Comment le conflit russo-ukrainien a relégué l'action climatique au second plan

Les Nations unies sont obnubilées par la gestion du conflit en Ukraine (Photo, Getty).
Les Nations unies sont obnubilées par la gestion du conflit en Ukraine (Photo, Getty).
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Publié le Jeudi 05 mai 2022

Comment le conflit russo-ukrainien a relégué l'action climatique au second plan

  • Les questions environnementales sont reléguées au second plan alors que la guerre occupe le devant de la scène
  • Les efforts visant à réduire la dépendance de l'Europe à l'égard du pétrole et du gaz russes stimulent la demande de charbon

NEW YORK: Lors d'une récente réunion du Conseil de sécurité de l'ONU convoquée à New York pour discuter de la guerre en Ukraine, les représentants ont remarqué quelque chose de différent. Sur la table de conférence devant eux, les ambassadeurs avaient reçu des bouteilles d'eau en plastique pour apaiser leur soif.
Cela serait passé inaperçu si l'ONU n'avait pas décidé en 2019 de se passer de plastique. Une bannière érigée à l'époque à l'entrée du siège de l'organisation affichait clairement cette politique : «Pas de plastique à usage unique.»
Le retour de ce matériau dans la salle du Conseil de sécurité a révolté les diplomates et les visiteurs sensibles aux enjeux climatiques, car il semblait indiquer que l'environnement avait été relégué au second plan depuis le déclenchement du conflit en Ukraine.
Tous les discours  de ces dernières années sur la lutte contre la crise climatique ont semblé s'évaporer au moment où la guerre a commencé, laissant la nette impression que les discussions sur l'environnement étaient réservées aux temps de paix.
Maria Fernanda Espinosa Garces, diplomate équatorienne et ancienne présidente de l'Assemblée générale, a été à l'origine de l'élimination des plastiques à usage unique au siège de l'ONU.

La demande de charbon dans des pays comme l'Inde, en photo, a grimpé en flèche dans un contexte de pénurie (Photo, AFP).


Interrogée sur le recul apparent sur la question, elle a estimé que les périodes de crise n’étaient pas une excuse pour abandonner les priorités environnementales.
«La crise climatique est une menace existentielle pour notre sécurité humaine, et nous avons la responsabilité de faire la paix avec notre planète si nous voulons survivre en tant qu'espèce. L'action climatique ne doit pas être laissée en veilleuse, même en temps de guerre», a-t-elle révélé à Arab News.
Pour Garces, «le changement climatique tue et déplace des millions de personnes. Il a des effets plus globaux et dévastateurs que n'importe quelle guerre. Nous devons travailler sur les deux questions en même temps.»
Le retour en arrière par rapport aux pratiques établies n'est pas réservé à la politique de l'ONU en matière de plastique. La guerre en Ukraine a sans aucun doute un impact dévastateur sur l'environnement, en augmentant l'extraction et l'utilisation des combustibles fossiles.
La flambée des prix du pétrole et du gaz a conduit les États-Unis, l'Europe et d'autres gouvernements à accroître leur production, au moment même où le monde devrait se détourner des combustibles fossiles au profit de sources d'énergie propres et renouvelables.
Certains critiques, venues des États-Unis notamment, considèrent l'effort visant à stimuler l'offre comme un revers majeur, voire une «trahison», du programme environnemental, vouant à l'échec les objectifs climatiques mondiaux en matière de réduction des émissions de carbone.
En raison de la baisse de sa cote de popularité dans les sondages à l'approche des élections de mi-mandat de novembre, le président américain, Joe Biden, subit des pressions à l’intérieur de son pays pour faire baisser le prix de l'essence.

Le gazoduc Nord Stream 2 a finalement été abandonné par l'Allemagne en raison de l'invasion de l'Ukraine par la Russie (Photo, AFP).


Au début de la crise ukrainienne, le président américain a libéré une quantité record de pétrole de la réserve stratégique du pays, exhortant les compagnies pétrolières et gazières à accélérer leurs opérations de forage. Rompant une promesse de campagne antérieure, il a également annoncé qu'il ouvrirait davantage de terres publiques à de telles entreprises.
En effet, bien que les États-Unis se soient engagés à réduire de moitié leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050, la question du changement climatique n'a été que très peu évoquée dans le discours sur l'état de l'Union du 1er mars.
Et ce, en dépit des conclusions du dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de l'ONU, dont l'auteur principal, Heleen De Coninck, a déclaré que le monde avait «atteint le point de non-retour pour limiter le réchauffement à 1,5 degrés Celsius» au-dessus des niveaux préindustriels.
En réponse au dernier rapport du GIEC, publié le 4 avril, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a fustigé les économies et les entreprises riches, affirmant qu'elles «ne se contentent pas de fermer les yeux, elles jettent de l'huile sur le feu».
«Ils étouffent notre planète en raison de leurs intérêts personnels et de leurs investissements historiques dans les combustibles fossiles», a averti Guterres.
À l'occasion de la Journée de la Terre, célébrée chaque année le 22 avril, des activistes ont organisé des manifestations dans tout le pays afin d’exiger du gouvernement américain qu’il prenne des mesures concertées contre le changement climatique, notamment l'adoption d'un nouveau projet de loi sur le climat, qui prévoit des investissements dans les énergies propres d'une valeur de 471,320 milliards d’euros.

En mars, les États-Unis ont libéré des quantités record de pétrole de leurs réserves dans le but de stopper la flambée des prix du carburant (Photo, AFP).


Les activistes souhaitent que le Sénat adopte le plus rapidement possible le projet de loi bloqué, car ils craignent qu'il ne passe jamais au Congrès si les démocrates perdent le contrôle de la Chambre des représentants lors des élections de novembre.
Les mains de Biden semblent cependant liées, car les républicains du Congrès, ainsi qu'un sénateur démocrate, Joe Manchin, de la Virginie-Occidentale riche en charbon, continuent d'atténuer, voire de bloquer, les propositions du président sur l'action climatique.
Au lieu de cela, la priorité est maintenant d'aider l'Europe à se libérer de sa dépendance au pétrole et au gaz russes, en augmentant la production nationale et en libérant des réserves dans le but de faire baisser les prix pour les citoyens américains.
L'UE a importé environ 40% de son gaz naturel, plus d'un quart de son pétrole et environ la moitié de son charbon de Russie en 2019.
Dans une déclaration commune avec la Commission européenne le 24 mars, Biden semblait avoir deux objectifs contradictoires à l'esprit : aider l'Europe à se sevrer de l'énergie russe, tout en préservant «à portée de main» un plafond de réchauffement climatique de 1,5 degré Celsius.
Il y a aussi des membres du Congrès qui veulent «suralimenter la production nationale d'énergie de toutes sortes» afin de fournir de l'énergie à l'Europe et «même financer des infrastructures pour eux». Concilier ces efforts avec les objectifs climatiques mondiaux se révélera probablement être un pont trop lointain.

Les États-Unis ont interdit les importations de pétrole russe en réponse à l'invasion de l'Ukraine (Photo, AFP).


Pourtant, certains pensent que si l'Europe parvient à mettre fin à sa dépendance à l'égard de l'énergie russe, il pourrait s’agir d’une bénédiction déguisée, offrant une occasion en or pour l'Europe de se libérer des combustibles fossiles à long terme.
Une école d'opinion estime que la guerre est une occasion d'accélérer l'adoption de technologies énergétiques propres. Si tel est le cas, la guerre pourrait alors aider le continent européen à atteindre ses objectifs climatiques.
Comme on pouvait s'y attendre, les écologistes ont été rassurés le 22 février lorsque l'Allemagne a renoncé à approuver la construction d'un nouveau gazoduc en provenance de Russie. Berlin prévoit désormais d'importer du gaz naturel liquéfié du Qatar et des États-Unis.
Pendant ce temps, la Belgique reconsidère son aversion pour l'énergie nucléaire, et l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni accélèrent tous leurs efforts pour installer davantage d'énergie éolienne.
Toutefois, les efforts déployés pour réduire la dépendance à l'égard du pétrole et du gaz ont également créé une nouvelle demande de charbon, une alternative bon marché, facile, mais beaucoup plus sale, dans des endroits qui étaient en train de l'éliminer progressivement.
Le 21 mars, dans son premier grand discours sur le climat et l'énergie depuis le sommet de la COP26 de Glasgow l'année dernière, Guterres a déclaré que la ruée vers les combustibles fossiles à cause de la guerre en Ukraine est une «folie» et menace les objectifs climatiques mondiaux.

L'équilibre environnemental du président américain, Joe Biden, sera mis à l'épreuve lors des élections de mi-mandat de novembre (Photo, AFP).


Le charbon doit être banni avec une élimination totale pour les nations les plus riches d'ici 2030, et 2040 pour toutes les autres, y compris la Chine, a-t-il déclaré.
Paradoxalement, bien que la guerre en Ukraine puisse accélérer l'abandon des combustibles fossiles en Europe à long terme, elle pourrait ralentir la transition vers une énergie propre, et donc augmenter les émissions de gaz à effet de serre, ailleurs dans le monde si le charbon fait son retour.
Guterres a averti que «les pays pourraient être tellement absorbés par le déficit immédiat d'approvisionnement en combustibles fossiles qu'ils négligeraient ou freineraient les politiques visant à réduire l'utilisation des combustibles fossiles. C'est de la folie. La dépendance aux combustibles fossiles est une destruction réciproquement assurée.»
Les pays doivent «accélérer l’élimination progressive du charbon et de tous les combustibles fossiles» et mettre en œuvre une transition énergétique rapide et durable.
C’est «la seule véritable voie vers la sécurité énergétique», a-t-il soutenu.


Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le président allemand demande à son homologue algérien de gracier l'écrivain Boualem Sansal

La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs. (AFP)
La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs. (AFP)
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  • "Un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays"
  • Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux (...) compte tenu de son âge avancé (...)"

BERLIN: Le président allemand a exhorté lundi son homologue algérien à gracier l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné depuis un an en Algérie et au coeur d'une grave crise diplomatique entre Alger et Paris.

Appelant son homologue Abdelmadjid Tebboune à un "geste humanitaire", Frank-Walter Steinmeier propose aussi que Boualem Sansal soit transféré en Allemagne pour "y bénéficier de soins médicaux (...) compte tenu de son âge avancé (...) et de son état de santé fragile".

"Un tel geste serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme. Il refléterait ma relation personnelle de longue date avec le président Tebboune et les bonnes relations entre nos deux pays", a estimé le président allemand, dans un communiqué.

La présidence algérienne a confirmé dans son propre communiqué que M. Steinmeier avait demandé à Abdelmadjid Tebboune "d'accomplir un geste humanitaire en graciant l'écrivain Boualem Sansal", une information reprise par la télévision algérienne par ailleurs.

Selon des spécialistes à Alger, le fait que la présidence et la télévision publique reprennent les éléments de langage du président allemand peut être perçu comme un signe positif.

Mais aucune indication n'a été donnée quant au calendrier de la prise de décision par le président algérien.

Dans une longue interview accordée en septembre dernier, le président Abdelmadjid Tebboune avait par ailleurs évoqué la possibilité de se rendre en Allemagne fin 2025 ou début 2026.

Arrêté à Alger le 16 novembre 2024, le romancier et essayiste franco-algérien Boualem Sansal a été condamné en appel en juillet à cinq ans de réclusion pour avoir notamment déclaré que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.

Jeudi, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, avait souligné que la France menait un "dialogue exigeant" avec Alger pour obtenir la libération de Boualem Sansal.

L'affaire s'inscrit dans un contexte d'hostilité entre Paris et Alger, qui sont empêtrés depuis plus d'un an dans une crise diplomatique sans précédent qui s'est traduite par des expulsions de fonctionnaires de part et d'autre, le rappel des ambassadeurs des deux pays et des restrictions sur les porteurs de visas diplomatiques.


La BBC, dans l'oeil du cyclone, sommée de s'expliquer

Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
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  • La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire
  • La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès

LONDRES: Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump.

La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire de son magazine d'information phare, "Panorama", diffusé en octobre 2024, une semaine avant la présidentielle américaine.

La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès pour se "battre comme des diables".

Or, dans la phrase originale, M. Trump disait: "Nous allons marcher vers le Capitole et nous allons encourager nos courageux sénateurs et représentants et représentantes au Congrès". L'expression "se battre comme des diables" correspondait à un autre passage du discours.

Face à la polémique grandissante, son directeur général, Tim Davie, et la patronne de la chaîne d'information du groupe BBC News, Deborah Turness, ont annoncé dimanche leur démission, qui fait la Une des journaux lundi.

Le président américain a dénoncé les "journalistes corrompus" et "malhonnêtes" de la BBC, sur son réseau Truth Social.

Le président du conseil d'administration du groupe, Samir Shah, doit s'excuser et s'expliquer dans une réponse écrite aux questions de la commission parlementaire sur la culture sur cette affaire, et sur d'autres accusations de partialité sur la couverture de la guerre à Gaza.

"La BBC doit répondre à de graves questions concernant ses normes éditoriales et la manière dont la direction gère les problèmes", a jugé la présidente de la commission, Caroline Dinenage, estimant que le groupe public "se devait d'être exemplaire" face à la montée de la désinformation.

Lundi, la patronne démissionnaire de BBC News a de nouveau assuré qu'il n'y avait "pas de partialité institutionnelle" sur la chaîne, qui a produit le programme mis en accusation.

 

- "Violation des règles" -

 

La classe politique a quasi unanimement critiqué la BBC pour sa gestion de l'affaire, qui tombe d'autant plus mal que le groupe audiovisuel doit renégocier d'ici fin 2027 son nouveau contrat de mission avec le gouvernement.

La cheffe de l'opposition, Kemi Badenoch, a déploré "un catalogue de graves défaillances". Le chef du parti d'extrême droite Reform UK, Nigel Farage, a appelé à "un changement de fond en comble" du groupe public.

La BBC tire une grande part de ses ressources de la redevance annuelle (174,50 livres, soit 198 euros), payée par 22,8 millions de foyers, soit 3,8 milliards de livres.

Samir Shah a dit espérer que le futur directeur général du groupe, dont la nomination pourrait prendre plusieurs mois, "façonnerait positivement" le prochain contrat de mission. la ministre de la Culture, Lisa Nandy, qui a qualifié la situation d'"extrêmement grave", a affirmé que le futur contrat aiderait la BBC à "garantir son rôle" auprès du public.

Le chef du parti libéral démocrate (centriste), Ed Davey, a appelé le Premier ministre Keir Starmer, et la classe politique en général, à défendre la BBC face à Donald Trump et la sphère Maga. "Il est facile de voir pourquoi Trump veut détruire la première source d'information dans le monde. Nous ne pouvons pas le laisser faire", a-t-il prévenu sur la plateforme X.

Le Telegraph a eu connaissance d'une note interne rédigée par l'ancien conseiller indépendant du comité des normes éditoriales de la BBC, Michael Prescott, dans laquelle il suggérait que des erreurs avaient été commises dans le montage. Il affirme que les responsables chargés des normes éditoriales du groupe auprès de qui il a soulevé le problème ont nié toute violation des règles.

En octobre, le régulateur des médias avait épinglé la BBC pour avoir "enfreint les règles de diffusion" à propos d'un reportage à Gaza dans lequel le narrateur principal, un enfant, était le fils d'un haut responsable du mouvement islamiste palestinien Hamas.


Trump reçoit le président syrien, une rencontre historique pour consacrer leur alliance

Le président syrien Ahmad Al-Sharaa, à droite, rencontre des représentants d'organisations syro-américaines à Washington. (Présidence syrienne via AP)
Le président syrien Ahmad Al-Sharaa, à droite, rencontre des représentants d'organisations syro-américaines à Washington. (Présidence syrienne via AP)
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  • Le président intérimaire syrien, dont la coalition islamiste a renversé le dirigeant de longue date Bachar al-Assad en décembre 2024, est arrivé à Washington samedi avec son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani
  • Dimanche, il a rencontré la directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, et discuté "des potentiels domaines de coopération entre la Syrie et le FMI afin de soutenir le développement et la croissance économique dans le pays"

WASHINGTON: Donald Trump reçoit Ahmad al-Chareh lundi à la Maison Blanche, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Le président intérimaire syrien, dont la coalition islamiste a renversé le dirigeant de longue date Bachar al-Assad en décembre 2024, est arrivé à Washington samedi avec son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani.

Dimanche, il a rencontré la directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, et discuté "des potentiels domaines de coopération entre la Syrie et le FMI afin de soutenir le développement et la croissance économique dans le pays", selon la présidence syrienne.

Après de 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche en effet à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

Lors de cette visite historique, Damas devrait signer un accord pour rejoindre la coalition internationale antijihadiste menée par les Etats-Unis, selon l'émissaire américain pour la Syrie, Tom Barrack. Cette question figure "en tête de l'agenda", a confirmé à l'AFP une source diplomatique syrienne.

Les Etats-Unis, eux, prévoient d'établir une base militaire près de Damas, "pour coordonner l'aide humanitaire et observer les développements entre la Syrie et Israël", selon une autre source diplomatique en Syrie.

"Nouveau chapitre" 

La rencontre entre M. Trump et M. Chareh "ouvre un nouveau chapitre dans la politique américaine au Moyen-Orient", estime l'analyste Nick Heras, du New Lines Institute for Strategy and Policy.

Vendredi, les Etats-Unis ont retiré le dirigeant syrien de la liste noire des terroristes. Depuis 2017 et jusqu'à décembre dernier, le FBI offrait une récompense de 10 millions de dollars pour toute information menant à l'arrestation du leader de l'ancienne branche locale d'Al-Qaïda, le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS).

Jeudi, c'est le Conseil de sécurité de l'ONU qui avait levé les sanctions contre M. Chareh, à l'initiative des Etats-Unis, saluant l'engagement des autorités syriennes à "lutter contre le terrorisme".

Dès sa prise de pouvoir, M. Chareh a rompu avec son passé, multipliant les ouvertures vers l'Occident et les Etats de la région, dont Israël avec lequel son pays est théoriquement en guerre.

Donald Trump avait déjà rencontré le dirigeant syrien lors d'un voyage dans le Golfe en mai.

"Trump amène Chareh à la Maison Blanche pour dire qu'il n'est plus un terroriste (...) mais un dirigeant pragmatique et, surtout, flexible qui, sous la direction américaine et saoudienne, fera de la Syrie un pilier régional stratégique", explique Nick Heras.

M. Chareh, qui s'est rendu à l'ONU à New York en septembre, veut lui "la bénédiction de Trump pour débloquer des milliards de dollars (...) pour reconstruire la Syrie et consolider son contrôle sur le pays".

Liens avec Israël 

"Au niveau national, cette coopération risque d'accentuer le déséquilibre croissant entre Damas et les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes dans le nord-est du pays", analyse de son côté Nanar Hawach, spécialiste de la Syrie à l'International Crisis Group (ICG).

La majorité des troupes américaines sont basées dans les zones sous contrôle kurde. L'ouverture d'une base à l'aéroport militaire de Mazzeh, près de la capitale, changerait la donne.

Le groupe jihadiste Etat Islamique (EI) a été défait en 2019 en Syrie par la coalition internationale et les FDS, qui négocient les conditions de leur intégration dans l'armée.

Mais ces pourparlers "n'ont pas pas beaucoup avancé, ce qui complique les plans des Etats-Unis concernant le maintien de leurs troupes dans le nord-est du pays", ajoute Michael Hanna, directeur du programme américain de l'ICG.

M. Trump et M. Chareh devraient également évoquer les négociations entamées par les autorités syriennes avec Israël pour un accord de sécurité en vertu duquel l'Etat hébreu se retirerait des zones du sud du pays occupées après la chute de Bachar al-Assad.

En mai, le dirigeant américain a pressé son homologue syrien de rejoindre les accords d'Abraham, qui ont vu plusieurs pays arabes reconnaître Israël en 2020.