Les gangs, le fléau au coeur des élections en Suède

Malgré diverses mesures prises par le gouvernement social-démocrate contre les gangs, dont un durcissement des peines et un renforcement des moyens de la police, les morts et les blessés continuent à s'accumuler . (AFP).
Malgré diverses mesures prises par le gouvernement social-démocrate contre les gangs, dont un durcissement des peines et un renforcement des moyens de la police, les morts et les blessés continuent à s'accumuler . (AFP).
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Publié le Mardi 06 septembre 2022

Les gangs, le fléau au coeur des élections en Suède

  • "Avant on tirait dans les jambes, maintenant dans la tête": la Suède peine à enrayer une hécatombe de règlements de compte mortels
  • Ces assassinats sont selon la police la plupart du temps des règlements de compte commis par des bandes rivales contrôlées par des clans

STOCKHOLM: "Avant on tirait dans les jambes, maintenant dans la tête": la Suède peine à enrayer une hécatombe de règlements de compte mortels entre bandes criminelles, devenu un grave problème de société au coeur de la campagne des élections de dimanche.

"Voici mon fils, Marley, quand il avait 19 ans", raconte à l'AFP Maritha Ogilvie, 51 ans, en tenant entre ses mains une des photos du jeune homme souriant. Son appartement stockholmois en est recouvert.

"On lui a tiré dans la tête pendant qu'il était assis dans une voiture avec un ami".

Le meurtre, commis le 24 mars 2015 à Vårby, un quartier défavorisé au sud de la capitale, n'a jamais été élucidé, et l'enquête classée après dix mois.

Ces assassinats sont selon la police la plupart du temps des règlements de compte commis par des bandes rivales contrôlées par des clans, composées majoritairement de Suédois issus de l'immigration, souvent dans des lieux publics et parfois en plein jour.

Attribués à une guerre pour contrôler le trafic d'armes et de drogue, ils se sont multipliés ces dernières années, au point que la Suède, un des pays les plus riches et égalitaires du monde, occupe désormais le haut du classement européen pour les homicides par balles.

Elections en Suède: les trois principaux visages d'un scrutin indécis

La Première ministre sortante Magdalena Andersson, le chef de file de l'opposition de droite Ulf Kristersson et le leader de l'extrême droite Jimmie Åkesson sont les trois poids lourds qui s'affrontent dimanche pour les élections en Suède.

« Magda » Andersson, un « bulldozer »

Première femme cheffe du gouvernement dans un pays parmi les plus féministes au monde, Magdalena Andersson, 55 ans, est arrivée à son poste en novembre avec l'objectif de redresser son camp en vue des élections, et mener la candidature historique de son pays à l'Otan.

Essoufflés après sept années au gouvernement sous la direction de son prédécesseur Stefan Löfven, les sociaux-démocrates ont retrouvé des couleurs.

L'ancienne championne de natation, mariée et mère de deux enfants, est arrivée au pouvoir avec le surnom de "bulldozer", allusions à ses manières directes voire cassantes lorsqu'elle était ministre des Finances (2014-2021), qui déroutent parfois dans un pays soucieux de consensus.

Hésitante au début, elle change de pied en choisissant de demander l'adhésion de la Suède à l'Otan quelques semaines après l'invasion de l'Ukraine par Moscou, quitte à rompre avec la ligne historique des sociaux-démocrates et à deux siècles de non alignement militaire suédois.

"Elle a réussi à maintenir, et même à renforcer, la position du parti et le soutien des électeurs", note le politologue Ulf Bjereld.

Sa défense de l'Etat-providence, totem social-démocrate, est classique, mais elle a poursuivi le durcissement de la ligne du parti sur l'immigration. "L'intégration a échoué", avait-elle lâché eprès des émeutes entre jeunes immigrés et la police en avril.

En cas de défaite, elle sera le chef de gouvernement au mandat le plus court depuis 1936.

Sur la scène internationale, son dossier le plus épineux aura été de négocier avec la Turquie, qui menace de bloquer l'adhésion de la Suède à l'Otan en accusant le pays nordique d'être un refuge pour des "terroristes" kurdes.

Ulf Kristersson, le conservateur qui a tendu la main à l'extrême-droite

Il espère rafler le poste de Premier ministre au prix d'un rapprochement inédit avec l'extrême-droite: Ulf Kristersson, 58 ans, doit montrer que la nouvelle alliance historique est payante pour son camp.

Petites lunettes rondes et physique de poids plume, le chef du parti conservateur des Modérés en est à son deuxième essai pour devenir chef du gouvernement.

Après les précédentes élections très serrées de 2018, cet ancien gymnaste avait échoué l'acrobatie consistant à s'assurer à la fois l'appui des nationalistes des Démocrates de Suède (SD) et des petits partis de centre-droit, alliés historique des Modérés.

Mais un an plus tard, il s'était dit prêt pour la première fois à discuter avec les SD, et le rapprochement s'est approfondi depuis.

Ses détracteurs, comme la dirigeante du parti du Centre Annie Lööf, lui reprochent un pacte faustien, ressortant à l'envi ses promesses passées de ne jamais collaborer avec eux.

Diplômé d'économie et féru de Tintin, ce grand partisan de la baisse et du contrôle des allocations sociales est marié et père de trois filles adoptées de Chine.

Selon les analystes, un deuxième revers de rang pour devenir Premier ministre pourrait lui coûter sa place de chef de parti.

Jimmie Åkesson, le nationaliste qui a policé l'extrême droite suédoise

En 17 ans à la tête des Démocrates de Suède (SD), Jimmie ("Yimmie", dans la prononciation suédoise) Åkesson a fait passer le parti d'extrême droite du statut de paria du paysage politique suédois à un poids lourd indispensable à la droite pour gouverner après les élections de dimanche.

Cheveux impeccablement peignés mais qui laisse volontiers tomber la cravate, ce brun à lunettes de 43 ans à la carrure solide et à la barbe bien taillée cultive l'image du Suédois normal.

A l'image d'une ligne politique qui a transformé un parti héritier d'un groupe néonazi, l'organisation "Bevara Sverige Svensk" (Gardons la Suède suédoise), en un nationalisme bon teint à logo à fleur.

"Il veut donner l'image d'une personne ordinaire (...) qui fait griller des saucisses, part en voyage aux îles Canaries en vol charter et parle de façon ordinaire", de ce "voisin vivant dans un lotissement abordable dans une petite agglomération", dit à l'AFP Jonas Hinnfors, professeur en sciences politiques à l'université de Göteborg.

Son parti siphonne les électeurs conservateurs, mais aussi sociaux-démocrates, notamment chez les hommes de la classe ouvrière, et pourrait pour la première fois constituer une coalition au Parlement avec la droite traditionnelle.

Au fur et à mesure de leur progression rapide dans la politique suédoise, les Démocrates de Suède ont toutefois cherché à polir leurs discours, comme d'autres formations nationalistes en Europe.

Exit les formules controversées, comme lorsqu'Åkesson avait qualifié les musulmans de "plus grande menace étrangère depuis la Seconde Guerre mondiale", ou la proposition d'une sortie de l'Union européenne.

Séparé, il a un fils.

Litanie de morts

Selon un rapport publié l'an dernier par le Conseil suédois de la prévention du crime (Brå), parmi 22 pays d'Europe disposant de données comparables, seule la Croatie devance le pays scandinave, et aucun autre pays n'affiche une telle progression au cours de la dernière décennie.

Depuis le 1er janvier, 48 personnes ont ainsi été tuées par balle, déjà trois de plus que pour toute l'année 2021.

Malgré diverses mesures prises par le gouvernement social-démocrate contre les gangs, dont un durcissement des peines et un renforcement des moyens de la police, les morts et les blessés continuent à s'accumuler dans une longue litanie, tout comme des attaques à l'explosif ou à la voiture piégée.

La criminalité - thème central de la campagne électorale avec les prix de l'énergie - ressort selon les sondages comme la première préoccupation des Suédois.

Le 19 août à Malmö, dans le sud du pays, un homme de 31 ans, identifié comme l'un des chefs d'un gang de la troisième ville de Suède, a été abattu en plein milieu du centre commercial Emporia, quelques mois après la mort de son frère. Un adolescent de 15 ans a été arrêté et inculpé.

Une semaine plus tard, une femme et son fils étaient blessés par des balles perdues alors qu'ils jouaient dans un square à Eskilstuna, une ville à l'ouest de Stockholm.

La droite menée par le parti des Modérés et l'extrême droite des Démocrates de Suède, qui espèrent prendre le pouvoir après les élections de dimanche, ont promis de restaurer "la loi et l'ordre".

« Sociétés parallèles »

Soucieuse de répliquer au procès lancinant en laxisme contre la gauche, la Première ministre Magdalena Andersson a promis "une offensive nationale".

Selon elle, l'émergence de ces crimes est due à l'apparition de "sociétés parallèles", du fait d'une "trop forte immigration et d'une trop faible intégration".

Jacob Fraiman, un gangster repenti qui oeuvre désormais dans une structure d'assistance sociale, constate aussi à quel point le niveau de violence s'est envolé.

"Je suis d'une ancienne génération, on avait des armes chez nous, mais ce n'était pas souvent que l'on devait tirer sur quelqu'un", expose-t-il à l'AFP depuis sa ville de Södertälje, une grande banlieue industrielle de Stockholm à la population mixte.

"Le plus souvent on tirait dans les jambes. Aujourd'hui, on encourage à tirer dans la tête", déplore-t-il.

Dans le commissariat de Rinkeby, une des banlieues difficiles de Stockholm, Michael Cojocaru, un policier de terrain de 26 ans, détaille les saisies d'armes, y compris lourdes, et les graves règlements de compte dans le quartier.

"Vous allez voir des blessures, des gens blessés par des AK47, des coups de couteaux, des gens avec des blessures de guerre. C'est comme si c'était une autre société (...) une autre sorte de Suède", dit-il à l'AFP.

Très forte ségrégation, problèmes d'intégration et de pauvreté, porosité de la circulation des armes sont parmi les raisons avancées pour expliquer le fléau suédois.

Sept ans plus tard, Maritha Ogilvie assure ne pas comprendre pourquoi son fils, "juste un gamin normal", a été tué.

"Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé avec notre société, et je ne sais pas comment ils ont perdu le contrôle de certains quartiers, mais ils l'ont perdu", soupire-t-elle. "Et c'est de pire en pire".

Elections en Suède: cinq choses à savoir

Voici cinq choses à savoir pour comprendre le scrutin.

Une majorité difficile à atteindre

Les 349 sièges du Riksdag, le Parlement monocaméral suédois, sont attribués à la proportionnelle, mais seuls les partis réunissant plus de 4% obtiennent des députés.

Une majorité de "pour" n'est pas nécessaire pour gouverner, mais un Premier ministre ne doit pas être rejeté par une majorité absolue, soit 175 sièges.

Pour la première fois, la droite traditionnelle menée par le parti conservateur des Modérés, allié aux Libéraux (L) et aux chrétiens-démocrates (KD), est prête à gouverner avec l'appui direct ou indirect de l'extrême droite des Démocrates de Suède (SD). Mais une place trop importante des SD, par exemple une entrée au gouvernement, risque d'effrayer les libéraux et bloquer la formation d'un exécutif.

A gauche, le parti social-démocrate de la Première ministre Magdalena Andersson compte lui sur le soutien des Verts, du parti de Gauche (ex-communiste) et du parti du Centre. Mais ces deux derniers ont de nombreux désaccords et ne veulent pas collaborer directement.

Covid: «amnésie collective» sur la «stratégie suédoise»

La "stratégie suédoise" contre le Covid-19, moins coercitive qu'ailleurs, avait fait les gros titres dans le monde au début de la pandémie. Mais elle a été remarquablement absente des débats.

"L'opposition n'a rien à y gagner. La plupart des gens ont été plutôt satisfaits de la stratégie", observe Jens Liljestrand, éditorialiste au quotidien Expressen, évoquant une 'amnésie collective" et le fait que "les gens sont passés à autre chose", malgré le souvenir de la surmortalité des premiers mois de la pandémie liée à cette stratégie.

Avec 1.901 morts par million d'habitants début septembre, la Suède fait moins bien que ses voisins nordiques, mais mieux que l'UE (2.529 par million), selon Our World in Data.

L'Otan en ligne de mire

Le prochain Premier ministre - sauf accident, la sortante sociale-démocrate Magdalena Andersson ou son rival de droite Ulf Kristersson - devra boucler la candidature d'adhésion de la Suède à l'Otan, commune avec la Finlande voisine.

La Suède est restée hors des alliances militaires depuis la fin des guerres napoléoniennes, et a été officiellement neutre jusqu'à la fin de la Guerre froide et son adhésion à l'Union européenne en 1995.

Avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'extrême droite de SD puis les sociaux-démocrates - pourtant historiquement opposés à une candidature - ont changé de position en faveur de l'Otan, permettant la candidature déposée mi-mai.

Longtemps ligne rouge en Suède, le sujet fait désormais l'objet d'un large consensus parmi les principaux partis. Seuls le parti de Gauche (ex-communiste) et les Verts y restent opposés.

Le point le plus épineux est d'obtenir la ratification de l'adhésion par la Turquie, qui menace de bloquer l'entrée de la Suède et de la Finlande, accusées notamment de positions prokurdes.

Greta, insatisfaite

Deux semaines avant les dernières élections de 2018, une adolescente âgée alors de 15 ans débarque devant le parlement suédois avec une simple pancarte "Grève de l'école pour le climat".

Depuis, Greta Thunberg est devenue le visage d'une jeunesse mobilisée pour le climat mais insatisfaite de l'action politique. Y compris dans son pays, où même le parti des Verts n'a pas réussi à engranger son soutien.

La campagne a vu les questions climatiques cantonnées à l'arrière-plan, quand les prix élevés de l'énergie ont dominé, avec la criminalité.

Lors du quatrième anniversaire du début de sa "grève", le 20 août, Greta Thunberg a déploré que la "crise du climat soit toujours absente du débat".

Des élections simulées dans les écoles

Les adolescents suédois - à partir de la cinquième, soit environ 12-13 ans - peuvent aussi voter pour leur parti favori grâce à une simulation des élections législatives dans les collèges et les lycées.

Organisée par l'Agence suédoise de la jeunesse et la société civile, l'initiative lancée il y a 20 ans vise à sensibiliser les élèves à la démocratie et la politique.

Cette année, plus d'un demi-million d'élèves sont appelés à voter au "Skolval", soit plus des trois quarts de la classe d'âge, avec près de 1.580 établissements inscrits.

Lors du dernier scrutin, contrairement à leurs aînés qui avaient mis les sociaux-démocrates en tête, les élèves avaient voté en premier pour les Modérés (conservateurs) avec environ 21,2%. Avaient suivi les sociaux-démocrates (centre-gauche) à 19,5% et les Démocrates de Suèdes (extrême droite) à 15,5%.

 


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.


Canada: le libéral Mark Carney donné vainqueur après une campagne centrée sur Trump

Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien et chef du Parti libéral, Mark Carney, salue ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2025. (AFP)
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  • Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays
  • Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti

OTTAWA: Le Parti libéral de Mark Carney a remporté lundi les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux, après une campagne centrée sur les menaces du président américain Donald Trump contre le pays.

Toutefois, selon des résultats encore préliminaires, les libéraux pourraient rester minoritaires au Parlement et seraient donc contraints de gouverner avec l'appui d'un autre parti.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires, après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

A Ottawa, où les libéraux sont réunis pour la soirée électorale dans une aréna de hockey, l'annonce des résultats a provoqué une salve d'applaudissements et des cris enthousiastes.

"Je suis si heureuse", lâche sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille Iles en Ontario. "Je suis contente car nous avons quelqu'un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d'affaires. M. Carney est un homme d'affaires, et je pense qu'ils peuvent tous les deux se comprendre".

Pour le ministre Steven Guilbeault, "les nombreuses attaques du président Trump sur l'économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens", a-t-il déclaré sur la chaine publique CBC.

Et les électeurs "ont vu que le Premier ministre Carney avait de l'expérience sur la scène mondiale".

Mark Carney n'avait pas encore pris la parole à minuit locales (04H00 GMT), tandis que se poursuivait le dépouillement.

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l'importance de ce scrutin, parlant d'élections historiques et déterminantes pour l'avenir de ce pays de 41 millions d'habitants.

- "Chaos" -

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l'avenir économique et souverain du pays qu'il était la bonne personne pour piloter le pays en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la banque du Canada et de Grande-Bretagne n'a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

"Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

"Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump?", a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seront en place.

Mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

En face, le chef conservateur, qui avait promis des baisses d'impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n'a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre aura aussi souffert jusqu'au bout de la proximité, de par son style et certaines de ses idées, avec le président américain, ce qui lui a aliéné une partie de l'électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois "surpris" des résultats, "je pensais que ce serait plus serré que ça".

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d'affaires de 59 ans, se dit carrément "très triste". "Est-ce que c'est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre?", demande-t-il alors qu'il énumère les politiques des libéraux, qu'il juge liberticides.

Près de 29 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays du G7 qui s'étend sur six fuseaux horaires. Et plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.


Ukraine: Poutine annonce une trêve du 8 au 10 mai, «tentative de «manipulation»» répond Zelensky

Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
Le président russe Vladimir Poutine prononce un discours lors d'une réunion du Conseil des législateurs à Saint-Pétersbourg, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai
  • Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation"

MOSCOU: Le président russe Vladimir Poutine a annoncé lundi une trêve sur le front en Ukraine durant trois jours du 8 au 10 mai, à l'occasion de la commémoration de la victoire sur l'Allemagne nazie, son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky denonçant une "tentative de manipulation".

Le président américain Donald Trump exhorte Kiev et Moscou à conclure un cessez-le-feu et un accord de paix, trois ans après le début de l'offensive russe ayant déjà fait des dizaines de milliers de morts civils et militaires.

"A partir de minuit entre le 7 et le 8 mai, et jusqu'à minuit entre le 10 et le 11 mai, la partie russe annonce un cessez-le-feu", a indiqué le Kremlin dans un communiqué. "Pendant cette période, toutes les opérations de combat seront arrêtées".

D'après la présidence russe, Vladimir Poutine a pris cette décision unilatérale "pour des raisons humanitaires" et à l'occasion des célébrations du 80e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.

Pour M. Zelensky, au contraire, "il y a désormais une nouvelle tentative de manipulation". "Pour une raison, a-t-il dit dans son adresse quotidienne, tout le monde doit attendre le 8 mai et ne cesser le feu qu'ensuite pour garantir le silence" lors de la parade du 9 mai sur la place Rouge à Moscou.

La Russie commémore le 9 mai cet événement dont Vladimir Poutine a fait un marqueur essentiel de la puissance retrouvée du pays. Les dirigeants d'une vingtaine de pays sont attendus pour un défilé militaire en grande pompe sur la place Rouge à Moscou.

Le Kremlin a dit considérer que l'Ukraine "devrait suivre cet exemple", tout en prévenant que les forces russes "fourniront une réponse adéquate et efficace" en cas de violation de la trêve.

Vladimir Poutine avait déjà déclaré un bref cessez-le-feu de 30 heures les 19 et 20 avril à l'occasion de Pâques. Les deux camps s'étaient ensuite accusés de l'avoir violé, même si une baisse de l'intensité des combats avait été ressentie dans plusieurs secteurs du front.

"Accroître la pression sur la Russie"

La Maison Blanche a soutenu lundi que Donald Trump souhaitait un cessez-le-feu "permanent" en Ukraine et pas seulement une trêve temporaire.

Les Etats-Unis, jusque-là le premier soutien de l'Ukraine, veulent tourner la page aussi vite que possible quitte, craint Kiev, à accepter des dispositions très favorables à Moscou.

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a dit dimanche à son homologue russe, Sergueï Lavrov, qu'il était temps de mettre fin à une "guerre insensée" en Ukraine, selon un communiqué lundi.

De son côté, le président français Emmanuel Macron a affirmé que "dans les huit à dix jours prochains, nous allons accroître la pression sur la Russie", dans un entretien publié par le magazine Paris Match.

Il a estimé avoir "convaincu les Américains de la possibilité d’une escalade des menaces, et potentiellement de sanctions" contre Moscou.

Conditions maximalistes de Poutine 

La Russie maintient des conditions maximalistes concernant l'Ukraine, dont elle veut la reddition et le renoncement à rejoindre l'Otan, tout en s'assurant de pouvoir garder les territoires ukrainiens annexés.

La reconnaissance internationale de l'annexion russe de la Crimée et de quatre autres régions ukrainiennes est une condition "impérative" à la paix, a encore martelé lundi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

La Russie a annexé la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014, ce que la communauté internationale, Etats-Unis compris, n'a jamais reconnu.

En septembre 2022, quelques mois après le déclenchement de son assaut à grande échelle, elle a aussi revendiqué l'annexion de quatre régions ukrainiennes qu'elle occupe partiellement, celles de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia.

La Russie, qui a l'avantage sur le front, a revendiqué lundi la prise de Kamyanka, un village de la région de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine.

La Corée du Nord a pour la première fois reconnu lundi avoir envoyé des troupes en Russie et qu'elles avaient aidé Moscou à reprendre aux Ukrainiens les zones de la région de Koursk dont ils s'étaient emparés.

Trois personnes ont par ailleurs été tuées lundi dans une attaque russe contre un village de la région de Donetsk (est), selon les services du procureur régional.