Syrie: Les victimes du régime peuvent espérer obtenir justice

Photo d’un prisonnier syrien torturé par le régime syrien (Photo fournie)
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Publié le Mercredi 16 février 2022

Syrie: Les victimes du régime peuvent espérer obtenir justice

  • Des accusations de torture pourraient être portées contre le cercle restreint d'Al-Assad à la suite d'une décision de justice allemande
  • La communauté internationale peut faire davantage dans le but d’aider à traduire en justice les hauts responsables du régime syrien pour les atrocités commises

WASHINGTON: Pour les survivants et les observateurs des droits de l'Homme, ces affaires qui apparaissent devant les tribunaux allemands, ne sont que le début.
Certains d'entre eux souhaitent néanmoins que la communauté internationale doit faire davantage dans le but d’aider à traduire en justice les principaux responsables du régime pour les atrocités commises contre le peuple syrien.
Stephen Rapp, avocat américain et ancien ambassadeur itinérant des États-Unis, monte un dossier contre le président syrien et son entourage afin de les obliger à répondre de leurs actes de torture et de leurs meurtres de masse.
«La condamnation d'Anwar Raslan et le procès du Dr Alaa Mousa en Allemagne me donnent l'espoir que les hauts responsables du régime syrien seront finalement traduits en justice», a déclaré Rapp, qui a poursuivi avec succès des suspects après le génocide rwandais de 1994, à Arab News.
«Des preuves très solides sont entre nos mains. Le défi est de procéder aux arrestations. Ce qu'il faut, c'est un suivi plus efficace des mouvements de ces responsables et une action coordonnée des États pour parvenir à l'arrestation et au transfert des suspects lorsqu'ils se trouvent hors de Syrie.»
Raslan, 58 ans, ancien membre de la Direction générale des renseignements syriens qui a demandé l'asile en Allemagne en 2014, est devenu le plus haut ancien responsable du régime à être reconnu coupable des crimes perpétrés en Syrie lorsqu'un tribunal de Coblence a prononcé une peine à perpétuité le mois dernier.
Les procureurs allemands l'ont accusé d'avoir supervisé le meurtre de 58 personnes et la torture de 4 000 autres alors qu'il était chef de la section des enquêtes au centre de détention d'Al-Khatib à Damas, également connu sous le nom de la «Branche 251».

«C’est un premier pas sur le long chemin de la justice», a déclaré à Arab News Yasmine Michaan, membre fondateur de l’Association des familles de César. (Photo, AFP)


Les témoignages, qui comprennent des récits bien documentés de torture et d'abus sexuels dans la branche 251, ont été corroborés par des dizaines de milliers de photographies sorties clandestinement de Syrie par un transfuge militaire nommé «César». Ces photographies décrivent de manière graphique des scènes d'abus, de torture et de meurtre.
Le 13 janvier, Raslan a été reconnu coupable d'avoir supervisé 27 des meurtres et d’avoir commis des crimes contre l'humanité. Il a été condamné à la prison à vie.
«Le verdict est une étape importante, mais il ne rend pas pleinement justice au peuple syrien», a déclaré Ameenah Sawwan, une militante syrienne basée en Allemagne, à Arab News.
«C'est le début d'une lutte plus large pour une justice et une responsabilité plus complètes pour les victimes. Il est important de rappeler que les crimes contre l'humanité qui ont été révélés au grand jour lors du procès d'Anwar Raslan se produisent encore chaque jour en Syrie.»
Sawwan a ajouté que «les responsables du régime syrien doivent savoir qu'ils seront un jour également tenus de rendre des comptes. Je me souviens dans mon enfance des histoires que mes parents nous racontaient sur ce dont ce régime était capable. Et puis, après 2011, j'ai vu de mes propres yeux comment le régime emprisonnait des membres de la famille et bombardait nos maisons.»
Raslan n'est pas le seul responsable du régime jugé en Allemagne. Le médecin syrien Alaa Mousa, 36 ans, fait face à des accusations de torture et de meurtre qu’il aurait commis alors qu’il travaillait dans les hôpitaux militaires du régime. Parmi une série d'accusations, il est accusé d'avoir mis le feu aux organes génitaux d'un adolescent et d'avoir opéré des prisonniers sans anesthésie.
Mousa est visé par 18 chefs d'accusation pour avoir torturé des détenus à Damas et dans la ville occidentale de Homs en 2011-2012. Il fait également accusé de meurtre  pour avoir prétendument administré une injection létale à un prisonnier qui résistait à une correction, selon les procureurs fédéraux.

Anwar Raslan comparaît devant le tribunal de Coblence, dans l’ouest de l’Allemagne (Photo, AFP)


Mousa est arrivé en Allemagne avec un visa pour travailleurs qualifiés à la mi-2015 et a continué à pratiquer la médecine jusqu'à son arrestation en juin 2020 après que des témoins syriens se sont manifestés. Il nie toutes les accusations.
Les «lois sur la compétence universelle» de l'Allemagne la rendent unique parmi les États européens, donnant à ses procureurs un large mandat de manière à demander justice pour les crimes d'une gravité exceptionnelle qui ont eu lieu ailleurs dans le monde, même si aucun crime n'a été commis en Allemagne même.
La Syrie n'est pas membre de la Cour pénale internationale et, en 2014, la Russie et la Chine ont bloqué les efforts du Conseil de sécurité de l'ONU pour donner à la Cour un mandat sur les crimes graves en Syrie. Les tribunaux allemands offrent aux survivants syriens une rare plate-forme pour demander des comptes.
«Cette condamnation était importante pour nous car c'est le premier procès de ce type pour un haut responsable de sécurité alors que le système qu'il représentait est toujours au pouvoir. C'est un premier pas sur le long chemin de la justice», a déclaré Yasmine Michaan, membre fondatrice de l'Association des familles César, à Arab News.
Quatre des frères de Michaan ont disparu dans les prisons du régime. Michaan a révélé que lors du procès de Raslan, elle a reconnu le cadavre de son frère Oqba parmi les milliers de photographies passées en contrebande par l'Association César.

Pour Abou Layla, «Ils ont toute autorité pour tuer, arrêter et maltraiter quiconque rejette le régime d'Assad. Et ils n'ont aucun moyen de dissuasion pour commettre ces violations.» (Photo, AFP)


Pour Michaan et de nombreuses familles en deuil, cette condamnation constitue un précédent important et un exemple à suivre pour les autres gouvernements.
«Notre capacité à accéder à un tribunal spécial pour la Syrie ou à une cour pénale internationale est bloquée par les vetos de la Russie et de la Chine au Conseil de sécurité de l'ONU. Nous espérons que d'autres pays suivront l'exemple de l'Allemagne et demanderont des comptes à d’autres auteurs de violations des droits comme Raslan. Pour moi, la justice signifiera que les rêves de mon frère au début de la révolution syrienne se réaliseront un jour.»
Omar Abou Layla, un réfugié syrien et analyste qui vit actuellement en Allemagne, estime aussi que les poursuites judiciaires de janvier représentent un premier pas important. «La poursuite d'un ancien criminel impliqué dans des violations contre des Syriens signifie beaucoup pour moi», a-t-il déclaré à Arab News.
«Aujourd'hui, toutes les familles syriennes sont victimes de ces criminels. J'ai perdu plus de 88 de mes cousins, qui ont été martyrisés, et plus de 155 membres de ma tribu ont été détenus. Ce n'est qu'une étape et devrait être suivie d'autres étapes plus importantes que la poursuite en justice d'une seule personne. Il doit y avoir des mécanismes plus importants et plus larges pour poursuivre tous les criminels de guerre en Syrie, et pas seulement ceux en Europe.»

Abou Layla pense que les procès ont montré au régime d’Assad que les jours d’impunité absolue sont peut-être comptés. (Photo, AFP)


Même s'ils parviennent à échapper à l'arrestation, les membres du cercle restreint d'Al-Assad ont des raisons de craindre le précédent créé par le procès de Coblence. Il menace notamment de perturber les efforts du régime dans le but de normaliser ses relations avec la communauté internationale.
«C'est un message direct aux pays qui tentent de normaliser leurs relations avec le régime syrien : la position internationale ne changera pas car le régime est criminel, et donc tous ceux qui normalisent les relations avec lui soutiennent sa criminalité» a jugé Abou Layla.
Bien que Raslan et Mousa soient des personnages relativement peu importants, Abou Layla estime que les procès ont montré au régime d'Al-Assad que les jours d'impunité absolue dont il jouissait sont peut-être comptés, ce qui pourrait avoir un effet dissuasif sur de nouvelles atrocités.
«Ces criminels ne doivent pas profiter de leur liberté après avoir été impliqués dans des cas de torture, de meurtre et de criminalité contre le peuple syrien au cours des dernières années, donc la justice est le seul moyen pour eux de voir les résultats de leurs atrocités contre les Syriens», a-t-il souligné.

Des dizaines de milliers de personnes ont été détenues ou ont disparu en Syrie depuis 2011. (Photo, AFP)


«Ces procès envoient des messages directs au régime syrien, ainsi qu'à ses partisans, qu'aucun d'entre eux ne peut s'en tirer avec ces crimes, et qu’ils seront tous arrêtés, en particulier le chef du régime. Il ne fait aucun doute que ces procès provoquent un état de peur au sein du régime d'Assad.»
Les observateurs des droits de l'Homme estiment que la nature centralisée du régime a laissé une trace écrite détaillée qui peut être utilisée devant un tribunal afin de poursuivre les responsables de la sécurité syrienne de haut rang, jusqu'au bureau du président.
«Le service de renseignement est la branche la plus criminelle en Syrie à tous les niveaux; dans les prisons et sur le terrain pendant les manifestations», a déclaré Abou Layla. «Ils ont toute autorité pour tuer, arrêter et maltraiter quiconque rejette le régime d'Assad. Et ils n'ont aucun moyen de dissuasion pour commettre ces violations.»
Des dizaines de milliers de personnes ont été détenues ou ont disparu en Syrie depuis 2011, la grande majorité par les forces gouvernementales utilisant un vaste réseau de centres de détention à travers tout le pays. Selon les observateurs, le régime continue de détenir et de faire disparaître de force des milliers de personnes.
Rapp et la Commission pour la justice internationale et la responsabilité sont convaincus que de nombreuses autres poursuites de haut niveau seront possibles. Avec le temps, ils pensent que des accusations seront portées contre les plus hauts échelons du régime syrien.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Au Liban, le pape apporte l'espoir et appelle à l'unité

Rencontre interreligieuse, discours aux jeunes et au clergé: Léon XIV devrait porter un message d'espoir et d'unité aux Libanais lundi, au deuxième jour de sa visite dans ce pays multiconfessionnel. (AFP)
Rencontre interreligieuse, discours aux jeunes et au clergé: Léon XIV devrait porter un message d'espoir et d'unité aux Libanais lundi, au deuxième jour de sa visite dans ce pays multiconfessionnel. (AFP)
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  • Le chef de l'Eglise catholique a commencé sa journée par une visite à Annaya, un monastère qui abrite la tombe de Saint Charbel Makhlouf (1828-1898)
  • Ce moine-ermite maronite, canonisé en 1977, est très populaire chez des Libanais de toutes les communautés dont beaucoup croient en ses miracles

ANNAYA: Rencontre interreligieuse, discours aux jeunes et au clergé: Léon XIV devrait porter un message d'espoir et d'unité aux Libanais lundi, au deuxième jour de sa visite dans ce pays multiconfessionnel.

Dès le matin, des milliers de fidèles enthousiastes se pressent sous une pluie battante le long de la route empruntée par le pape pour l'acclamer.

"Nous sommes très heureux de la visite du pape, elle nous a rendu le sourire (..) après toutes les difficultés que nous avons traversées", déclare à l'AFP Yasmine Chidiac.

"Tout le monde va à Rome pour voir le pape, mais il est venu chez nous, et c'est la plus grande bénédiction (..) et un espoir pour le Liban", affirme Thérèse Darouni, 65 ans, qui attend le passage du convoi papal devant chez elle, au nord de Beyrouth.

Le chef de l'Eglise catholique a commencé sa journée par une visite à Annaya, un monastère qui abrite la tombe de Saint Charbel Makhlouf (1828-1898).

Ce moine-ermite maronite, canonisé en 1977, est très populaire chez des Libanais de toutes les communautés dont beaucoup croient en ses miracles.

"Nous devons nous unir" 

Devant le monastère, à 54 km au nord de Beyrouth, des hauts-parleurs diffusent des hymnes religieux et les fidèles agitent des drapeaux libanais et du Vatican.

Les autorités ont décrété deux jours fériés au Liban, où la visite papale suscite un vif enthousiasme, malgré les craintes d'un retour de la guerre avec Israël.

En dépit d'un cessez-le-feu intervenu il y a un an entre le Hezbollah pro-iranien et le pays voisin, l'armée israélienne a intensifié ces dernières semaines ses frappes au Liban.

Le Liban est la seconde étape du premier déplacement international du pape américain, après une visite en Turquie marquée par le dialogue pour l'unité des chrétiens.

Léon XIV est le troisième pape à effectuer une visite officielle au Liban, après Jean-Paul II en 1997 et Benoît XVI en 2012.

Il doit prononcer lundi un discours devant les évêques, prêtres et religieux du pays au sanctuaire de Harissa, au pied de la statue de Notre-Dame du Liban qui surplombe la baie de Jounieh, sur la Méditerranée.

Dans l'après-midi, deux autres moments forts sont prévus: une prière interreligieuse sur la place des Martyrs au centre de Beyrouth, un vaste espace emblématique symbole de mémoire nationale, et une rencontre avec des jeunes au patriarcat de Bkerké (nord).

"Au moment où nous sommes confrontés à de nombreux problèmes économiques, sociaux et politiques, nous avons besoin d'espoir", déclare Elias Abou Nasr Chaalan, 44 ans.

"Nous devons nous unir en tant que Libanais, comme le pape a réuni les responsables et les chefs religieux lors de son arrivée, car c'est en restant unis que nous pouvons surmonter toutes les difficultés", ajoute ce père de deux enfants.

 "Modèle de coexistence" 

Dimanche soir, tous les responsables politiques et religieux se sont rendus au palais présidentiel pour accueillir le souverain pontife.

Dans un discours, le pape a appelé les Libanais à "rester" dans leur pays, où l'effondrement économique depuis 2019 a aggravé l'émigration massive, et à oeuvrer pour la "réconciliation".

Devant les dirigeants, il a appelé la classe politique à "se mettre au service du peuple avec engagement et dévouement".

La crise économique inédite qui a éclaté à l'automne 2019 et ruiné les Libanais a été imputée en grande partie à la négligence de la classe politique, régulièrement accusée de clientélisme communautaire et de corruption.

Le système politique libanais garantit une parité unique dans la région entre musulmans et chrétiens,mais en dépit du rôle politique important que jouent ces derniers, ils ont vu leur nombre diminuer ces dernières décennies, en raison notamment du départ des jeunes.

"La sauvegarde du Liban, unique modèle de coexistence" entre chrétiens et musulmans, "est un devoir pour l’humanité", a déclaré dimanche soir le président Joseph Aoun, seul chef d'Etat arabe chrétien, devant le pape.

"Car si ce modèle venait à disparaître, nul autre lieu ne pourrait le remplacer".


Gaza: Israël dit avoir tué 40 combattants palestiniens dans des tunnels à Rafah

L'armée israélienne a affirmé dimanche avoir tué plus de 40 combattants palestiniens au cours de la semaine écoulée lors de ses opérations visant les tunnels près de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza ravagée par deux ans de guerre entre Israël et le Hamas. (AFP)
L'armée israélienne a affirmé dimanche avoir tué plus de 40 combattants palestiniens au cours de la semaine écoulée lors de ses opérations visant les tunnels près de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza ravagée par deux ans de guerre entre Israël et le Hamas. (AFP)
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  • Selon un responsable du Hamas à Gaza, "entre 60 et 80 combattants" seraient coincés sous terre à Rafah
  • Mercredi, le Hamas a appelé les pays médiateurs à faire pression sur Israël pour permettre à ses combattants de quitter les tunnels où ils sont bloqués dans le territoire palestinien

JERUSALEM: L'armée israélienne a affirmé dimanche avoir tué plus de 40 combattants palestiniens au cours de la semaine écoulée lors de ses opérations visant les tunnels près de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza ravagée par deux ans de guerre entre Israël et le Hamas.

Depuis 40 jours, les troupes concentrent leurs efforts dans la zone est de Rafah, "dans le but de démanteler les réseaux de tunnels souterrains qui subsistent dans la région et d'éliminer les terroristes qui s'y cachent", a indiqué l'armée israélienne dans un communiqué.

"Au cours de la dernière semaine, plus de 40 terroristes ont été éliminés dans la zone du réseau de tunnels" et "des dizaines d'entrées de tunnels et de sites d'infrastructures terroristes, tant en surface que souterrains, ont été démantelés dans la région", a-t-elle poursuivi.

Plus tôt, l'armée israélienne avait dit avoir tué quatre combattants palestiniens qui sortaient de tunnels à Rafah.

Plusieurs sources au fait des discussions ont indiqué jeudi à l'AFP que des négociations étaient en cours sur le sort de dizaines de combattants du mouvement islamiste palestinien Hamas, coincés depuis plusieurs semaines dans des tunnels dans le secteur de la bande de Gaza contrôlée par l'armée israélienne.

Selon un responsable du Hamas à Gaza, "entre 60 et 80 combattants" seraient coincés sous terre à Rafah.

Mercredi, le Hamas a appelé les pays médiateurs à faire pression sur Israël pour permettre à ses combattants de quitter les tunnels où ils sont bloqués dans le territoire palestinien, dans le secteur où s'est redéployée l'armée israélienne dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre.

"Nos combattants à Rafah ne peuvent pas accepter de se rendre ou de remettre leurs armes à l'occupation (Israël, NDLR)", a déclaré dimanche dans un communiqué Hossam Badran, un haut responsable du mouvement.

L'envoyé spécial américain Steve Witkoff avait lui affirmé début novembre que jusqu'à 200 combattants du Hamas seraient bloqués dans des tunnels à Gaza.

Interrogé alors par l'AFP, un porte-parole du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, avait indiqué que celui-ci n'était pas disposé à leur délivrer un sauf-conduit.

La trêve conclue plus de deux ans après le début de la guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas en territoire israélien le 7 octobre 2023 reste très fragile, les deux belligérants s'accusant mutuellement de la violer.

La bande de Gaza, dévastée par la campagne militaire israélienne, reste plongée dans une très grave crise humanitaire.


«La paix n'est pas seulement une question d'équilibre, c'est aussi savoir comment vivre ensemble», dit le pape au Liban

Le pape Léon XIV rencontre le président libanais Joseph Aoun dimanche au palais présidentiel de Beyrouth. (AFP)
Le pape Léon XIV rencontre le président libanais Joseph Aoun dimanche au palais présidentiel de Beyrouth. (AFP)
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  • Le dialogue mutuel, même en cas de malentendus, est la voie de la réconciliation, déclare-t-il
  • Aoun : "Si le Liban est paralysé ou transformé, l'alternative sera une ligne de fracture dans notre région et dans le monde"

BEYROUTH : Le pape Léon XIV a appelé à la paix au Liban lors d'un discours prononcé à Beyrouth devant plus de 400 personnalités politiques, religieuses et sociales du pays.

"La paix dans ce pays est plus qu'un mot ; c'est un désir, un message, un don et un travail en cours", a-t-il déclaré lors de la première étape de sa visite historique de trois jours au Liban.

Le Liban a "un peuple qui n'abandonne pas, mais qui, face à l'adversité, sait toujours se relever avec courage", a-t-il ajouté.

"Votre résilience est une caractéristique fondamentale des vrais artisans de la paix, car l'instauration de la paix est, en réalité, un éternel recommencement. L'engagement et l'amour de la paix ne connaissent pas la peur face à la défaite apparente, ni le découragement face à la déception. Au contraire, ils regardent vers l'avenir, accueillant et embrassant toutes les situations avec espoir".

Le pape, qui revenait d'une visite en Turquie, a déclaré au public libanais que "la construction de la paix exige de la persévérance".

Il a ajouté : "Vous êtes un pays diversifié, une communauté parmi les communautés, unie par une langue commune. Je ne me réfère pas seulement à la langue arabe levantine, dans laquelle votre grand passé a laissé des trésors inestimables. Je me réfère surtout à la langue de l'espoir, qui vous a toujours permis de prendre un nouveau départ.

"Presque partout dans le monde qui nous entoure, une sorte de pessimisme et de sentiment d'impuissance semble s'être installé, où les gens ne sont plus capables de se demander ce qu'ils peuvent faire pour changer le cours de l'histoire.

"Il semble que les grandes décisions soient prises par quelques privilégiés, souvent au détriment du bien commun, comme s'il s'agissait d'une fatalité. Vous avez beaucoup souffert des conséquences d'une économie dévastée et de l'instabilité mondiale, qui a eu des effets dévastateurs même au Levant, et de l'extrémisme des identités et des conflits. Mais vous avez toujours voulu, et vous avez su, prendre un nouveau départ".

Il a appelé la jeunesse libanaise à "ne jamais se séparer de son peuple et à se mettre avec engagement et dévouement à son service, riche de sa diversité. Ne parlez qu'une seule langue, celle de l'espoir".

En ce qui concerne le rétablissement de la paix dans le pays, il a déclaré : "Il y a des blessures personnelles et collectives : "Il y a des blessures personnelles et collectives qui prennent de nombreuses années, parfois même des générations, à guérir. Si elles ne sont pas traitées, si nous ne travaillons pas, par exemple, à guérir les mémoires et à réunir ceux qui ont souffert de l'injustice et de l'oppression, il sera difficile d'avancer vers la paix. Nous resterons piégés, chacun d'entre nous étant prisonnier de sa propre douleur et de sa propre façon de penser."

"La paix est bien plus qu'un simple équilibre - toujours fragile - entre ceux qui vivent séparément sous un même toit. La paix, c'est savoir vivre ensemble, en communion, comme des personnes réconciliées. Une réconciliation qui nous permet de travailler ensemble pour un avenir commun, côte à côte. Ainsi, la paix devient cette abondance qui nous surprend lorsque nos horizons s'élargissent, dépassant tous les murs et toutes les barrières. Le dialogue mutuel, même face à l'incompréhension, est le chemin de la réconciliation."

Le pape a exhorté les Libanais à "rester dans leur patrie et à travailler jour après jour pour construire une civilisation d'amour et de paix, car c'est une chose très précieuse". L'Église ne se préoccupe pas seulement de la dignité de ceux qui quittent leur patrie, mais elle ne veut pas que quiconque soit forcé de partir. Elle veut au contraire que ceux qui souhaitent retourner dans leur patrie puissent le faire en toute sécurité".

Il a ajouté : "Le défi, non seulement pour le Liban, mais pour l'ensemble du Levant, est de savoir comment faire pour que les jeunes, en particulier, ne se sentent pas obligés de quitter leur patrie et d'émigrer ? Comment pouvons-nous les encourager à ne pas chercher la paix ailleurs, mais à trouver des garanties de paix et à être des pionniers dans leur propre pays ?"

Léon XIV a souligné "le rôle essentiel des femmes dans l'entreprise ardue et patiente de préservation et de construction de la paix".

Il a déclaré : "N'oublions pas que les femmes ont une capacité particulière à construire la paix, parce qu'elles savent comment favoriser et renforcer les liens profonds avec la vie, les personnes et les lieux. Leur participation à la vie sociale et politique, ainsi qu'à leurs communautés religieuses, représente une véritable force de renouveau dans le monde entier".

Plus tard, le président libanais Joseph Aoun a déclaré : "Le Liban, ce petit pays par sa taille mais grand par sa mission, a toujours été et reste une terre qui unit la foi et la liberté, la diversité et l'unité, la douleur et l'espoir.

Il a souligné que le pays était "unique au monde", ce qui "nécessite que toute l'humanité vivante préserve le Liban".

M. Aoun a ajouté : "Car si ce modèle de vie libre et égale entre les adeptes de différentes religions venait à disparaître, il n'y aurait pas d'autre endroit sur terre qui puisse l'accueillir.

"Si la présence chrétienne disparaît du Liban, l'équation de la nation s'effondrera et sa justice s'effritera. Si la présence musulmane disparaît du Liban, l'équation de la nation sera perturbée et sa modération sera brisée. Si le Liban est paralysé ou transformé, l'alternative inévitable sera des lignes de fracture dans notre région et dans le monde, entre toutes sortes d'extrémismes et de violences intellectuelles, physiques et même sanglantes. C'est une chose que le Saint-Siège a toujours comprise.

"Nous affirmons aujourd'hui que la survie même de ce Liban, présent et présent autour de vous, est une condition préalable à la paix, à l'espoir et à la réconciliation entre tous les enfants d'Abraham."

Le président s'est adressé au pape et a déclaré : "Dans notre pays aujourd'hui, et dans notre région, il y a beaucoup d'oppression et beaucoup de souffrance. Leurs blessures attendent votre toucher béni. S'il vous plaît, dites au monde en notre nom que nous ne mourrons pas, que nous ne partirons pas, que nous ne désespérerons pas et que nous ne nous rendrons pas.

"Au contraire, nous resterons ici, respirant la liberté, créant la joie, pratiquant l'amour, embrassant l'innovation et aspirant à la modernité. Nous resterons le seul espace de rencontre de toute notre région, représentants unis de tous les enfants d'Abraham, avec toutes leurs croyances, leurs valeurs sacrées et leur héritage commun."

L'avion du pape a atterri à l'aéroport international Rafic Hariri de Beyrouth, en provenance d'Istanbul, vers 16 heures, dans le cadre de mesures de sécurité et d'organisation rigoureuses.

Deux jets de l'armée libanaise ont escorté l'avion papal lors de son entrée dans l'espace aérien libanais.

Le pape a déclaré à la délégation de presse qui l'accompagnait dans l'avion que sa visite en Turquie avait été "positive et réussie".

Remerciant le président turc et l'Église d'Orient, il a ajouté que "le but de sa visite au Liban est de construire la paix".

Le président Joseph Aoun, le président du Parlement Nabih Berri, le premier ministre Nawaf Salam, le patriarche maronite Bechara Al-Rahi, le commandant de l'armée, le général Rudolph Haykal, un grand nombre de chefs religieux de tout le Liban, des membres du corps diplomatique arabe et étranger, des représentants des blocs parlementaires et des groupes de civils attendaient le pape sur le tarmac de l'aéroport de Beyrouth.

À sa sortie de l'avion, l'armée libanaise a tiré une salve de 21 coups de canon en son honneur et les cloches des églises ont sonné dans tout le Liban. Les navires amarrés dans le port de Beyrouth ont fait retentir leurs sirènes en guise de bienvenue.

Deux enfants du Children's Cancer Center ont offert au pape un bouquet de fleurs, du pain, du sel et de la terre du Liban sur le tarmac, dans le cadre d'une tradition symbolique.

Le pape a reçu un accueil officiel dans le salon VIP, après quoi il s'est rendu au palais présidentiel.

Le cortège de Léon XIV a emprunté les autoroutes de la banlieue sud de Beyrouth, où des dizaines d'habitants se sont massés le long des routes, brandissant des drapeaux libanais et du Vatican. Certains ont brandi des drapeaux du Hezbollah et des photos de l'ancien secrétaire général Hassan Nasrallah.

Le long de la route allant de la banlieue sud de Beyrouth à Hazmieh, en passant par les routes menant à Baabda et au palais présidentiel, des centaines de personnes - enfants, femmes, hommes, personnes âgées et malades - se sont rassemblées malgré la forte pluie. Elles portaient des parapluies blancs, agitaient des drapeaux du Vatican et du Liban et scandaient son nom. Certains ont déclaré qu'il était "une lueur d'espoir pour le Liban", tandis que d'autres espéraient que sa "visite historique sauverait ce pays de ses crises".

Une femme a déclaré : "Les diverses communautés religieuses qui accueillent le pape sont un signe d'espoir pour le Liban" : "Les diverses communautés religieuses qui accueillent le pape témoignent de l'engagement du Liban en faveur de la coexistence.

Avant d'arriver au palais présidentiel, le pape est passé de sa voiture blindée noire à son véhicule vitré, saluant au passage les personnes qui avaient arrosé son cortège de pétales de roses et de riz.

Au son de la musique traditionnelle libanaise dabke et accompagné d'une escorte de chevaux, le pape a été reçu dans la cour du palais présidentiel.

Dans le salon VIP, Léon XIV a tenu des réunions privées séparées avec chaque dirigeant libanais.

Dans une autre salle, les 400 personnalités politiques, dont une délégation de députés du Hezbollah, des chefs de communautés religieuses, des membres du corps diplomatique et des représentants de la société civile, attendaient d'entendre le discours du pape.