Dix ans après la mort de journalistes à Homs, l'enquête française s'enlise

Jacqueline Locatelli, sister of a victim and Gerard Didelot, Herserange Mayor, lay flowers in front of the home of Christiane, Francois, Veronique, Michael, Gisele and Germain, six members of a family who died during July 14 Nice terror attack, on July 20, 2016 in Herserange. (AFP)
Jacqueline Locatelli, sister of a victim and Gerard Didelot, Herserange Mayor, lay flowers in front of the home of Christiane, Francois, Veronique, Michael, Gisele and Germain, six members of a family who died during July 14 Nice terror attack, on July 20, 2016 in Herserange. (AFP)
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Publié le Vendredi 18 février 2022

Dix ans après la mort de journalistes à Homs, l'enquête française s'enlise

  • En 2014, alors que la juge s'apprête à prononcer un non-lieu, David Père, alors avocat d'Edith Bouvier, obtient que l'enquête soit relancée et élargie à des faits de « crimes de guerre »
  • En janvier 2019, un tribunal civil américain a condamné l'Etat syrien à verser plus de 300 millions de dollars aux proches de Marie Colvin

PARIS : Le 22 février 2012, la journaliste américaine Marie Colvin et le photographe français Rémi Ochlik étaient tués dans un bombardement en Syrie. Dix ans après, leurs proches et la reporter Edith Bouvier, blessée ce jour-là, attendent encore que la justice française lance des poursuites contre des dignitaires syriens.

"C'est très long", soufflent Martine et François Locatelli, la mère et le beau-père de Rémi Ochlik. "On se pose beaucoup de questions, est-ce que tout est fait pour éclaircir cette affaire ?"

Dès 2012, la justice française a ouvert une enquête sur les tirs d'artillerie qui ont coûté la vie à leur fils, photographe free-lance de 29 ans, et à la journaliste du Sunday Times Marie Colvin, 56 ans, et qui a blessé Edith Bouvier, le photographe britannique Paul Conroy et leur traducteur syrien Wael al-Omar.

Mais à ce jour, aucune personne n'a été mise en cause.

Retour sur les événements: le 21 février 2012, les journalistes occidentaux, qui viennent d'entrer dans Homs assiégée par les troupes de Bachar-al-Assad, se retrouvent dans une maison transformée en centre de presse du quartier de Bab Amr, un bastion de la rébellion de l'Armée syrienne libre (ASL).

Au petit matin, ils sont réveillés par des détonations et comprennent que le quartier est visé par les troupes du régime.

Lorsque leur bâtiment essuie les premiers tirs, ils se décident à en sortir. Les deux premiers à franchir la porte, Marie Colvin et Rémi Ochlik, sont tués par un obus de mortier. A l'intérieur, les autres sont projetés par le souffle de l'explosion. Edith Bouvier, 31 ans, est grièvement blessée à la jambe.

Elle sera exfiltrée huit jours vers le Liban puis rapatriée en France.

Pilonnage « aveugle »

A Paris, le parquet ouvre une enquête pour meurtre et tentative de meurtre dès le 2 mars 2012, confiée à une juge d'instruction quelques mois plus tard.

En 2014, alors que la juge s'apprête à prononcer un non-lieu, David Père, alors avocat d'Edith Bouvier, obtient que l'enquête soit relancée et élargie à des faits de "crimes de guerre". Il fait valoir que le pilonnage du quartier a été "aveugle", "essentiellement contre des infrastructures civiles et des zones résidentielles".

Le pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris, qui hérite du dossier, s'attache dès lors à reconstituer le déroulement des faits et à identifier la chaîne de commandement des tirs.

Depuis, des dizaines de témoignages de rebelles, déserteurs de l'armée syrienne ou connaisseurs du conflit ont été recueillis en France et à l'étranger, ainsi que des analyses de la situation politique et militaire et des notes du ministère de la Défense.

Pour les enquêteurs de l'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP), pas de doute: dans un rapport de synthèse de juin 2019 dont l'AFP a eu connaissance, ils écrivent que le bâtiment où se trouvaient les journalistes était "la cible du régime de Bachar al Assad".

"Les forces loyalistes ne pouvaient ignorer la présence de journalistes étrangers dans le centre de presse au moment de sa destruction", soulignent-ils.

En janvier 2019, un tribunal civil américain a condamné l'Etat syrien à verser plus de 300 millions de dollars aux proches de Marie Colvin. Il a estimé que l'armée et les services de renseignement syriens avaient repéré les signaux émis par les téléphones satellite des journalistes et décidé de les viser.

En France, alors que la juge veut encore entendre des déserteurs de l'armée syrienne, les parties civiles s'impatientent.

"C'est une information judiciaire qui a souffert du changement successif de magistrats et qui ne doit plus se noyer dans des éléments de contexte", s'agace Marie Dosé, l'avocate d'Edith Bouvier depuis 2018.

Mandats d'arrêt

Sur la base d'éléments selon elle "suffisants", elle appelle la juge à lancer des mandats d'arrêt internationaux contre les principaux commanditaires du bombardement.

Plusieurs noms reviennent régulièrement: Maher al-Assad, frère cadet du président syrien et commandant de la 4e division blindée, ou Rafik Shahada, chef du comité militaire et de la sécurité à Homs.

"La justice a déjà lancé des mandats d'arrêt dans une autre affaire visant le régime syrien", souligne Clémence Bectarte, avocate des parents de Rémi Ochlik.

C'était en 2018, ils visaient Ali Mamlouk, Jamil Hassan et Abdel Salam Mahmoud, trois responsables du régime soupçonnés d'être impliqués dans des exactions qui ont visé deux citoyens franco-syriens.

"S'il n'y a pas de poursuites ni de procès, je crains que, dans très peu de temps, Bachar al-Assad ne soit considéré comme un président comme les autres", confie Edith Bouvier. "Notre histoire, c'est la mort de citoyens français et américain, mais tout cela au milieu du massacre de toute une population".

Pour Me Bectarte, "écraser Homs et Bab Amr (...) était la priorité du régime syrien, de surcroît parce que des médias occidentaux témoignaient des crimes de guerre qui y étaient commis".

De fait, ce bombardement a constitué un "tournant" en dissuadant les journalistes internationaux d'y témoigner.

"On sait très bien qu'il y a peu de chances que ces gens-là soient arrêtés", reconnaissent les parents de Rémi Ochlik. "Mais on veut un procès, même par défaut, pour que ça ne se reproduise plus, pour apporter un témoignage, si maigre soit-il, sur les agissements de Bachar al-Assad".


Rassemblement à Paris en mémoire d'Aboubakar Cissé et contre l'islamophobie

"Le racisme tue, non à la haine contre les musulmans", a-t-on pu lire sur des pancartes tenues par des manifestants réunis à l'appel de SOS Racisme et de la militante associative Assa Traoré. (AFP)
"Le racisme tue, non à la haine contre les musulmans", a-t-on pu lire sur des pancartes tenues par des manifestants réunis à l'appel de SOS Racisme et de la militante associative Assa Traoré. (AFP)
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  • "Je n'ai pas l'impression que l'on (les musulmans) soit entendu et représenté dans les médias ou au gouvernement. Si cela avait été une victime d'une autre religion, d'un autre nom et d'une autre culture nous, nous aurions été au soutien. Il existe un deu
  • Un juge d'instruction du pôle criminel de Nîmes a été saisi et une information judiciaire ouverte pour meurtre avec préméditation et à raison de la race ou de la religion

PARIS: Au moins un millier de personnes se sont rassemblées à Paris pour rendre hommage à Aboubakar Cissé, un musulman tué la semaine dernière dans une mosquée du Gard, et dénoncer l'"islamophobie", a constaté une journaliste de l'AFP.

"Le racisme tue, non à la haine contre les musulmans", a-t-on pu lire sur des pancartes tenues par des manifestants réunis à l'appel de SOS Racisme et de la militante associative Assa Traoré.

"Je n'ai pas l'impression que l'on (les musulmans) soit entendu et représenté dans les médias ou au gouvernement. Si cela avait été une victime d'une autre religion, d'un autre nom et d'une autre culture nous, nous aurions été au soutien. Il existe un deux poids deux mesures", commente Yasmina, 52 ans, fonctionnaire, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille.

"On arrive encore à dire que ce n'était pas un musulman qui était visé mais on ne va pas se mentir il n'y a que les musulmans en France qui fréquentent les mosquées. À un moment il faut poser les mots comme on le fait à juste titre contre l'antisémitisme, et appeler ça de l'islamophobie", a souligné Myriam, 30 ans, assistante dentaire, qui n'a pas souhaité non plus donner son nom.

Aboubakar Cissé, un jeune Malien, a été lardé de plusieurs dizaines de coups de couteau dans la mosquée de la petite commune gardoise de La Grand-Combe, où il était venu tôt comme chaque semaine pour faire le ménage, avant la prière du vendredi.

Son assassin, un Français d'origine bosnienne de 21 ans, s'est rendu à la police italienne.

Dans la vidéo qu'il avait lui-même réalisée juste après son meurtre, le suspect a insulté la religion de sa victime.

Un juge d'instruction du pôle criminel de Nîmes a été saisi et une information judiciaire ouverte pour meurtre avec préméditation et à raison de la race ou de la religion.

Outre une marche blanche à La Grand-Combe, un rassemblement en mémoire de la victime et contre l'islamophobie a déjà été organisé dimanche à Paris et une manifestation s'est déroulée mardi à Lyon.


Un 1er-Mai syndical qui se veut «festif et combatif», mais sans unité large

Pour les salaires, pour l'abrogation de la réforme des retraites, ou encore "contre la trumpisation du monde" : les organisations syndicales appellent à battre le pavé jeudi pour le 1er-Mai, mais la mobilisation se tient sans unité large. (AFP)
Pour les salaires, pour l'abrogation de la réforme des retraites, ou encore "contre la trumpisation du monde" : les organisations syndicales appellent à battre le pavé jeudi pour le 1er-Mai, mais la mobilisation se tient sans unité large. (AFP)
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  • A Paris, la manifestation doit partir à 14H00 de la place d'Italie vers la place de la Nation
  • Si - comme l'an dernier - l'intersyndicale ne sera pas unie pour l'occasion, le numéro un de FO Frédéric Souillot défilera aux côtés de ses homologues, dont la cheffe de file de la CGT Sophie Binet, dans le cortège parisien

PARIS: Pour les salaires, pour l'abrogation de la réforme des retraites, ou encore "contre la trumpisation du monde" : les organisations syndicales appellent à battre le pavé jeudi pour le 1er-Mai, mais la mobilisation se tient sans unité large.

Pour la journée internationale des travailleurs, la CGT a recensé quelque 260 rassemblements en France. La centrale de Montreuil a appelé avec la FSU, Solidaires et des organisations de jeunesse (Union étudiante, Unef, Fage, USL) à défiler "contre l'extrême droite, pour la paix, les libertés et la justice sociale".

Si - comme l'an dernier - l'intersyndicale ne sera pas unie pour l'occasion, le numéro un de FO Frédéric Souillot défilera aux côtés de ses homologues, dont la cheffe de file de la CGT Sophie Binet, dans le cortège parisien.

A Paris, la manifestation doit partir à 14H00 de la place d'Italie vers la place de la Nation.

D'autres cortèges s'élanceront dès le matin, comme Marseille et Lille à 10h30. Ce sera aussi le cas dès 10 heures à Bordeaux, Strasbourg ou Dunkerque, où des responsables de gauche, comme Marine Tondelier (Ecologistes), François Ruffin (ex-LFI) ou Boris Vallaud (PS) sont attendus pour protester contre le plan du sidérurgiste ArcelorMittal prévoyant la suppression d'environ 600 postes.

La numéro un de la CFDT Marylise Léon et son homologue de l'Unsa Laurent Escure se retrouvent, eux, dans la matinée dans le centre de Paris pour un rassemblement et une table ronde sur le travail.

Cent jours après l'arrivée de Donald Trump au pouvoir, la CGT, la FSU et Solidaires veulent aussi faire de cette journée un temps fort "contre la trumpisation du monde et l'internationale réactionnaire qui se développe partout", a expliqué à l'AFP Thomas Vacheron, cadre de la CGT.

Des syndicats internationaux (américain, belge, argentin, notamment) ont été conviés au défilé parisien. "Cette démarche unitaire et internationale est un petit pas" pour lutter contre des politiques qui menacent les travailleurs (hausse des droits de douane ou expulsions massives des travailleurs clandestins), selon Murielle Guilbert (Solidaires).

"Le sang et les larmes"

Cette année encore, de source policière, la présence de militants de l'ultra-gauche est jugée très probable à Paris, Nantes ou Lyon, entre autres.

De même source, dans la capitale où un peu plus de 2.000 membres des forces de l'ordre sont attendus, la décision du gouvernement de dissoudre le groupe antifasciste "La Jeune garde" et le collectif "Urgence Palestine" pourrait tendre le climat.

"On ne tolèrera rien", a averti mercredi le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau.

"Il faut relativiser" cette présence de "black blocs" face aux "centaines de milliers de manifestantes et de manifestants" attendues, a nuancé Sophie Binet mercredi, dénonçant des "stratégies malheureusement classiques (...) pour décrédibiliser la mobilisation sociale".

En 2023, les huit principaux syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU) avaient défilé ensemble contre la réforme des retraites, du jamais vu depuis près de 15 ans, avec une très forte mobilisation à la clé (entre 800.000, selon les autorités et 2,3 millions, selon la CGT).

L'an dernier, les chiffres étaient revenus dans des fourchettes plus ordinaires: entre 121.000 personnes, selon les autorités, et 210.000, selon la CGT; et jeudi, la mobilisation devrait attirer sensiblement le même nombre de manifestants (100.000 à 150.000 de source policière).

Ce rendez-vous traditionnel se tient au moment où les syndicats craignent que le gouvernement apporte son soutien à des propositions de loi visant à autoriser certaines professions à faire travailler les salariés le 1er-Mai - seul jour férié et chômé en France -, une journée acquise "dans le sang et dans les larmes des ouvriers", rappelle Sophie Binet.

Le syndicat des "Gilets jaunes" a par ailleurs appelé ses sympathisants à mener une opération secrète sur différents points de rassemblement. "On va montrer aux partenaires du pouvoir ce qu’est un VRAI syndicat", ont-ils écrit dans un appel posté sur le réseau social X.


Macron et von der Leyen inciteront lundi les chercheurs étrangers à choisir l'Europe

Le président français Emmanuel Macron accueille la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen à son arrivée au sommet de la « coalition des volontaires » au palais de l'Élysée, à Paris, le 27 mars 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Le président français Emmanuel Macron accueille la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen à son arrivée au sommet de la « coalition des volontaires » au palais de l'Élysée, à Paris, le 27 mars 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • Le président français clôturera cette conférence dans la prestigieuse université de la Sorbonne, « dédiée à la science, à l'attractivité de l'Union européenne, mais aussi plus largement à l'innovation, à la recherche et aux libertés académiques »
  • « Ici, en France, la recherche est une priorité, l’innovation est une culture et la science est un horizon sans limite », avait-il assuré.

PARIS : À Paris, le président Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen participeront lundi à une conférence pour vanter les mérites de l'Europe auprès des chercheurs étrangers, notamment américains, confrontés à « un certain nombre de menaces », a annoncé l'Élysée mercredi.

Le président français clôturera cette conférence dans la prestigieuse université de la Sorbonne, « dédiée à la science, à l'attractivité de l'Union européenne, mais aussi plus largement à l'innovation, à la recherche et aux libertés académiques », ont affirmé ses services à la presse.

Le message de cette rencontre sera « très clair » : « Choose Science, Choose Europe ».

Selon son entourage, il s'agit de dire, « dans un moment où les libertés académiques connaissent un certain nombre de reculs ou de menaces, que l'Europe est un continent attractif et que l'innovation, l'attractivité, la science et la recherche sont des éléments essentiels pour la croissance européenne ».

Le chef de l'État aura à cette occasion un entretien avec la présidente de la Commission européenne, qui participera à la conférence. 

Le 18 avril, Emmanuel Macron avait donné rendez-vous le 5 mai aux chercheurs « du monde entier ». Sur le réseau X, il les avait invités à « choisir la France et l'Europe », dans une tentative d'attirer les chercheurs américains menacés par la politique de Donald Trump.

« Ici, en France, la recherche est une priorité, l’innovation est une culture et la science est un horizon sans limite », avait-il assuré.

Parallèlement, le gouvernement a lancé une plateforme baptisée « Choose France for Science », présentée comme « une première étape pour préparer l'accueil des chercheurs internationaux ».

Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier, chercheurs et universités sont dans le collimateur de son gouvernement et redoutent pour leur avenir, entre libertés académiques et de recherche menacées et financements réduits.

De plus en plus de chercheurs ou d'aspirants chercheurs réfléchissent donc à quitter le pays, considéré jusqu'ici comme le paradis de la recherche dans nombre de domaines.

En France, dès début mars, le ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Philippe Baptiste, a demandé aux universités de réfléchir à des moyens de les accueillir.