Israël doit prouver son respect de l'accord de statu quo

Des Palestiniens masqués avec des drapeaux palestiniens et du Hamas, dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa, vieille ville de Jérusalem, le 2 mai 2022. (AP Photo)
Des Palestiniens masqués avec des drapeaux palestiniens et du Hamas, dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa, vieille ville de Jérusalem, le 2 mai 2022. (AP Photo)
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Publié le Samedi 07 mai 2022

Israël doit prouver son respect de l'accord de statu quo

Israël doit prouver son respect de l'accord de statu quo
  • L'accord de statu quo initié par le sultan ottoman Osman III en 1757 a résisté au mandat britannique et à la domination jordanienne, ainsi qu'aux premières années de l'occupation israélienne, mais il a depuis été violé à plusieurs reprises
  • L'occasion de garantir une fréquentation ordonnée et sûre d'Al-Haram al-Sharif, qui permettra aux musulmans de prier et à tous les autres d’en faire la visite, est bien là

Le mois dernier, la voix du ministre israélien des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, a rejoint celle des responsables arabes et mondiaux pour appeler au respect du statu quo dans la vieille ville de Jérusalem et en particulier dans l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa.

On ignore si le responsable israélien s’est contenté de relayer un argument ou s’il en a compris le sens, car le statu quo a été rompu à Al-Haram al-Sharif (esplanade des mosquées) à de nombreuses reprises, notamment depuis septembre 2000, date à laquelle la deuxième intifada a éclaté. L'accord de statu quo initié par le sultan ottoman Osman III en 1757 a résisté au mandat britannique et à la domination jordanienne, ainsi qu'aux premières années de l'occupation israélienne, mais il a depuis été violé à plusieurs reprises.

Les Palestiniens se sont révoltés en 2000 après que la police israélienne a fait usage de tirs meurtriers pour réprimer les protestations liées à la visite provocatrice du leader de l'opposition de l'époque, Ariel Sharon. Depuis, Israël a cessé de coordonner avec la Jordanie l'accès à Al-Haram al-Sharif par l'une des portes du site classé au patrimoine mondial de l'Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco). Désormais, seuls des soldats israéliens gardent la porte Mughrabi («porte des Maghrébins»), cette violation de l'accord de statu quo permettant à Israël de faire entrer des non-musulmans (juifs ou non) dans l'enceinte sans coordination ni approbation du waqf islamique de Jérusalem.

Le Conseil du waqf, nommé par la Jordanie, est chargé par le royaume hachémite de réglementer toutes les questions relatives au site de trente-cinq acres qui concernent les musulmans. Il est également chargé de réglementer les visites des touristes qui souhaitent se rendre sur le site historique, qui est géré par les musulmans depuis plus de mille deux cents ans (hormis quatre-vingt-huit ans d'occupation par les croisés).

Israël a finalement accepté les appels répétés de la Jordanie à se réunir et à régler les problèmes concernant Al-Haram al-Sharif et ses nombreux bâtiments, cours, mosquées, écoles, immeubles de bureaux ainsi que le musée islamique. Les tombes de personnalités importantes, dont celle de Sharief Hussein Ibn Ali, chef de la révolte arabe et père du roi Abdallah Ier, se trouvent dans l'enceinte.

Pendant seize ans, Israël a également ordonné unilatéralement que la Bab al-Rahmeh («Porte d'or») ne soit pas utilisée par les musulmans. La petite mosquée située dans cette zone (dont certains pensent qu’elle est considérée par les extrémistes israéliens comme une synagogue) a été reprise après la nomination d'un nouveau Conseil waqf plus courageux à Jérusalem en 2019.

En 2014, la Jordanie a conclu un accord avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, avec l'aide du secrétaire d'État américain, John Kerry. Mais cet accord, qui stipule qu'«Al-Aqsa est destinée à la prière des musulmans et ouverte à la visite de tous les autres», a été violé à plusieurs reprises par des Israéliens qui sont entrés dans l'enceinte sans coordination avec le Conseil du waqf et sous la protection de troupes israéliennes lourdement armées, tout en récitant parfois des prières juives.

La question des clés de la porte des Maghrébins devrait figurer en tête de la liste des priorités du gouvernement jordanien, ainsi que du Conseil du waqf de Jérusalem, lors des négociations avec les Israéliens. La restitution des clés – qui ont été prises par Israël en 1967, bien que la coordination avec la Jordanie se soit poursuivie jusqu'en 2003 – et la mise en place d'un garde employé par le Conseil du waqf devaient assurer la sécurité de toutes les portes. Actuellement, la porte des Maghrébins est la seule à ne pas avoir de double garde: un officier de police israélien armé et un garde palestinien non armé qui est payé par le ministère jordanien de l'Awqaf («affaires religieuses»).

Une fois que le garde du Conseil du waqf sera rétabli, il sera possible pour la Jordanie et Israël de régler toutes les autres questions, y compris les visites éventuelles du complexe en dehors des heures de prière. Ces visites peuvent être organisées en dehors des heures de prière, à l'exception des vendredis et des grandes fêtes islamiques, lorsque toutes les places et mosquées d'Al-Haram al-Sharif sont remplies de fidèles musulmans. Pendant Laylat Al-Qadr («nuit où le Coran fut envoyé sur Terre») et le dernier vendredi du ramadan, plus d'un quart de million de fidèles musulmans ont prié à la mosquée Al-Aqsa. Il n'est guère logique d'insister sur les visites pendant de telles périodes, où de grandes foules de musulmans sont rassemblées pour leurs fêtes.

Une fois que le garde du Conseil du waqf sera rétabli à la porte des Maghrébins, il sera possible pour la Jordanie et Israël de régler tous les autres problèmes.

Daoud Kuttab

Une autre question qui devra également être réglée est celle de la visite de l'enceinte par les touristes. Dans le passé, les visiteurs devaient s’acquitter d’un billet pour un droit symbolique. Cette question doit également être réglée de manière à permettre des visites ordonnées qui respectent le caractère sacré des locaux de la troisième mosquée la plus sacrée de l'islam en termes de vêtements et de comportement.

L'attachement au statu quo d'un haut membre du gouvernement israélien et d'autres personnes sera mis à l'épreuve lorsqu'Israël descendra de l'arbre sur lequel les nationalistes juifs radicaux l'ont forcé à grimper. Une fois que les visites des non-musulmans seront réglementées et respectueuses, les musulmans n'auront plus à s'inquiéter de perdre le contrôle de leur Lieu saint et, par conséquent, à se mobiliser pour le protéger.

L'occasion de garantir une fréquentation ordonnée et sûre d'Al-Haram al-Sharif, qui permettra aux musulmans de prier et à tous les autres d’en faire la visite, est bien là.

 

Daoud Kuttab est un journaliste palestinien primé de Jérusalem. Twitter : @daoudkuttab

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.