Daech a commis des crimes de guerre dans une prison irakienne, selon l’ONU

En 2014, des combattants de Daech se sont emparés de villes irakiennes et ont déclaré un califat autoproclamé sur une vaste étendue de territoire en Syrie et en Irak. (Photo, AFP)
En 2014, des combattants de Daech se sont emparés de villes irakiennes et ont déclaré un califat autoproclamé sur une vaste étendue de territoire en Syrie et en Irak. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 03 décembre 2021

Daech a commis des crimes de guerre dans une prison irakienne, selon l’ONU

En 2014, des combattants de Daech se sont emparés de villes irakiennes et ont déclaré un califat autoproclamé sur une vaste étendue de territoire en Syrie et en Irak. (Photo, AFP)
  • Christian Ritscher: «Au moins 1 000 prisonniers, majoritairement chiites, ont été systématiquement tués»
  • En 2014, des combattants de Daech se sont emparés de villes irakiennes et ont déclaré un califat autoproclamé sur une vaste étendue de territoire en Syrie et en Irak

NATIONS UNIES: Le chef d’une équipe de l’ONU chargée d’enquêter sur les atrocités commises en Irak a déclaré que les extrémistes de Daech ont commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre dans une prison de Mossoul en juin 2014. 

Christian Ritscher a expliqué jeudi au Conseil de sécurité de l’ONU que les preuves recueillies dans les fosses communes contenant les restes des victimes d’exécutions effectuées à la prison centrale de Badush et auprès des survivants montrent des préparatifs détaillés de l’attaque par des membres haut placés de Daech, suivie d’une attaque le matin du 10 juin de la même année. 

«Les prisonniers capturés ont été conduits vers des sites proches de la prison, humiliés et séparés en fonction de leur religion», a-t-il raconté. «Au moins 1000 prisonniers, majoritairement chiites, ont ensuite été systématiquement tués.» 

Selon M. Ritscher, l’analyse par les enquêteurs des témoignages de survivants et des preuves numériques, documentaires et médico-légales, y compris des documents de Daech, a permis d’identifier un certain nombre de membres du groupe extrémiste, également connu sous le nom d’EI ou EIIL, qui étaient responsables des crimes. 

À la suite de ces enquêtes, il a précisé que l’équipe d'enquêteurs des Nations unies chargée d’amener Daech en Iraq et au Levant à répondre de ses crimes (Unitad) avait conclu que Daech avait commis «des crimes contre l’humanité tels que le meurtre, l’extermination, la torture, les disparitions forcées, la persécution et d’autres actes inhumains» à la prison de Badush, ainsi que «des crimes de guerre tels que l’homicide volontaire, la torture, le traitement inhumain et l’atteinte à la dignité personnelle». 

En 2014, des combattants de Daech se sont emparés de villes irakiennes et ont déclaré un califat autoproclamé sur une vaste étendue de territoire en Syrie et en Irak. Le groupe a été officiellement déclaré vaincu en Irak en 2017 à l’issue d’une bataille sanglante de trois ans qui a fait des dizaines de milliers de morts et laissé des villes en ruines, mais ses cellules dormantes continuent de lancer des attaques dans différentes parties de l’Irak. 

En mai, le prédécesseur de M. Ritscher, Karim Khan, a indiqué au conseil que les enquêteurs avaient trouvé des «preuves claires et irréfutables» que les extrémistes de Daech avaient commis un génocide contre la minorité yézidie en 2014. Il a également mentionné que le groupe militant avait réussi à développer des armes chimiques et utilisé du gaz moutarde. 

M. Ritscher a salué le «moment historique» marqué, il y a deux jours, par la toute première condamnation d’un membre de Daech pour crime de génocide devant le tribunal régional de Francfort, en Allemagne. L’Irakien de 29 ans a également été reconnu coupable de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’atteinte à l’intégrité physique ayant entraîné la mort d’une fillette yézidie de 5 ans qu’il avait achetée comme esclave avec sa mère, avant de l’enchaîner au soleil pour qu’elle meure. 

«Nous avons maintenant la chance, collectivement, de faire de ces poursuites la norme et non une exception célébrée», a lancé M. Ritscher. «En coopération avec les autorités irakiennes et celles de la région du Kurdistan, avec les survivants et avec le soutien de ce conseil, nous construisons les preuves qui peuvent rendre une justice significative pour tous ceux qui ont souffert des crimes de l’EIIL en Irak.» 

M. Ritscher a ajouté que les preuves recueillies concernant les attaques de la prison de Badush soulignaient la planification détaillée des atrocités commises par Daech. 

L’approche du groupe extrémiste «apparaît encore plus clairement dans deux autres lignes d’enquête clés qui se sont accélérées au cours des six derniers mois: le développement et l’utilisation d’armes chimiques et biologiques par l’EIIL, et les mécanismes financiers par lesquels il a soutenu sa campagne de violence», a-t-il expliqué. 

Les preuves recueillies par l’équipe «montrent également que l’EIIL a clairement identifié puis saisi des usines de production chimique et d’autres sources de matériaux précurseurs, et qu’il a également envahi le campus de l’université de Mossoul pour en faire un centre de recherche et de développement», a précisé M. Ritscher. 

Le programme du groupe extrémiste est devenu plus sophistiqué et les enquêteurs ont identifié plus de 3 000 victimes d’attaques aux armes chimiques de Daech, ainsi que son utilisation de projectiles d’artillerie contenant un agent sulfureux de type moutarde, a-t-il souligné. 

Lors de son prochain briefing au Conseil de sécurité, M. Ritscher a annoncé qu’il présenterait les conclusions de l’équipe sur l’utilisation d’armes chimiques par Daech, y compris sur les crimes qu’il a commis. 

Il a également insisté sur l’importance cruciale de traduire en justice les bailleurs de fonds de Daech et ceux qui profitent des crimes du groupe. 

M. Ritscher a mentionné que les enquêteurs ont découvert les rouages de la trésorerie centrale de Daech et un réseau de hauts dirigeants qui agissaient également «en tant que bailleurs de fonds de confiance, détournant les richesses que Daech a obtenues par le pillage, le vol de biens des communautés ciblées et l’imposition d’un système de taxation systématique et d’exploitation imposé à ceux qui vivent sous le contrôle de l’EIIL». 

Il a finalement noté que l’équipe a récemment partagé des informations avec le système judiciaire irakien sur l’utilisation des entreprises de services monétaires par le groupe «en tant que facilitateurs clés de leur financement», et qu’elle espère développer ce type de coopération. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.