeh

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com