DUBAÏ: À quelques semaines de la conférence internationale “Sanctions, AML & CFT for Banking and Finance in the Kingdom of Saudi Arabia”, qui se tiendra à Riyad les 21 et 22 octobre 2025, la sénatrice française Nathalie Goulet, dans un entretient accordé à Arab News en français, salue l’ambition et l'engagement de l’Arabie saoudite dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la criminalité financière.
« L'Arabie saoudite a été en tête de ‘No Money for Terror’ dans le temps. Elle en est absolument capable, et en plus, elle a un leader très fort et une vision claire, » declare la sénatrice.
Une volonté politique affirmée
Pour Nathalie Goulet, l’évolution du Royaume ne fait aucun doute.
« Le Prince Mohammed Ben Salman, dès son arrivée au pouvoir, a immédiatement réglé les questions de corruption. Il a insufflé une politique et une volonté. »
Cette transformation accompagne l’ouverture rapide du Royaume, notamment dans le cadre de la Vision 2030, et s’inscrit dans un effort plus large pour assainir le climat des affaires et attirer des investissements étrangers dans un cadre juridico-financier stable.
« Ça se passe très bien. Mais c’est aussi une question de volonté. Et la volonté en Arabie saoudite est très marquée. »
Riyad, prochain centre de gravité régional pour la compliance
L’événement d’octobre réunira régulateurs, banquiers, juristes et spécialistes de la conformité du monde entier. Pour Nathalie Goulet, c’est une opportunité cruciale :
« Ce que j’attends, ce sont des échanges de bonnes pratiques très concrets. Car parfois, ce ne sont pas les lois qui changent les choses, ce sont aussi les interactions entre professionnels, au quotidien. »
Elle y partagera notamment son expérience sur les enjeux de transparence financière et de coopération internationale.
Des progrès significatifs et une coopération régionale renforcée
À la suite de sa participation au sommet Fighting Financial Crime à Abou Dhabi les 10 et 11 septembre derniers, Nathalie Goulet a salué les efforts des Émirats arabes unis, récemment sortis de la liste grise du GAFI.
« Il y a une vraie volonté au plus haut niveau. Et cette volonté est contagieuse. On voit aussi une forte implication saoudienne, par exemple par l'intermédiaire de Nazaha, l'autorité de lutte contre la corruption. »
Pour elle, la dynamique régionale est en marche : extraditions facilitées, respect accru des règles de coopération judiciaire, montée en compétence des autorités locales.
Un enjeu global et des réponses encore fragmentées
Malgré ces progrès, selon la sénatrice, le constat demeure alarmant : entre 2 et 5 % du PIB Mondial, seraient issus du blanchiment d’argent, mais seulement 1 à 2 % des fonds sont effectivement récupérés.
« Ce sont des milliards qui échappent aux écoles, aux hôpitaux, aux routes. Et un immense manque à gagner pour les citoyens. »
Outre l’utilisation massive de cryptoactifs non régulés et le traffic de migrants, Nathalie Goulet alerte sur les techniques des réseaux criminels de plus en plus inventives : trafic d’or déguisé en café et cargaisons de bananes trafiquées.
Enjeux spécifiques au Moyen-Orient
Le Moyen-Orient n’échappe pas à ces mutations. Nathalie Goulet pointe plusieurs problématiques: le trafic d’or, l’usage débridé des crypto-actifs, et la contrefaçon massive.
« La contrefaçon, ce ne sont pas que des faux sacs. Ce sont aussi des faux médicaments, des pièces détachées défectueuses, du tabac illicite… Le coût global est estimé à 650 milliards de dollars par an. » (Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, 2022)
Elle insiste sur la nécessité de renforcer la traçabilité, même dans des réseaux informels comme les systèmes de transfert d’argent ou certaines plateformes numériques.
La coopération et la formation au cœur de la réponse
Face à ces défis, Nathalie Goulet appelle à une action multilatérale renforcée : formations spécialisées, partage d’informations, benchmarking international et adoption des nouvelles technologies.
« Il faut former les magistrats, les douaniers, les régulateurs. Mais aussi renforcer la coopération entre pays et partager les bonnes pratiques. »
Elle évoque aussi le rôle central de l’intelligence artificielle dans la détection des flux suspects, et appelle à la création de bourses d’étude sur les crypto-actifs et leurs mécanismes.
Arabie saoudite : vers un rôle structurant dans le système international
Alors que l’Arabie saoudite s’impose de plus en plus comme un hub régional de la finance, la question de son influence future au sein d’organisations comme le GAFI se pose.
« Le Royaume a les moyens, l’ambition et la volonté. Il applique déjà les règles, coopère efficacement, et montre l’exemple. »
La récente nomination d’un responsable émirien à la tête d’Interpol, le général de division Ahmed Naser Al-Raisi, ajoute-t-elle, reflète également l’influence croissante de la région dans la gouvernance sécuritaire mondiale.
Un combat global au service des citoyens
Selon Nathalie Goulet, l’enjeu dépasse largement les frontières des États et des institutions financières et ne peut être reléguée au second plan, même en temps de crise économique.
« Justement, parce que le climat économique est dégradé, on ne peut pas laisser l’argent échapper à la société. La criminalité détourne les ressources publiques. C’est un combat pour le citoyen, pour l’école, pour l’hôpital, » explique la sénatrice.
Riyad marquera une nouvelle étape. Et pour elle, chaque conférence, chaque échange entre professionnels, chaque progrès technique ou réglementaire contribue à une économie plus saine et plus équitable.