A Bagdad, deux sit-in, des appels au changement mais aucune illusion

Une lutte oppose l'incontournable leader chiite Moqtada Sadr à ses adversaires du Cadre de coordination, puissante coalition de factions chiites pro-Iran. (Photo, AFP)
Une lutte oppose l'incontournable leader chiite Moqtada Sadr à ses adversaires du Cadre de coordination, puissante coalition de factions chiites pro-Iran. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 13 août 2022

A Bagdad, deux sit-in, des appels au changement mais aucune illusion

  • Les sadristes conspuent la corruption, disent vouloir changer le système
  • Le Cadre de coordination veut un gouvernement qui ramènera l'eau et l'électricité pour tous

BAGDAD: Certains campent près du Parlement, d'autres sur une avenue de Bagdad. Mais dans sa boutique de vêtements, Moustapha n'a que faire de l'issue de cet énième bras de fer politique: ce qui l'inquiète, c'est son gagne-pain.

Des deux côtés, "ils défendent leurs intérêts personnels", soupire le quadragénaire quand on l'interroge sur la lutte qui oppose l'incontournable leader chiite Moqtada Sadr à ses adversaires du Cadre de coordination, puissante coalition de factions chiites pro-Iran.

Le premier veut des législatives anticipées. Il a envoyé ses partisans envahir l'ultra-sécurisée Zone verte où ils campent depuis deux semaines dans les jardins du Parlement.

Ses rivaux du Cadre de coordination ont répliqué vendredi en campant sur une avenue menant à la Zone verte avec un objectif affiché: un nouveau gouvernement qui, cette fois-ci, sera au service du peuple, disent-ils.

Dans la pénombre de sa boutique où un unique ventilateur brasse l'air chaud d'un été caniculaire, Moustapha sait surtout que les clients ne viennent pas.

"On ne travaille pas", déplore l'homme, son fils de huit ans à ses côtés, les yeux rivés sur un portable. "Les uns et les autres ont lancé des manifestations et l'activité économique en a pris un coup".

Participerait-il à des législatives anticipées? "J'ai voté deux fois dans ma vie, à chaque fois j'ai regretté."

«Un monde à part»

Et pourtant, les slogans brandis par les deux camps ne peuvent que séduire dans un des pays les plus riches en pétrole du monde mais où 35% des jeunes sont au chômage, selon l'ONU.

Un pays où les infrastructures déliquescentes signifient de longues heures de délestage électrique pour les 42 millions d'Irakiens. Où sécheresse et bouleversement climatique ont déjà changé le quotidien, entre pénuries d'eau et tempêtes de sable.

Les sadristes conspuent la corruption, disent vouloir changer le système. Le Cadre de coordination veut un gouvernement qui ramènera l'eau et l'électricité pour tous.

Mais Moustafa n'y croit pas: "depuis 2003", quand une invasion américaine a renversé le dictateur Saddam Hussein, "on n'a pas vu un seul politicien gouverner le pays correctement", martèle-t-il.

Il y aussi la surprenante facilité avec laquelle les partisans de M. Sadr ont envahi la Zone verte. Malgré quelques tirs de grenades lacrymogènes, ils ont pris le Parlement au nez et à la barbe des officiers présents alentour.

Rien à voir avec la "révolution" des jeunes antipouvoir de l'automne 2019, quand, face à des dizaines de milliers de manifestants à Bagdad et dans le Sud, la répression s'abattait, faisant près de 600 morts et de 30.000 blessés.

"Nous, on n'a même pas réussi à franchir le pont qui mène à la Zone verte", ironise le militant communiste Ali Jaber, 50 ans. "Eux, il ne leur aura fallu que huit minutes", ajoute ce fonctionnaire, y voyant la preuve de la "complaisance" des forces de l'ordre.

Pour lui, les sadristes et leurs rivaux, comme tous les partis traditionnels, ont "construit de véritables empires" en s'emparant "des postes publics et de l'argent de l'Etat".

"Ils ne se battent pas pour construire un Etat, c'est un conflit politique par excellence: uniquement mené pour leurs intérêts", assène-t-il. "Ils sont dans un monde à part".

«Combat interne à l'élite»

La crise a débuté quand le Courant sadriste a refusé le candidat du Cadre de coordination au poste de Premier ministre --dans un pays qui dix mois après les législatives n'a toujours pas remplacé son chef de gouvernement ni son président.

L'alliance pro-Iran englobe les anciens paramilitaires du Hachd al-Chaabi, intégrés aux forces régulières, et surtout l'ex-Premier ministre Nouri al-Maliki, ennemi historique de M. Sadr.

"Les manifestations sont moins une révolution populaire qu'un combat interne à l'élite, opposant principalement M. Sadr et ses soutiens à M. Maliki et les siens", écrit la politologue Lahib Higel pour l'International Crisis Group (ICG).

Et si l'arène est désormais la rue, c'est que "les élites ne semblent plus en mesure" de se réunir "pour se partager le gâteau" comme avant, affirme-t-elle.

Ahmed, 23 ans, qui jongle entre ses études de droit et la boutique de téléphonie mobile de son frère, dit être du côté de Moqtada Sadr.

Mais, avoue-t-il, "je ne suis pas trop la politique, ça vous met sur les nerfs".

Car le quotidien est déjà assez difficile: "aujourd'hui sans électricité on doit dormir avec des blocs de glace. Au Parlement, l'électricité ne coupe pas", s'amuse-t-il.


Israël: des élus favorables à une loi instaurant la peine de mort pour les «terroristes»

 La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
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  • Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative
  • La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture

JERUSALEM: La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir.

La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture.

Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative.

Dans une note explicative de la commission, il est indiqué que "son objectif est de couper le terrorisme à sa racine et de créer une forte dissuasion".

Le texte propose qu'un "terroriste reconnu coupable de meurtre motivé par le racisme ou la haine (...) soit condamné à la peine de mort - de manière obligatoire", ajoutant que cette peine serait "non optionnelle".

La proposition de loi a été présentée par une élue du parti Otzma Yehudit (Force Juive) d'Itamar Ben Gvir.

Ce dernier a menacé de cesser de voter avec la coalition de droite de Benjamin Netanyahu si ce projet de loi n'était pas soumis à un vote parlementaire d'ici le 9 novembre.

"Tout terroriste qui se prépare à commettre un meurtre doit savoir qu'il n'y a qu'une seule punition: la peine de mort", a dit le ministre lundi dans un communiqué.

M. Ben Gvir avait publié vendredi une vidéo de lui-même debout devant une rangée de prisonniers palestiniens allongés face contre terre, les mains attachées dans le dos, dans laquelle il a appelé à la peine de mort.

Dans un communiqué, le Hamas a réagi lundi soir en affirmant que l'initiative de la commission "incarne le visage fasciste hideux de l'occupation sioniste illégitime et constitue une violation flagrante du droit international".

"Nous appelons les Nations unies, la communauté internationale et les organisations pertinentes des droits de l'Homme et humanitaires à prendre des mesures immédiates pour arrêter ce crime brutal", a ajouté le mouvement islamiste palestinien.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères et des expatriés, basé à Ramallah, a également dénoncé cette décision, la qualifiant de "nouvelle forme d'extrémisme israélien croissant et de criminalité contre le peuple palestinien".

"C'est une étape dangereuse visant à poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique sous le couvert de la légitimité", a ajouté le ministère.


Frappes israéliennes sur le sud du Liban: deux morts 

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
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  • Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé
  • Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani

BEYROUTH: Des frappes israéliennes sur le sud du Liban ont tué lundi deux personnes et blessé sept autres, a indiqué le ministère libanais de la Santé, au lendemain de la menace d'Israël d'intensifier ses attaques contre le Hezbollah pro-iranien.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024, Israël continue de mener des attaques régulières contre les bastions du Hezbollah. Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé dimanche le Hezbollah de tenter de se "réarmer".

Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé.

Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani.

Sur place, un photographe de l'AFP a vu des pompiers tenter d'éteindre l'incendie de la voiture visée qui s'est propagé à d'autres véhicules à proximité. Des ouvriers ramassaient les bris de verre des devantures de commerces endommagées, a-t-il également constaté.

Une autre frappe sur un village de la région de Bint Jbeil a fait un mort, selon le ministère de la Santé.

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah.

Des centaines de personnes ont participé à leurs funérailles dimanche dans la ville de Nabatiyé, scandant "Mort à Israël".

Le Hezbollah a été fortement affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth, mais il demeure financièrement résilient et armé.

Les États-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe, ce que le Hezbollah refuse.

"Nous attendons du gouvernement libanais qu'il fasse ce qu'il s'est engagé à faire, c'est-à-dire désarmer le Hezbollah, mais il est clair que nous exercerons notre droit à l'autodéfense comme convenu dans les termes du cessez-le-feu", avait averti le Premier ministre israélien dimanche.


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.