Tunisie : Kaïs Saïed se donne une année pour modifier le système politique

Le président tunisien Kais Saied. (Photo AFP/Handout Presidency Press Service).
Le président tunisien Kais Saied. (Photo AFP/Handout Presidency Press Service).
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Publié le Mardi 14 décembre 2021

Tunisie : Kaïs Saïed se donne une année pour modifier le système politique

  • Le président Saïed entend assainir et moraliser la vie politique et économique avant les prochaines élections
  • Le président tunisien est resté sur sa position au sujet des partis politiques et des organisations nationales, qu’il n’entend pas associer à l’élaboration des projets de réforme

TUNIS: Prenant tout le monde de court, le chef de l’État tunisien a annoncé lundi dernier une série de sept mesures destinées à instaurer un nouveau système politique pour remplacer celui qui a été créé par la Constitution de 2014.

Soumis depuis près de trois mois à des pressions intérieures et extérieures de plus en plus fortes qui l’ont poussé à fixer une date limite aux mesures exceptionnelles annoncées le 25 juillet 2021 et à annoncer une feuille de route pour le retour à la normale sur le plan constitutionnel et politique, le président Kaïs Saïed a fini par céder. Il a annoncé lundi 13 décembre la tenue d’élections législatives anticipées le 17 décembre 2022 dans un discours transmis en début de soirée par la télévision nationale Wataniya 1.

Auparavant, les Tunisiens vont devoir donner leur avis sur la manière dont le système sera réformé en répondant, jusqu’au 20 mars 2022, date de la fête de l’indépendance, à des questions posées dans le cadre d’un premier référendum. Ce dernier aura lieu via une plate-forme électronique et dans les 264 délégations – la plus petite unité de l’organisation administrative du pays – à partir du 1er janvier 2022.

Une commission d’experts que le chef de l’État tunisien va nommer aura jusqu’à la fin du mois de juin 2022 pour synthétiser et harmoniser les avis exprimés lors de cette consultation. Il devra en tirer un projet de réforme politique sur lequel les Tunisiens seront appelés à se prononcer, lors d’un deuxième référendum, le 25 juillet 2022.

Une refonte en profondeur

Ce projet de réforme pourrait consister en une refonte de tous les textes qui régissent la vie politique – la Constitution, le code électoral, la loi sur les partis politiques et la presse –, estime Amine Mahfoudh, professeur à la faculté de droit et des sciences politique de Sousse, dans une déclaration qu’il a faite à la télévision nationale après le discours présidentiel.

Il sera élaboré dans le respect de l’article 22 du décret présidentiel relatif aux mesures exceptionnelles, souligne la même source.

M. Mahfoudh fait partie d’un groupe de juristes que le président Saïed consulte régulièrement depuis le 25 juillet 2021. Il pourrait faire partie de la commission d’experts dont le chef de l’État a annoncé la création.

L’article 22 stipule que tout projet de réforme politique répond à deux impératifs. D’abord, il doit «avoir pour objet l’établissement d’un véritable régime démocratique dans lequel le peuple est effectivement le titulaire de la souveraineté et la source des pouvoirs qui les exerce à travers des représentants élus ou par voie de référendum».

Ensuite, le régime envisagé doit reposer «sur la séparation des pouvoirs et l'équilibre réel entre eux», consacrer l'État de droit et garantir «les droits», «les libertés publiques et individuelles» ainsi que «la réalisation des objectifs de la révolution du 17 décembre 2010 relatifs au travail, à la liberté et à la dignité nationale».

Assainir la vie politique

Le président Saïed entend également assainir et moraliser la vie politique et économique avant les prochaines élections. Il a confirmé la promulgation prochaine d’un décret de «réconciliation pénale» dans le cadre duquel les hommes d’affaires qui font l’objet de poursuites devront, pour rembourser ce qu’ils ont indûment gagné, investir dans des projets qui reviendront à l’État dans les régions les plus pauvres du pays. Le président a annoncé en outre la traduction en justice de tous ceux qui «ont commis des crimes contre l’État tunisien et son peuple».

Enfin, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), suspendue le 25 juillet 2021, le restera jusqu’à l’organisation de nouvelles élections.

Le chef de l’État tunisien a déclaré: «Tous ces rendez-vous doivent être exécutés.» Admettant que «la voie choisie pourrait être dangereuse», il a affirmé «ne pas craindre les difficultés». «Nous surmonterons tous les obstacles et nous nous opposerons à toutes les tentatives qui ont pour but de semer le désordre», a-t-il encore observé.

Comme on s’y attendait, le président tunisien est resté sur sa position au sujet des partis politiques et des organisations nationales, qu’il n’entend pas associer à l’élaboration des projets de réforme. Rappelons que l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le syndicat ouvrier historique, avait exigé une «démarche participative» et menacé, à défaut, d’œuvrer à faire émerger une «troisième voie» entre celle du président Saïed et celle de ses adversaires, regroupés autour du mouvement Ennahdha.

Le parti islamiste a d’ailleurs été le premier à réagir au discours présidentiel à travers l’un de ses dirigeants, M. Rafik Abdessalem, l’ancien ministre des Affaires étrangères, qui est aussi le gendre du président de cette formation, M. Rached Ghannouchi.

De Londres, où il réfugié bien avant le 25 juillet, M. Abdessalem a noté sur sa page Facebook que «la bataille de Kaïs Saïed avec les partisans dits de la “troisième voie” qui l’ont soutenu dans son coup d’État du 25 juillet est plus dure que celles qu’il mène contre les opposants au coup d’État. Cela prouve que Kaïs Saïed est déterminé à adresser ses flèches à tous.»

 


Le Premier ministre du Qatar juge le cessez-le-feu à Gaza incomplet sans "un retrait total" d'Israël

Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
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  • Le Qatar affirme qu’un cessez-le-feu réel à Gaza ne peut être atteint sans un retrait total des forces israéliennes et le rétablissement de la stabilité dans l’enclave
  • Les médiateurs — Qatar, Turquie, Égypte et États-Unis — travaillent à une seconde phase incluant retrait complet, désarmement du Hamas et déploiement d’une Force internationale de stabilisation (FIS)

DOHA: Le cessez-le-feu dans la bande de Gaza reste incomplet sans un "retrait total" des forces israéliennes du territoire palestinien, a affirmé samedi le premier ministre du Qatar, pays médiateur dans le conflit.

"Nous sommes à un moment critique (...) Nous ne pouvons pas encore considérer qu'il y a un cessez-le-feu, un cessez-le-feu ne peut être complet qu'avec le retrait total des forces israéliennes, (et) un retour de la stabilité à Gaza", a affirmé Cheikh Mohammed ben Abdelrahmane al-Thani, lors d'une conférence à Doha.

Après deux ans de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, les pays médiateurs - Qatar, Etats-Unis et Egypte - ont arraché un accord de cessez-le-feu, entré en vigueur le 10 octobre.

La première phase prévoyait la restitution de tous les otages du 7-Octobre - les vivants comme les morts dont un dernier doit encore être remis à Israël - , en échange de la libération de centaines de prisonniers palestiniens, ainsi qu'un retrait partiel des forces israéliennes de Gaza.

La deuxième étape du plan, qui n'a pas encore été approuvée, prévoit le retrait total de l'armée israélienne, le désarmement du Hamas, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale de stabilisation (FIS).

"En ce moment, nous (...) le Qatar, la Turquie, l'Égypte, avec les États-Unis, nous nous réunissons pour faire avancer la prochaine phase", a relevé le premier qatari. "Et cette prochaine phase est également temporaire de notre point de vue" dans l'attente d'une "solution durable", a-t-il ajouté.

Des discussions sur la structure de la FIS et les pays qui pourraient y participer sont en cours, a affirmé de son côté le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan.

Mais le premier objectif de cette force doit être "de séparer les Palestiniens des Israéliens", a-t-il souligné. "Cela doit être notre objectif principal. Ensuite, nous pourrons aborder les autres questions en suspens".

Ankara a indiqué qu'elle souhaitait participer à la FIS, mais Israël l'accuse d'être trop proche du Hamas, dont l'attaque sans précédent sur Israël le 7 octobre 2023 a déclenché la guerre à Gaza.

"La seule manière viable de terminer cette guerre est de s'engager sincèrement et fermement dans des pourparlers de paix", a également affirmé M.Fidan.

Egalement présent à Doha, le ministre des Affaires étrangères égyptien, Badr Abdelatty, a rencontré son homologue qatari, en marge de la conférence.

Les deux hommes ont appelé à "la formation rapide de la FIS pour lui permettre de remplir son mandat", a indiqué le ministère égyptien.

Ils ont également "souligné l'importance de poursuivre les efforts visant à mettre en oeuvre l'accord de paix (...) dans toutes ses étapes, à consolider le cessez-le-feu".


Le Liban assure ne pas vouloir de guerre avec Israël, après de premières discussions directes

Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
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  • Le Liban, par la voix du président Joseph Aoun, réaffirme qu’il ne veut pas d’une nouvelle guerre avec Israël et mise sur la diplomatie pour faire cesser les frappes israéliennes dans le sud du pays
  • Le Hezbollah soutient l’approche diplomatique de Beyrouth mais critique l’inclusion d’un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu

BEYROUTH: Le Liban ne veut pas d'une nouvelle guerre avec Israël, a assuré vendredi son président, Joseph Aoun, deux jours après de premières discussions directes, depuis plusieurs décennies, entre des représentants des deux pays.

Le Hezbollah pro-iranien a de son côté assuré soutenir l'approche diplomatique de Beyrouth "pour faire cesser l'agression" israélienne. Mais il a  qualifié d'"erreur" l'inclusion, pour la première fois, d'un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à sa dernière guerre avec Israël.

Alors qu'Israël a multiplié ces dernières semaines ses frappes aériennes au Liban, disant viser le Hezbollah, des responsables civils libanais et israélien ont participé mercredi à une réunion de cet organisme, une rencontre inédite depuis plusieurs décennies entre les deux pays, toujours en état de guerre.

Israël justifie ses frappes en accusant le Hezbollah de se réarmer en violation du cessez-le-feu, ce que le mouvement chiite dément.

Beyrouth pour sa part accuse régulièrement Israël de violer la trêve en poursuivant ses raids et en maintenant une présence militaire dans cinq positions dans le sud du Liban.

Les Libanais "ne veulent pas d'une nouvelle guerre, ils ont assez souffert et il n'y aura pas de retour en arrière", a déclaré M. Aoun à une délégation du Conseil de sécurité de l'ONU en visite dans son pays, selon un communiqué de la présidence.

- "Sous les bombes" -

Auprès de ses interlocuteurs, il "a insisté sur la nécessité de faire pression sur la partie israélienne pour mettre en oeuvre le cessez-le-feu et son retrait" du sud du Liban.

Mettant en avant "l'engagement de la partie libanaise à appliquer les résolutions internationales", il a aussi appelé la communauté internationale à "soutenir l'armée libanaise dans sa mission" de désarmement du Hezbollah.

Beyrouth a choisi "la diplomatie pour faire cesser l'agression israélienne" et "nous soutenons cette approche", a de son côté déclaré le chef du Hezbollah, Naïm Qassem dans une allocution télévisée.

Le groupe invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban pour s'opposer à son désarmement, pour la mise en oeuvre duquel les Etats-Unis et Israël exercent une forte pression sur Beyrouth.

Arrivée de Damas, la délégation des 15 diplomates onusiens doit rencontrer plusieurs responsables libanais vendredi. Elle se rendra samedi dans la région frontalière du sud, accompagnée de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le Liban a qualifié de "positives" les discussions directes avec Israël, mais le pays voisin a de nouveau bombardé le lendemain, jeudi, le sud du Liban, disant viser des infrastructures militaires du Hezbollah.

"Il est inacceptable de négocier sous les bombes", a souligné le président du Parlement Nabih Berri, proche allié du Hezbollah, après avoir rencontré la délégation onusienne.

L'issue de ces pourparlers "dépend principalement de la position d'Israël, qui déterminera si les négociations aboutiront à des résultats concrets ou échoueront", a prévenu M. Aoun.

La commission chargée de superviser le cessez-le-feu tiendra de nouvelles sessions avec la participation de délégués civils libanais et israélien à partir du 19 décembre.


L’Arabie saoudite et ses partenaires régionaux rejettent tout déplacement forcé des Palestiniens de Gaza

Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
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  • Les ministres ont exprimé une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes sur l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens

RIYAD : Les ministres des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, d’Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d’Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens, rapporte l’Agence de presse saoudienne.

Dans une déclaration conjointe, les ministres ont estimé que cette mesure pourrait faciliter le déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza vers l’Égypte.

Ils ont fermement rejeté toute tentative de forcer les Palestiniens à quitter leurs terres, soulignant la nécessité d’une pleine application du plan proposé par le président américain Donald Trump, qui prévoyait l’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens et garantissait la liberté de circulation sans coercition.

Les ministres ont insisté sur la création de conditions permettant aux Palestiniens de rester sur leurs terres et de participer à la reconstruction de leur pays, dans le cadre d’un plan global visant à restaurer la stabilité et à répondre à la crise humanitaire à Gaza.

Ils ont réitéré leur appréciation pour l’engagement de Trump en faveur de la paix régionale et ont souligné l’importance de la mise en œuvre complète de son plan, sans entrave.

La déclaration a également mis en avant l’urgence d’un cessez-le-feu durable, de la fin des souffrances des civils, de l’accès humanitaire sans restriction à Gaza, ainsi que du lancement d’efforts de relèvement et de reconstruction précoces.

Les ministres ont en outre demandé la mise en place de conditions permettant à l’Autorité palestinienne de reprendre ses responsabilités dans l’enclave.

Les huit pays ont réaffirmé leur volonté de continuer à coordonner leurs actions avec les États-Unis et les partenaires internationaux pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 2803 du Conseil de sécurité de l’ONU et des autres résolutions pertinentes, en vue d’une paix juste et durable fondée sur le droit international et la solution à deux États, incluant la création d’un État palestinien indépendant selon les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com