Affaire Rafiq Hariri: le Hezbollah accusé de «protéger des criminels»

Un homme passe devant un portrait du premier ministre libanais assassiné, Rafic Hariri (Photo, AFP).
Un homme passe devant un portrait du premier ministre libanais assassiné, Rafic Hariri (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 12 mars 2022

Affaire Rafiq Hariri: le Hezbollah accusé de «protéger des criminels»

  • Le Tribunal spécial pour le Liban a déclaré deux autres membres du Hezbollah coupables d'implication dans le meurtre de 2005
  • Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, a refusé de livrer les accusés, soulignant qu'il ne reconnait pas l'autorité du TSL

BEYROUTH: La Chambre d'appel du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) a reconnu jeudi les deux membres du Hezbollah Hussein Oneissi et Hassan Habib Merhi coupables d'implication dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005.
À l’annonce du verdict, plusieurs membres du Courant du Futur, dont le chef du parti et ancien Premier ministre Saad Hariri, ont accusé le Hezbollah de «couvrir» le crime et de «protéger les criminels».
Le TSL, a ordonné aux autorités libanaises d'arrêter ces hommes, absents lors de leur condamnation.
«Le ministère public attend les mandats d'arrêt pour entamer la procédure», a révélé une source judiciaire à Arab News. «Cependant, depuis qu'un mandat d'arrêt a été émis contre Salim Ayache, qui a été condamné en décembre 2020 par le TSL pour son implication dans l'assassinat, le ministère public a ordonné aux autorités concernées de l'arrêter, mais en vain.
«D’habitude, les mandats d'arrêt incluent les adresses auxquelles les condamnés sont susceptibles d’être trouvés, mais la recherche n'a donné aucun résultat jusqu'à présent.»
Réagissant au verdict, Hariri a déclaré qu'«il est impératif que les autorités libanaises et ses forces militaires et sécuritaires travaillent ensemble pour arrêter les condamnés afin de les remettre au TSL pour l’application des peines.»
Hariri a directement accusé le Hezbollah de couvrir le crime, de protéger ses membres qui y sont impliqués et de les aider à échapper à la justice internationale.
«L'histoire ne sera clémente envers aucun des complices de cet assassinat», a-t-il souligné. «Nous resterons à l'affût de tout parti ou dirigeant qui refuse de mettre en œuvre la loi et de punir les assassins.»
Pour l'ancien Premier ministre Fouad Siniora, «l’évolution de cette affaire prouve que nous avions raison de recourir au TSL, d'autant plus que nous constatons chaque jour l’incapacité de la justice libanaise à mener des enquêtes sur certains crimes commis au Liban, le dernier en date étant l'incapacité flagrante à faire avancer l’enquête sur l'explosion du port de Beyrouth.»
«Ce verdict dévoile l'implication du Hezbollah dans l'assassinat et dénonce la fausseté des allégations et des pratiques du parti contre le Liban et les Libanais. Le verdict force le Hezbollah à livrer les criminels sans aucun délai.»
En décembre 2020, le TSL a estimé que les preuves étaient insuffisantes pour condamner Oneissi, Merhi et un troisième accusé, Assad Hassan Sabra. Le TSL a déclaré Ayache, un autre membre du Hezbollah, coupable d'avoir «orchestré un complot visant à commettre un acte terroriste à l’aide d’un engin explosif, d’avoir tué intentionnellement Rafic Hariri en utilisant des matériaux explosifs, d’avoir assassiné de façon délibérée 21 autres personnes et d’avoir tenté de tuer volontairement 226 personnes, toujours par le biais de matériaux explosifs».
Il a été condamné, en son absence, à la prison à vie. Le tribunal a déclaré qu’il ne pouvait pas faire appel du verdict, à moins qu’il ne se rende lui-même.
Le ministère public a fait appel du jugement de 2020 concernant Merhi et Oneissi, et les juges d'appel ont unanimement déclaré jeudi que «les juges de première instance avaient commis des erreurs». L'affaire contre les quatre accusés reposait sur des preuves circonstancielles sous la forme d'enregistrements de téléphones portables qui, selon les procureurs, ont dévoilé la présence d’une cellule appartenant au Hezbollah qui complotait l'attentat.
La juge Ivana Hrdlickova, présidente du TSL, a annoncé que la Chambre d'appel délivrera des mandats d'arrêt contre Oneissi et Merhi plus tard jeudi.
Le TSL devrait arrêter ses travaux après cette phase d'appel en raison d'un manque de financement. Des ressortissants libanais ont fait don de 500 000 euros dans le but d’assurer la poursuite des travaux du TSL, l'État libanais n'ayant pas fourni les fonds qu'il doit au tribunal à cause de la crise économique que traverse le pays.
Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, a refusé de livrer les accusés, soulignant qu'il ne reconnaît pas l'autorité du TSL.
Pour l'ancien député Marwan Hamadeh «malgré la perte de temps et les coûts élevés, le TSL a prouvé que la vérité ne peut être cachée par un groupe de scélérats qui ont commis le crime du siècle contre Rafic Hariri et tous ses compagnons.»
Hamadeh, qui a été blessé dans un attentat à la voiture piégée qui visait à l’assassiner en 2004, quelques mois avant que Hariri ne soit tué dans un attentat similaire, a ajouté que «le fait de prouver l'implication du Hezbollah dans l’assassinat de Hariri fournit à la justice libanaise une profondeur nouvelle qui force les autorités officielles à appliquer des mandats d'arrêt internationaux contre les criminels. Garder le silence sur ce crime et ses auteurs a sans doute conduit à l'effondrement de la justice libanaise.»
Le verdict du TSL intervient quelques jours avant le 17e anniversaire de la grande manifestation du 14 mars qui a suivi l'assassinat de Hariri en 2005.
Le Hezbollah n'a pas encore réagi au verdict contre Oneissi et Merhi. Cependant, les propos tenus vendredi par le chef du bloc parlementaire du parti, le député Mohammed Raad, au sujet d’un audit juricomptable des comptes de la Banque centrale du pays ont été désignés par certains comme une preuve de la politique de deux poids deux mesures adoptées par le Hezbollah lorsqu’il s’agit de poursuivre des criminels.
«Le Hezbollah ne veut tromper personne. Les criminels doivent être punis», a soutenu Raad.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.