En 2021, le Liban poursuit sa descente aux enfers

L'année 2021 laisser derrière elle des Libanais exsangues. (AFP).
L'année 2021 laisser derrière elle des Libanais exsangues. (AFP).
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Publié le Vendredi 31 décembre 2021

En 2021, le Liban poursuit sa descente aux enfers

  • L’année écoulée a connu une grave crise diplomatique entre le pays du Cèdre et les monarchies du Golfe
  • Le Hezbollah et la classe politique ont mené une guerre sans merci contre le juge Bitar, chargé de l’enquête sur l’explosion du port

BEYROUTH: Le président libanais, Michel Aoun, l’avait annoncé en 2020: le Liban «se dirige vers l’enfer», si un nouveau gouvernement n’est pas formé. Sa prophétie s’est réalisée en 2021.

La crise économique et financière, qui sévit au pays du Cèdre depuis 2019, a connu une accélération dramatique en 2021, la livre libanaise ayant dégringolé à son plus bas historique, perdant plus de 90 % de sa valeur sur le marché noir, passant de presque 8 500 au début de l’année à 27 000 à sa fin.

Selon la Banque mondiale, le pays du Cèdre connaît l’une des pires crises économiques au monde depuis 1850, à cause de la dépréciation inédite de sa monnaie qui a entraîné une paupérisation dramatique des Libanais.

Conséquence directe de la hausse du dollar, plus de 12 000 commerces, magasins et boutiques ont dû mettre la clé sous la porte, notamment ceux qui vendaient des habits et des chaussures, mais aussi des restaurants.

Quelque 80 % de la population au Liban vit désormais en dessous du seuil de pauvreté. Le salaire minimum ne dépasse pas les 25 dollars (1 dollar = 0,88 euro) sur le marché noir.

Conséquence directe de la hausse du dollar, plus de 12 000 commerces, magasins et boutiques ont dû mettre la clé sous la porte, notamment ceux qui vendaient des habits et des chaussures, mais aussi des restaurants. Plusieurs grandes marques ont quitté le marché libanais. Selon des statistiques parues récemment, le Liban qui importait annuellement près de 100.000 voitures par an, a importées seulement 5.000 voitures neuves durant l’année écoulée.   

Les Libanais ont vécu des mois d’humiliation devant les stations d’essence, en passant de longues heures dans des files interminables pour remplir une dizaine de litres de carburant.

La crise s’est accentuée quand la Banque du Liban (BDL) a annoncé que les réserves obligatoires avaient été épuisées, ce qui a entraîné l’arrêt des subventions pour financer l’achat des produits de première nécessité, comme le mazout, l’essence, les médicaments et la farine.

Alors que rien ne va plus, les dirigeants libanais continuaient à s’entre-déchirer, comme si de rien n’était.

Les Libanais ont vécu des mois d’humiliation devant les stations d’essence, en passant de longues heures dans des files interminables pour remplir une dizaine de litres de carburant.

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Une station-service hors service à Beyrouth. (AFP).

Plusieurs personnes sont décédées par manque de médicaments, alors que l’électricité n’était fournie qu’une heure par jour, rendant la chaleur étouffante de l’été insupportable pour les Libanais, dont certains ont dû dormir sur leur balcon pour ne pas suffoquer à l’intérieur de leur maison. Le manque de carburant a également mis à mal les quelques usines qui fonctionnaient encore. Il a également constitué un risque d’arrêt d’Internet dans le pays, les fournisseurs ne pouvant plus faire fonctionner les générateurs.

Un nouveau gouvernement

Alors que rien n’allait plus, les dirigeants libanais continuaient à s’entre-déchirer, comme si de rien n’était. Après l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth le 4 août 2020, qui a fait au moins 215 morts, 6 500 blessés et détruit des pans entiers de la capitale, le gouvernement de Hassan Diab a démissionné, laissant au leader sunnite, Saad Hariri, la lourde tâche de former un nouveau cabinet, conforme à l’initiative du président français, Emmanuel Macron, pour entamer des réformes afin de faire sortir le pays de l’ornière.

C’est finalement le magnat des télécoms, l’ancien Premier ministre, Najib Mikati, qui réussira en septembre à former un nouveau gouvernement.

Plus de huit mois après avoir été désigné pour mettre sur pied un exécutif répondant aux exigences de la communauté internationale, M. Hariri a annoncé sa récusation le 15 juillet 2020, estimant qu’il était incapable de s’entendre sur une formule gouvernementale avec Michel Aoun.

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Le 24 septembre dernier, Najib Mikati s'est rendu à Paris pour y rencontrer le président français Emmanuel Macron afin de tenter d'obtenir un nécessaire appui français pour le déblocage de la vie politique au Liban. (AFP).

C’est finalement le magnat des télécoms, l’ancien Premier ministre, Najib Mikati, qui réussira en septembre à former un nouveau gouvernement. Ce dernier ne s’est plus réuni depuis octobre, en raison de tensions autour de l’enquête sur l’explosion du 4 août, dirigée par le juge Tarek Bitar.

Guerre contre l’enquête du port

Les ministres du tandem chiite (Hezbollah-Amal) ont décidé de boycotter les réunions du cabinet jusqu’au remplacement du juge Tarek Bitar. Pointées du doigt pour négligence criminelle, les autorités sont accusées par les familles des victimes et des organisations non gouvernementales (ONG) de vouloir torpiller l’enquête pour éviter des inculpations.

Les tentatives de blocage du Hezbollah ont débordé dans la rue quand le mouvement chiite pro-iranien et son allié Amal, ont organisé une manifestation en octobre pour demander le remplacement de M. Bitar.

Le 23 décembre dernier, le juge Bitar a été contraint de suspendre une nouvelle fois ses investigations à la suite d’un énième recours déposé par d’anciens ministres. Il s’agit de la quatrième suspension depuis que le juge Tarek Bitar a été choisi pour mener l’enquête en février, après la démission du juge Fadi Sawan. Le magistrat est soumis à d’intenses pressions, notamment de la part du parti de Dieu qui l’accuse de politiser l’enquête.

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Un membre du Hezbollah tirant parmi la foule à Tayouneh. (AFP). 

Les tentatives de blocage du Hezbollah ont débordé dans la rue quand le mouvement chiite pro-iranien et son allié Amal, ont organisé une manifestation en octobre pour demander le remplacement de M. Bitar. La manifestation menée par des miliciens armés dans la région de Tayouneh, à proximité des quartiers chrétiens, a dégénéré, entraînant des combats de rue d’une rare violence, et rappelant les jours funestes de la guerre civile.

Les affrontements ont fait sept morts, la majorité appartenant au tandem chiite. Face à cette déconfiture, le secrétaire général du Hezbollah a accusé des combattants des Forces libanaises d’être à l’origine des tirs, lançant des menaces contre leur leader, Samir Geagea.

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Le leader des Forces libanaises, Samir Geagea. (AFP).

Ce dernier a vu sa cote de popularité monter en flèche, au grand dam du chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil. Le gendre du président a reçu une gifle dernièrement, quand le Parlement a amendé la loi électorale qui permet aux Libanais de la diaspora de voter lors des prochaines élections législatives qui auront lieu en mai 2022 pour les candidats au Liban, alors que M. Bassil voulait qu’ils aient leurs propres députés.

Comme un malheur ne vient jamais seul, le Liban souffre comme le reste du monde de la pandémie de la Covid-19.

Crise avec le Golfe

L’année 2021 a connu par ailleurs une grave crise diplomatique entre le Liban et les pays du Golfe. À la suite d’une interview du nouveau ministre de l’Information, Georges Cordahi, qui critiquait l’intervention saoudienne au Yémen, Riyad, Abu Dhabi et Manama ont décidé de couper leurs liens diplomatiques avec Beyrouth, et d’imposer plusieurs sanctions économiques et commerciales contre le pays du Cèdre, qui selon les monarchies du Golfe, est sous contrôle du Hezbollah. Ce dernier est accusé de soutenir militairement les Houthis au Yémen, bête noire de l’Arabie saoudite, mais aussi d’être derrière un large trafic de drogue à destination des monarchies du Golfe. Les tensions sont finalement retombées d’un cran à la suite de la dernière visite de M. Macron au royaume saoudien, et de la démission de M. Cordahi.

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Des pancartes en soutien à George Kordahi ont fleuri un peu partout à Sanaa. (AFP).

Comme un malheur ne vient jamais seul, le Liban souffre comme le reste du monde de la pandémie de la Covid-19. Alors que la campagne de vaccination a relativement bien fonctionné grâce aux dons venus de l’étranger, le système sanitaire libanais est au bord de l’explosion. Les hôpitaux ont ainsi du mal à prendre en charge les patients, car les frais d’hospitalisation ont explosé à cause de la crise financière. Certains établissements ont dû fermer, ou ils ont réduit drastiquement le nombre d’unités affectées au traitement de la Covid-19.


Netanyahu annonce l'envoi d'un représentant israélien pour une rencontre avec des responsables au Liban

Cette photographie prise lors d'une visite de presse organisée par l'armée libanaise montre un soldat libanais debout près d'un mur à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban, le 28 novembre 2025. (AFP)
Cette photographie prise lors d'une visite de presse organisée par l'armée libanaise montre un soldat libanais debout près d'un mur à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban, le 28 novembre 2025. (AFP)
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  • M. Netanyahu "a chargé le directeur par intérim du Conseil de sécurité nationale d'envoyer un représentant de sa part à une réunion avec des responsables gouvernementaux et économiques au Liban"
  • Cette annonce survient après le passage d'une émissaire américaine, Morgan Ortagus, à Jérusalem, sur fond de tensions croissantes entre Israël et le Liban

JERUSALEM: Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé mercredi l'envoi d'un représentant pour une rencontre avec des responsables politiques et économiques au Liban, "première tentative pour établir une base de relations et de coopération économique entre Israël et le Liban".

M. Netanyahu "a chargé le directeur par intérim du Conseil de sécurité nationale d'envoyer un représentant de sa part à une réunion avec des responsables gouvernementaux et économiques au Liban", indique un communiqué de son bureau.

Le texte ne précise pas quand cette rencontre doit avoir lieu.

Cette annonce survient après le passage d'une émissaire américaine, Morgan Ortagus, à Jérusalem, sur fond de tensions croissantes entre Israël et le Liban.

Accusant le mouvement islamiste Hezbollah de violer le cessez-le-feu entré en vigueur il y a un an en se réarmant dans le sud du pays, l'armé israélienne a multiplié les frappes sur le sud du Liban la semaine dernière sur ce qu'elle a présenté comme des membres ou des infrastructures du Hezbollah.

Depuis plusieurs semaines, la presse israélienne multiplie les articles sur la possible imminence d'une nouvelle campagne militaire israélienne contre le Hezbollah au Liban.


Le pape appelle à «de nouvelles approches» au Moyen-Orient pour rejeter la violence

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  • Le chef de l'Eglise catholique, qui achève une visite de trois jours au Liban, a également appelé les chrétiens d'Orient, dont la présence diminue du fait des guerres et de l'émigration, à faire preuve de "courage"
  • "Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence, de surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, et d'ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix"

BEYROUTH: Le pape Léon XIV a appelé mardi, devant 150.000 personnes réunies pour une messe en plein air à Beyrouth, à "de nouvelles approches au Moyen-Orient" meurtri par les conflits, pour y faire prévaloir la paix.

Le chef de l'Eglise catholique, qui achève une visite de trois jours au Liban, a également appelé les chrétiens d'Orient, dont la présence diminue du fait des guerres et de l'émigration, à faire preuve de "courage".

"Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence, de surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, et d'ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix", a déclaré le souverain pontife.

Affirmant "prier spécialement pour le Liban bien-aimé", il a demandé "à la communauté internationale de ne ménager aucun effort pour promouvoir des processus de dialogue et de réconciliation" dans cette région meurtrie par les conflits.

La visite du chef de l'église catholique a donné un souffle d'espoir au Liban, qui a connu une guerre meurtrière avec Israël il y a un an et craint une nouvelle escalade malgré le cessez-le-feu.

Léon XIV a également appelé les dirigeants "dans tous les pays marqués par la guerre et la violence" à "écouter le cri" des "peuples qui appellent à la paix".

S'adressant aux "chrétiens du Levant, citoyens à part entière de ces terres", le pape leur a dit: "ayez du courage. Toute l'Église vous regarde avec affection et admiration".


Une plainte en France pour «entrave» au travail des reporters à Gaza

Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza. (AFP)
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza. (AFP)
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  • "Cette plainte est la première déposée à ce jour sur le fondement du délit d'entrave à la liberté d'exercer le journalisme, et la première à inviter le ministère public à se prononcer sur l'application de cette incrimination"
  • "Cette plainte (...) dénonce une entrave concertée, parfois violente, empêchant les journalistes français de travailler dans les Territoires palestiniens et portant atteinte à la liberté de la presse"

PARIS: Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza.

Ces faits pourraient selon ces organisations constituer des "crimes de guerre", pour lesquels le parquet national antiterroriste à Paris peut enquêter, dès lors qu'ils sont commis contre des Français.

"Cette plainte est la première déposée à ce jour sur le fondement du délit d'entrave à la liberté d'exercer le journalisme, et la première à inviter le ministère public à se prononcer sur l'application de cette incrimination dans un contexte international où les atteintes à la liberté de la presse sont devenues structurelles", soulignent les plaignants dans la centaine de pages de leur requête, rendue publique par franceinfo.

"Cette plainte (...) dénonce une entrave concertée, parfois violente, empêchant les journalistes français de travailler dans les Territoires palestiniens et portant atteinte à la liberté de la presse", a commenté Me Louise El Yafi, l'une des avocates à l'origine de la plainte.

Elle "souligne aussi l'insécurité croissante visant les journalistes français en Cisjordanie (...). Ces atteintes, en violation du droit international humanitaire, relèvent également de crimes de guerre", ajoute sa consoeur Me Inès Davau.

Un journaliste français travaillant pour plusieurs rédactions francophones, qui a tenu à garder l'anonymat, porte lui aussi plainte: il dénonce son "agression" par des colons lors d'un reportage dans les territoires occupés.

Reporters sans frontières (RSF) a décompté plus de 210 journalistes tués depuis le début des opérations militaires israéliennes à Gaza, en représailles à l'attaque du 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas.

Depuis le début de la guerre, les autorités israéliennes ont empêché les journalistes de médias étrangers d'entrer de manière indépendante à Gaza, autorisant seulement au cas par cas une poignée de reporters à accompagner leurs troupes.

En France, plusieurs plaintes ont été déposées en lien avec le conflit. Elles visent notamment des soldats franco-israéliens d'une unité d'élite de l'armée israélienne, l'entreprise française d'armement Eurolinks ou encore des Franco-Israéliens qui se rendraient complices du crime de colonisation.

Suite à une plainte, le parquet national antiterroriste a aussi demandé à un juge d'instruction parisien d'enquêter pour "crimes de guerre" dans le dossier de la mort de deux enfants français dans un bombardement israélien à Gaza en octobre 2023.