L'Occident doit tirer les leçons de ses erreurs dans l'accord sur le nucléaire iranien

Les ministres des Affaires étrangères annoncent le cadre d'un accord global sur le programme nucléaire iranien, à Lausanne, en Suisse, le 2 avril 2015. (Wikimedia Commons)
Les ministres des Affaires étrangères annoncent le cadre d'un accord global sur le programme nucléaire iranien, à Lausanne, en Suisse, le 2 avril 2015. (Wikimedia Commons)
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Publié le Lundi 13 décembre 2021

L'Occident doit tirer les leçons de ses erreurs dans l'accord sur le nucléaire iranien

L'Occident doit tirer les leçons de ses erreurs dans l'accord sur le nucléaire iranien
  • Tout accord nucléaire avec Téhéran ne doit pas être transitoire, comme le régime iranien le souhaite
  • La décision de lever toutes les sanctions contre l'Iran le premier jour de l'accord est une erreur dont il faut tirer les leçons

L'échec de l'accord nucléaire de 2015, dénommé aussi «Plan d'action global commun» (JPCOA), aurait dû apprendre aux États-Unis, à la France, à l'Allemagne et au Royaume-Uni plusieurs leçons en matière de négociation avec le régime iranien. Si l'Occident veut parvenir à un accord durable avec Téhéran, il doit montrer qu'il a appris de ses erreurs.

Cela signifie que tout accord nucléaire avec Téhéran ne doit pas être transitoire, comme le régime iranien le souhaite.

L'objectif principal des négociations était de stopper définitivement le programme nucléaire iranien, pour éliminer le risque d'une course aux armements dans la région et la menace stratégique que ferait planer sur le Moyen-Orient un Iran doté de l'arme nucléaire, perturbant l'équilibre des pouvoirs avec ses ambitions hégémoniques.

Malheureusement, l’accord de 2015 que l'administration Biden, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni tentent actuellement de relancer, s'est fondamentalement éloigné de cet objectif clé. À l'époque, alors que l'administration Obama tentait de marquer des points au Moyen-Orient, les négociateurs iraniens ont réussi à arracher un nombre de compromis inédits à la Maison Blanche. Les États-Unis ont ainsi supprimé les principaux obstacles au programme nucléaire iranien, levant les sanctions et s'assurant que la République islamique avait la légitimité internationale pour devenir un État atteignant le seuil nucléaire.

L'objectif de mettre fin une fois pour toutes au programme nucléaire iranien s'est malheureusement transformé en une simple restriction des ambitions nucléaires de Téhéran pour une période déterminée, tout en supprimant les sanctions. Finalement, une manière de récompenser le régime théocratique, avec des dispositions de temporisation.

L'administration Biden a suggéré de prolonger les clauses de temporisation de quinze ans à vingt-cinq ans. Mais il s'agirait toujours d'un accord transitoire qui permettrait au régime de reprendre l'enrichissement de l'uranium au niveau de son choix. Il pourrait ainsi faire tourner autant de centrifugeuses avancées qu'il le souhaite, rendre ses réacteurs pleinement opérationnels, construire de nouveaux réacteurs à eau lourde, produire autant de combustible qu'il le désire pour ses réacteurs et maintenir une capacité d'enrichissement d'uranium plus élevée, sans aucune restriction après la mise en œuvre de l'accord. En d'autres termes, les clauses de temporisation garantiront très probablement que l'Iran sera un État nucléaire après la période de quinze ou vingt-cinq ans, en supposant que Téhéran ne viole pas secrètement les règles de l’accord entre-temps. Après son expiration, l'Iran serait récompensé par un programme nucléaire illimité.

Technologiquement parlant, une fois que l'Iran sera devenu un État ayant atteint le seuil nucléaire, il n’aura besoin que de quelques semaines pour produire du matériel de qualité militaire. En réalité, le régime espère un tel accord temporaire, car il permettrait à Téhéran d'enrichir de l'uranium et de se libérer des sanctions.

Une deuxième erreur dont il faut tirer des leçons est la décision de lever toutes les sanctions contre l'Iran le premier jour de l'accord. Lorsque cela s'est produit en 2015, l'Occident a perdu toute influence contre le régime et l'Iran a immédiatement réintégré la communauté internationale, a augmenté ses ventes de pétrole et ses revenus commerciaux, renforçant ainsi l'emprise des religieux au pouvoir et écartant le danger économique qui avait causé des troubles intérieurs dans le pays pouvant potentiellement conduire à une révolution.

En 2015, le régime iranien a réussi à obtenir un accord extrêmement favorable avec les six grandes puissances mondiales (P5+1), car les quatre séries de sanctions de l'ONU, qui ont nécessité des décennies et un capital politique important pour leur mise en place, ont été levées dès le premier jour de l'accord nucléaire. Cette décision de l'administration Obama, qui a mené les négociations, a été le résultat d'une diplomatie malavisée et s’est  révélée politiquement et stratégiquement dangereuse.

Trois conditions doivent être incluses dans tout nouvel accord pour remplacer le JCPOA 2015.

Dr Majid Rafizadeh

Si toutes les sanctions sont levées immédiatement et que l'Iran décide plus tard d'enfreindre les termes de l'accord, il serait extrêmement difficile de trouver à nouveau un consensus au Conseil de sécurité de l'ONU pour imposer des sanctions à Téhéran.

Enfin, il ne faut pas dissocier le programme de missiles balistiques de l'Iran avec le programme nucléaire. La communauté internationale a pu constater comment le régime iranien a étendu son influence et envoyé encore plus de missiles balistiques après l'accord de 2015. Cela malgré la résolution 1929 du Conseil de sécurité de l'ONU, qui déclare que « l’Iran ne doit mener aucune activité liée aux missiles balistiques pouvant emporter des armes nucléaires». Elle décide aussi que «les États doivent prendre toutes les mesures voulues pour empêcher le transfert de technologie ou la fourniture d’une aide technique dans le cadre de telles activités». 

En conclusion, tout nouvel accord avec le régime iranien doit mettre définitivement fin à ses menaces nucléaires et à sa défiance, permettre une levée progressive des sanctions et également restreindre le programme de missiles balistiques de Téhéran.

 

Dr. Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.