Nice : Pas en notre nom…

Trois personnes tuées lors d'une attaque au couteau survenue à la basilique Notre-Dame de Nice. (AFP)
Trois personnes tuées lors d'une attaque au couteau survenue à la basilique Notre-Dame de Nice. (AFP)
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Publié le Samedi 31 octobre 2020

Nice : Pas en notre nom…

Nice : Pas en notre nom…
  • La violence contre des personnes innocentes est inacceptable – elle ne doit en aucun cas être perpétrée en notre nom en tant que musulmans
  • Abuser de la religion pour marquer des points constitue depuis toujours une tactique privilégiée par les régimes malveillants

Il n'y a pas de mots, aussi durs soient-ils, pour condamner l'horrible attentat à la basilique Notre-Dame-de-Nice et l'agression au couteau au consulat général de France à Djeddah. Certes, les moqueries envers le prophète Mahomet, et envers tout symbole religieux, sont inadmissibles. Mais la violence contre des personnes innocentes est tout aussi inacceptable – elle ne doit en aucun cas être perpétrée en notre nom en tant que musulmans.

Ceux qui prétendent défendre l'islam, mais qui ne cherchent en réalité qu'à engranger des bénéfices politiques, ont les mains tachées de sang. En raison des malveillances de la Turquie et du Qatar, la campagne qui a été menée récemment contre la France a dépassé le cadre de la politique et entraîne désormais des pertes de vie.

Abuser de la religion pour marquer des points constitue depuis toujours une tactique privilégiée par les régimes malveillants. En effet, l'Iran est un maître du jeu ; sa prétendue Force Quds devrait être rebaptisée «Partout sauf à Al-Quds», dans la mesure où l'Iran semble plus enclin à occuper les capitales arabes – Sanaa, Bagdad, Beyrouth, Damas – qu'à libérer Jérusalem. Par ailleurs, au moment où le dictateur irakien, Saddam Hussein, s'est retrouvé au pied du mur, il a préféré se tourner vers la religion. Il a ainsi ajouté les mots Allahu Akbar au drapeau de son pays (c'était ironique, puisque le régime du Baas avait la réputation d'être un régime laïque).

En conséquence, la campagne de boycott de la France est un fer de lance qui va comme un gant à Recep Tayyip Erdogan. Le président turc est sur la grille en raison de son ingérence agressive en Libye, en Arménie, en Grèce et à Chypre ; une intrusion qui a engendré des problèmes avec l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, la Russie, l'Union européenne et les États-Unis. On peut donc expliquer la campagne de boycott des produits turcs menée dans plusieurs pays, contrairement à la campagne de boycott des produits français. Le président Emmanuel Macron et les membres de son gouvernement ne sont pas responsables des caricatures mal conçues qui ont provoqué tant d'offenses. En revanche, Erdogan et son gouvernement sont directement responsables des effusions de sang dans les pays où la Turquie est intervenue.

La Turquie sous le régime d'Erdogan est passée d'une politique de zéro problème avec ses voisins à une politique de «presque zéro» ami

Faisal J. Abbas

Comme le montre une analyse parue dans Arab News cette semaine, la Turquie sous le régime d'Erdogan est passée d'une politique de zéro problème avec ses voisins à une politique de «presque zéro» ami. Zéro, si l'on met à part le Qatar – qui apporte un soutien financier à la Turquie, finance le terrorisme et accorde un créneau en prime time sur Al Jazeera Arabic au religieux extrémiste Yusuf al-Qaradawi, basé à Doha, pour lui permettre de répandre son venin meurtrier contre les chrétiens et les juifs. Al-Qaradawi a bien dit : «Oh Dieu, prenez les traîtres juifs agresseurs… Oh Dieu, comptez-les, tuez-les un par un et n'en épargnez pas un seul.»

La rhétorique antifrançaise actuelle propagée par la Turquie et le Qatar est particulièrement stupide ; non seulement elle fait de chaque citoyen français une cible, mais elle expose les musulmans français – et leurs entreprises – à des risques personnels et financiers.

Ceux qui exploitent la religion à des fins politiques, qui attisent la haine et incitent à la vengeance, ont tout intérêt à s'informer sur la foi qu'ils prétendent pratiquer. Le Hadith de l'Islam sur la miséricorde relate que lorsque le prophète Mahomet a essayé de faire connaître l'Islam aux habitants de Taëf, ces derniers lui ont lancé des pierres et il a saigné. L'ange Gabriel et «l'ange des montagnes» ont voulu abattre les montagnes pour écraser ceux qui avaient fait du mal au prophète. Il a refusé et a choisi de leur pardonner.

Cette tolérance est également au cœur du christianisme. Dans son Sermon sur la Montagne, Jésus a explicitement rejeté la loi «œil pour œil et dent pour dent». Il a dit à ses disciples : «Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre ». 

L'époque dans laquelle nous vivons est certes sombre et périlleuse. Ces leçons de tolérance sont plus que jamais nécessaires.

Faisal J. Abbas est rédacteur en chef d’Arab News

Twitter: @FaisalJAbbas

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com