Otan, Syrie, Irak: la Turquie relance la tension sur le front kurde

Un garçon portant un drapeau turc se tient à côté d'un soldat turc dans la ville de Tell Abyad, en Syrie, le 23 octobre 2019. (Reuters)
Un garçon portant un drapeau turc se tient à côté d'un soldat turc dans la ville de Tell Abyad, en Syrie, le 23 octobre 2019. (Reuters)
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Publié le Mercredi 25 mai 2022

Otan, Syrie, Irak: la Turquie relance la tension sur le front kurde

Un garçon portant un drapeau turc se tient à côté d'un soldat turc dans la ville de Tell Abyad, en Syrie, le 23 octobre 2019. (Reuters)
  • Le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé préparer une nouvelle offensive dans le nord de la Syrie, «actée sur le principe», a-t-il dit
  • Au même moment, Stockholm et Helsinki ont dépêché mercredi des diplomates à Ankara pour tenter de lever les objections turques à leur adhésion à l'Alliance atlantique

ISTANBUL : La Turquie envisage une opération contre les Kurdes dans le nord de la Syrie, nouvel épisode d'un conflit récurrent depuis quatre décennies, en plein débat sur l'entrée de la Finlande et de la Suède dans l'Otan.

Le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé préparer une nouvelle offensive dans le nord de la Syrie, "actée sur le principe", a-t-il dit, dont les détails seront "étudiés jeudi lors de la réunion du Conseil national de sécurité" auquel participent les responsables militaires et les services de renseignement.

Au même moment, Stockholm et Helsinki ont dépêché mercredi des diplomates à Ankara pour tenter de lever les objections turques à leur adhésion à l'Alliance atlantique, qui portent notamment sur l'accueil que ces deux pays réservent aux exilés kurdes.

La présidence turque entend leur présenter des "preuves" des activités du PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan, considéré comme une organisation terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux dont la Suède.

 

Otan: la Suède assure à la Turquie ne donner ni argent ni armes «aux organisations terroristes»

La Suède a assuré mercredi à la Turquie ne livrer "ni argent ni armes" aux "organisations terroristes", alors qu'Ankara menace de bloquer son entrée de l'Otan en l'accusant de soutenir des groupes kurdes.

"Nous ne versons pas d'argent aux organisations terroristes, bien sûr, ni des armes", a affirmé la Première ministre suédoise Magdalena Andersson lors d'une conférence de presse à Stockholm.

La dirigeante suédoise a affiché sa volonté de lever des "ambiguïtés" en la matière se retrouvant dans les accusations turques.

Des délégations suédoise et finlandaise ont entamé mercredi des discussions à Ankara pour tenter de résoudre cette dispute qui empêche l'Otan d'entamer les négociations d'adhésion avec les deux pays nordiques.

La Turquie, membre de l'Alliance atlantique depuis 1952 et donc en position d'empêcher toute nouvelle entrée, a publié lundi une liste de conditions pour lever ce blocage surprise.

Ankara réclame notamment l'extradition de personnes se trouvant sur le sol suédois qu'elle décrit comme des "terroristes" de son ennemi juré du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et de sa branche YPG en Syrie.

Le gouvernement turc accuse également Stockholm d'avoir annoncé une aide de 376 millions de dollars en faveur du PKK et de l'YPG, et de leur fournir des armes, "en particulier des armes antichar et des drones".

La Turquie réclame enfin la levée d'un embargo suédois d'exportations d'armes vers le pays, en vigueur depuis une offensive turque dans le nord de la Syrie en octobre 2019.

La Suède et la Finlande ont déposé la semaine dernière leur candidatures historiques à l'Otan, tournant le dos à des décennies de non-alignement militaire du fait de l'invasion russe de l'Ukraine.

Si le blocage turc menace les deux pays, les doléances d'Ankara visent principalement Stockholm.

Ankara, qui a déjà déclenché depuis 2016 trois opérations en Syrie contre les Unités de protection du peuple (YPG), alliées au PKK, et le groupe Etat Islamique, veut créer une "zone de sécurité" de 30 km de large le long de sa frontière sud. 

Cette zone tampon permettrait de séparer la Turquie des territoires aux mains de la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), alliées au PKK et soutenues par les Etats-Unis lors de la lutte contre le groupe Etat islamique.

Les Etats-Unis ont mis en garde mardi la Turquie contre tout lancement d'une nouvelle opération militaire dans le nord de la Syrie, affirmant que cet allié turbulent de l'Otan mettrait des soldats américains en danger.

Pour Sedat Ergin, éditorialiste du quotidien Hurriyet, le lancement d'une nouvelle offensive en Syrie "compliquera encore davantage la situation" avec l'Occident.

Usage de drones

Par ailleurs, l'armée turque mène depuis la mi-avril une nouvelle opération baptisée "Griffe refermée" dans le nord de l'Irak, visant des bases et camps d'entraînement du PKK dans la région autonome du Kurdistan d'Irak.

Selon un récent rapport de l'International Crisis Group, depuis mi-2019, la Turquie fait un usage croissant de ses drones de combat pour frapper les bases du PKK dans les montagnes du nord de l'Irak.

L'ICG cite des analystes turcs qui estiment qu'Ankara dispose de 2 000 à 3 000 hommes dans une quarantaine de postes en Irak, "parfois jusqu'à 40 km de la frontière".

En Syrie, où elle contrôle trois poches du nord-est au nord-ouest le long de sa frontière, l'armée turque compterait quelque 8.000 à 10 000 hommes.

Selon Sedat Ergin, la prochaine opération viserait notamment Kobané, ville kurde restée célèbre pour la bataille qui, en 2015, a permis aux YPG, soutenues par la coalition occidentale, de repousser les jihadistes du groupe Etat Islamique.

Fondé en 1978, le PKK opère dans l'est et le sud-est de la Turquie, où se concentre la majorité de la population kurde turque (estimée à 20%), ainsi que dans le nord de l'Irak et de la Syrie.

Depuis 1984, le conflit entre le PKK et l'Etat turc a fait plus de 40 000 morts, dont de nombreux civils. 

M. Ergin rappelle que la Turquie a signé en 2019 un accord avec les Etats-Unis lui donnant le contrôle de certaines zones du nord de la Syrie.

La Turquie contrôle ainsi une partie du nord-ouest du pays où plus de trois millions de déplacés syriens ont trouvé refuge, échappant au régime de Damas. 

Leur survie dépend en large partie de l'aide transfrontalière acheminée depuis la Turquie, sous l'égide des Nations unies. Mais la Russie a prévenu qu'elle ne permettra pas le renouvellement de cette autorisation qui expire début juillet. Au risque de compliquer encore la situation.

Preuve de la nervosité des observateurs, face au regain de tensions la livre turque s'enfonce encore un peu plus mercredi (16,30 TL pour un dollar et 17,30 TL pour un euro à la mi-journée), au plus bas depuis décembre 2021.


Cisjordanie: la police israélienne saisit près de 400.000 euros, accusés de financer le «terrorisme»

La police israélienne a annoncé mercredi avoir confisqué "environ 1,5 million de shekels", plus de 385.000 euros, une somme qu'elle estime liée au "terrorisme", au cours d'une opération en Cisjordanie occupée.  "Les forces de police des frontières en Cisjordanie (Magav) et l'armée israélienne ont confisqué environ 1,5 million de shekels provenant du financement du terrorisme", a déclaré la police dans un communiqué. (AFP)
La police israélienne a annoncé mercredi avoir confisqué "environ 1,5 million de shekels", plus de 385.000 euros, une somme qu'elle estime liée au "terrorisme", au cours d'une opération en Cisjordanie occupée. "Les forces de police des frontières en Cisjordanie (Magav) et l'armée israélienne ont confisqué environ 1,5 million de shekels provenant du financement du terrorisme", a déclaré la police dans un communiqué. (AFP)
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  • Si l'armée israélienne opère souvent en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, il est relativement rare qu'elle intervienne au coeur des villes, à fortiori à Ramallah, où siège l'Autorité palestinienne
  • Mardi, l'armée israélienne avait mené une opération dans le centre-ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, ciblant notamment un bureau de change, au cours de laquelle des dizaines de Palestiniens ont été blessés selon le Croissant-Rouge

JERUSALEM: La police israélienne a annoncé mercredi avoir confisqué "environ 1,5 million de shekels", plus de 385.000 euros, une somme qu'elle estime liée au "terrorisme", au cours d'une opération en Cisjordanie occupée.

"Les forces de police des frontières en Cisjordanie (Magav) et l'armée israélienne ont confisqué environ 1,5 million de shekels provenant du financement du terrorisme", a déclaré la police dans un communiqué.

Elle a précisé qu'une partie de la somme avait été saisie en devises étrangères, notamment des dollars américains et des dinars jordaniens.

Mardi, l'armée israélienne avait mené une opération dans le centre-ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, ciblant notamment un bureau de change, au cours de laquelle des dizaines de Palestiniens ont été blessés selon le Croissant-Rouge.

L'armée avait alors expliqué viser "une entreprise de change qui transférait des fonds destinés aux terroristes du Hamas afin de financer des activités terroristes contre l'Etat d'Israël et ses civils".

Si l'armée israélienne opère souvent en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, il est relativement rare qu'elle intervienne au coeur des villes, à fortiori à Ramallah, où siège l'Autorité palestinienne.

Elle était déjà intervenue dans des bureaux de change palestiniens ces dernières années, au printemps 2025 ou encore en décembre 2023.

Les violences en Cisjordanie se sont intensifiées depuis le début de la guerre à Gaza, déclenchée par une attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

Selon un décompte de l'AFP établi à partir de données de l'Autorité palestinienne, au moins 972 Palestiniens, dont de nombreux combattants mais aussi beaucoup de civils, ont été tués par des soldats ou des colons israéliens en Cisjordanie depuis cette date.

Au moins 36 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors d'opérations militaires israéliennes, selon les données officielles israéliennes.


Liban: la justice décide de libérer sous caution l'ex-gouverneur de la Banque centrale

 La justice libanaise a décidé mardi de libérer l'ancien gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, accusé de corruption, moyennant une importante caution de plus de 20 millions de dollars. (AFP)
La justice libanaise a décidé mardi de libérer l'ancien gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, accusé de corruption, moyennant une importante caution de plus de 20 millions de dollars. (AFP)
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  • L'ex-gouverneur, détenteur de la double nationalité française et libanaise, avait été arrêté en septembre 2024 et accusé de détournement massif de fonds publics dans le pays, qui a connu un effondrement économique sans précédent
  • Il était notamment accusé d'avoir détourné 44 millions de dollars de la Banque centrale. M. Salamé avait déjà obtenu le mois dernier une remise en liberté dans deux autres dossiers dans lesquels il était impliqué

BEYROUTH: La justice libanaise a décidé mardi de libérer l'ancien gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, accusé de corruption, moyennant une importante caution de plus de 20 millions de dollars, a indiqué une source judiciaire à l'AFP.

La source a précisé que cette décision était assortie d'une interdiction de quitter le territoire libanais pendant un an.

L'ex-gouverneur, détenteur de la double nationalité française et libanaise, avait été arrêté en septembre 2024 et accusé de détournement massif de fonds publics dans le pays, qui a connu un effondrement économique sans précédent.

Il était notamment accusé d'avoir détourné 44 millions de dollars de la Banque centrale. M. Salamé avait déjà obtenu le mois dernier une remise en liberté dans deux autres dossiers dans lesquels il était impliqué.

Selon une autre source judiciaire, il s’agit de "la caution la plus élevée jamais fixée au Liban".

L'avocat de Riad Salamé, Marc Habqa, a dénoncé auprès de l’AFP une décision "illégale". "La caution est exorbitante et dépourvue de base légale. J’examinerai avec mon client les recours possibles", a-t-il dit.

La source judiciaire a indiqué que la décision avait été prise "au regard de l’état de santé de Salamé", âgé de 75 ans.

Mais elle a précisé qu’il "aurait de toute façon pu être libéré le 4 septembre à l’expiration de sa détention préventive" qui peut durer un an au maximum.

L'ancien gouverneur de la BdL, qui était étroitement lié à la classe politique, était la première personnalité de premier plan arrêtée depuis le début de l'effondrement économique du Liban il y a près de six ans.

Gouverneur de la Banque centrale de 1993 à juillet 2023, il est accusé par ses détracteurs d'être l'un des principaux responsables de la déroute financière du Liban.

M. Salamé est en outre suspecté de s'être constitué un riche patrimoine immobilier et financier. Il n'a pas répondu à une convocation d'un juge français en mai 2023, et fait depuis l'objet d'un mandat d'arrêt international. Le Liban refuse néanmoins d'extrader ses ressortissants.

Les Etats-Unis, le Canada et le Royaume-Uni ont imposé des sanctions économiques pour corruption contre M. Salamé, Washington estimant que ses "actions corrompues et illégales ont contribué à l'effondrement de l'Etat de droit au Liban".


Désarmement du Hezbollah: les Etats-Unis veulent des actes, selon une émissaire

Tom Barrack et Morgan Ortagus à Beyrouth le 26 août 2025. (AFP)
Tom Barrack et Morgan Ortagus à Beyrouth le 26 août 2025. (AFP)
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  • Une émissaire américaine, Morgan Ortagus, a affirmé mardi à Beyrouth que les autorités libanaises devaient à présent traduire "en actes" leur décision de désarmer le Hezbollah pro-iranien
  • "Nous avons tous été fortement encouragés par la décision historique du gouvernement il y a quelques semaines, mais maintenant il ne s'agit plus de mots, il s'agit d'actes", a déclaré Mme Ortagus

BEYROUTH: Une émissaire américaine, Morgan Ortagus, a affirmé mardi à Beyrouth que les autorités libanaises devaient à présent traduire "en actes" leur décision de désarmer le Hezbollah pro-iranien.

"Nous avons tous été fortement encouragés par la décision historique du gouvernement il y a quelques semaines, mais maintenant il ne s'agit plus de mots, il s'agit d'actes", a déclaré Mme Ortagus.

Elle s'exprimait à l'issue d'une réunion entre une délégation américaine et le président libanais, Joseph Aoun.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est dit prêt lundi à une réduction "progressive" des troupes israéliennes au Liban si le gouvernement concrétisait son plan de désarmer le Hezbollah.

"Israël est prêt à avancer pas à pas, cela pourrait être de petits pas (..) , des pas de bébé, mais ils sont prêts à avancer étape par étape avec ce gouvernement", a ajouté Mme Ortagus.

"Donc, à chaque pas que fera le gouvernement libanais, nous encouragerons le gouvernement israélien à faire de même".

L'émissaire américain Tom Barrack, qui faisait partie de la délégation, a souligné pour sa part que l'armée libanaise et le gouvernement devaient présenter à la fin du mois un plan concret pour le désarmement de la formation chiite, qui est sortie affaiblie fin novembre de sa dernière guerre avec Israël.

"Lorsqu'ils (les Israéliens) verront cela, ils feront leur contre-proposition concernant les retraits, les garanties de sécurité à leurs frontières", a-t-il expliqué.

"Ce qu'Israël a dit, ce qui est historique, c'est que nous ne voulons pas occuper le Liban", a-t-il ajouté, expliquant que les responsables israéliens attendaient de "voir quel est le plan pour réellement désarmer le Hezbollah".

Le chef du Hezbollah, Naïm Qassem, a réaffirmé lundi le refus de son parti d'abandonner ses armes.

"Zone économique" 

Sous pression des Etats-Unis et face aux craintes d'une intensification des attaques israéliennes, le gouvernement a chargé le 5 août l'armée de préparer un plan visant à désarmer d'ici fin 2025 ce mouvement, fondé et financé par l'Iran, ennemi juré d'Israël.

Cette décision s'inscrit dans le cadre du cessez-le-feu conclu sous médiation américaine, qui a mis fin le 27 novembre 2024 à plus d'un an de conflit entre le Hezbollah et Israël.

En réponse à une question concernant un plan américain prévoyant la création d’une "zone économique Trump" dans le sud du Liban, près de la frontière israélienne, comme rapporté par le site américain Axios, M. Barrack a fait miroiter cette possibilité pour "écarter la tutelle iranienne".

"Quand on dit désarmer le Hezbollah, il faut se souvenir qu’il y a 40.000 personnes qui sont payées par l’Iran pour combattre. Qu’est-ce qu’on va faire d’eux ?", s'est interrogé M. Barrack.

"Nous devons les aider. Et la manière de les aider, c’est de dire que nous, tous ensemble - le Golfe, les États-Unis, les Libanais - allons agir conjointement pour créer un forum économique qui offrira un autre moyen de subsistance", a-t-il ajouté, avant de faire référence à "une nouvelle zone économique".

Selon Axios, l’Arabie saoudite et le Qatar auraient déjà accepté d’y investir après le retrait israélien, afin de limiter le retour du Hezbollah dans la zone tout en répondant aux préoccupations sécuritaires d’Israël sans occupation.