Un roi âgé et mal aimé, défi pour la monarchie britannique

Charles aborde son règne bien moins aimé que sa mère. Selon un sondage de l'institut YouGov en 2021, à peine plus d'un tiers des sondés estimait qu'il ferait un bon roi. (Photo d'archives AFP).
Charles aborde son règne bien moins aimé que sa mère. Selon un sondage de l'institut YouGov en 2021, à peine plus d'un tiers des sondés estimait qu'il ferait un bon roi. (Photo d'archives AFP).
Short Url
Publié le Vendredi 09 septembre 2022

Un roi âgé et mal aimé, défi pour la monarchie britannique

  • En 1953, Elizabeth II avait été couronnée à tout juste 25 ans, dans une atmosphère d'enthousiasme national dans un pays qui se relevait encore du traumatisme de la Seconde guerre mondiale
  • Né en 1948, Charles a épousé en 1981 Diana Spencer, avec qui il a eu deux enfants, William et Harry, avant le délitement de leur mariage et des révélations publiques sur leurs infidélités respectives

LONDRES: Jamais aucun souverain britannique n'aura attendu aussi longtemps. L'accession au trône de Charles III, âgé et mal aimé, ouvre une période délicate pour une monarchie qui avait su sous sa mère résister aux crises.

En 1953, Elizabeth II avait été couronnée à tout juste 25 ans, dans une atmosphère d'enthousiasme national dans un pays qui se relevait encore du traumatisme de la Seconde guerre mondiale. Elle est restée toute sa vie une figure très populaire et respectée.

L'accueil réservé à son fils aîné s'annonce très différent. A 73 ans, c'est un "vieil homme" qui monte sur le trône, relève Robert Hazell, professeur de droit constitutionnel à l'University College London.

"Ce sera très difficile pour lui de prendre la suite de la reine", explique-t-il à l'AFP. "La monarchie va probablement traverser des temps difficiles".

Né en 1948, Charles a épousé en 1981 Diana Spencer, avec qui il a eu deux enfants, William et Harry, avant le délitement de leur mariage et des révélations publiques sur leurs infidélités respectives qui mèneront à leur divorce.

Après la mort tragique de Diana en 1997 dans un accident de voiture à Paris, pourchassée par des paparazzis, Charles a épousé en 2005 son ancienne maîtresse Camilla Parker Bowles.

Le nouveau roi s'est longtemps fait remarquer par ses propos controversés, et parfois tournés en ridicule, sur des sujets comme l'agriculture ou l'architecture moderne (qu'il apprécie peu). Même si ses préoccupations environnementales sont désormais largement partagées, il va devoir se plier à une neutralité à toute épreuve, chaque mot du souverain étant scruté et commenté.

En 2018, il a assuré à la BBC avoir conscience qu'il devrait s'interdire toute prise de position: "Je ne suis pas si idiot".

Une telle neutralité s'annonce "très difficile" à tenir, notamment face aux velléités d'indépendance de l'Ecosse, tout en voulant sauvegarder la monarchie, relève M. Hazell, qui souligne cependant "le sens très fort du service public et du devoir public" de Charles.

De l'écologie à la Transylvanie: les passions de Charles

De l'aquarelle à la Transylvanie, Charles a eu des passions variées pour occuper sept décennies à attendre de monter sur le trône. Si sa défense de l'écologie, après avoir suscité des moqueries, est désormais vue comme avant-gardiste, sa tendance à mettre en avant ses opinions personnelles a parfois fait sourciller.

Architecture

Dans les années 1980, Charles a lancé une croisade contre une architecture moderne qu'il jugeait "laide", comparant même à une "monstrueuse verrue" un projet d'extension de la National Gallery sur Trafalgar Square à Londres, finalement abandonné. Il a mis ses idées en pratique en soutenant la construction d'un village modèle appelé Poundbury sur ses terres du Dorset, dans le sud-ouest de l'Angleterre, au début des années 1990.

Le lotissement, construit dans un style géorgien néoclassique, a été jugé "sans âme" par certains critiques, mais a suscité l'intérêt des acheteurs.

Charles a également aidé à revitaliser Nansledan, une extension de la ville de Newquay, dans une région pauvre, anciennement minière des Cornouailles, avec des logements colorés respectueux de l'environnement et des équipements locaux.

Ecologie et agriculture bio

Sensible de longue date à la cause environnementale, Charles a créé un jardin et une ferme entièrement biologiques dans son domaine de Highgrove dans le Gloucestershire, dans l'ouest de l'Angleterre. Il a également lancé la gamme d'aliments et de boissons issu de l'agriculture biologique Duchy Originals, commercialisée par les supermarchés haut de gamme Waitrose.

Passionné de jardinage, Charles a révélé dans une interview en 1986 qu'il parlait aux plantes, s'attirant des moqueries. Mais ses opinions en matière de défense de l'environnement sont devenues plus partagées au fil des ans.

Lors du sommet du climat COP26 à Glasgow en novembre 2021, il a exhorté les responsables politiques à redoubler d'efforts dans la lutte contre le réchauffement.

Sa voiture, une Aston Martin qu'il possède depuis plus de 50 ans, a été modifiée pour pouvoir rouler avec du surplus de vin blanc anglais et du lactosérum provenant du processus de fabrication du fromage. Elle fonctionne avec un mélange de 85% de bioéthanol et 15% d'essence sans plomb.

Chasse et polo

Son engagement en faveur de l'environnement n'a pas empêché Charles de pratiquer la chasse, un passe-temps traditionnel dans la famille royale.

Il a également joué au polo jusqu'en 2015, date à laquelle il y a renoncé à cause d'une série de blessures.

Il aurait rencontré sa seconde épouse Camilla lors d'un match de polo dans les années 1970.

Peinture et lecture 

Charles aime peindre des aquarelles et vend des lithographies de ses oeuvres au profit d'associations, des ventes, ce qui rapporterait des millions de livres sterling.

Dans une exposition de ses aquarelles à Londres début 2022, il expliquait avoir choisi ce mode d'expression car il trouvait la photographie peu "satisfaisante": "Cela requiert la concentration la plus intense et c'est par conséquent l'un des exercices les plus relaxants et thérapeutiques", décrivait-il, se disant ainsi "transporté dans une autre dimension".

Il disait aussi n'avoir "aucune illusion" sur la qualité de ses oeuvres.

Charles est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont le livre pour enfants "Le vieil homme de Lochnagar" sur un vieil homme qui vit dans une grotte près du domaine royal de Balmoral, dans le nord-est de l'Écosse.

Transylvanie 

Charles a acheté plusieurs maisons en Transylvanie, une région du centre-ouest de la Roumanie surtout connue comme terre d'origine de Dracula. Il les a restaurées en utilisant des méthodes et des meubles traditionnels. L'une a été transformée en maison d'hôtes.

En 2015, il a lancé sa propre fondation caritative en Roumanie, qui vise à protéger le patrimoine culturel et naturel du pays et de promouvoir le développement durable.

Charles se targue d'être un parent éloigné d'un prince du XVe siècle connu sous le nom de Vlad l'Empaleur ou Dracula et aurait, selon ses propres dires, "la Transylvanie dans (son) sang".

Pas l'« aura » d'Elizabeth 

Charles aborde son règne bien moins aimé que sa mère. Selon un sondage de l'institut YouGov en 2021, à peine plus d'un tiers des sondés estimait qu'il ferait un bon roi, alors que plus de 70% avait une opinion favorable de la reine.

De quoi relancer les espoirs des partisans d'une abolition de la monarchie au profit d'une république, idée soutenue par seulement 15% des Britanniques ces dernières années.

Charles "n'est pas protégé par la même aura presque impénétrable que la reine", selon Graham Smith, le directeur du mouvement Republic.

Pour maintenir l'institution, Robert Hazell estime "concevable" que Charles abdique en faveur de son fils William, né en 1982 et très populaire, une option toujours rejetée par Elizabeth II.

Train de vie réduit 

Mais pour Graham Smith, "il ne va pas laisser tomber".

Face aux critiques croissantes sur le train de vie de la famille royale, les spécialistes de la monarchie prêtent à Charles le désir de réduire le nombre de ses membres actifs, vivant aux frais de la couronne et se consacrant aux engagements publics. Ils sont actuellement une dizaine.

La tendance a déjà été impulsée avec la mise en retrait du prince Andrew, frère de Charles, mis en cause pour son amitié avec le défunt financier américain Jeffrey Epstein, accusé de trafic de mineures, puis le départ en Californie de son fils Harry.

Pour Robert Hazell, plus que financier, l'intérêt de poursuivre sur cette voie est surtout de limiter les risques qu'un membre de la famille royale ne "dérape".

Il reviendra à Charles de distribuer les titres, choisissant par exemple s'il transmet à son fils celui de "prince de Galles" qu'il portait depuis 1958.

La famille royale a indiqué que Camilla devrait porter le titre de "princesse consort" plutôt que "reine" pour ne pas choquer le public. Mais du point de vue légal, relève M. Hazell, elle est devenue reine "automatiquement".

Charles : dandy ou gentleman farmer, toujours impeccablement stylé

Moins coloré que sa mère qui voulait être vue, le nouveau roi n’en est pas moins extrêmement exigeant sur sa garde-robe, avec un style unique et hors du temps qui lui a même valu d’être qualifié d'homme le mieux vêtu du monde.

Dandy en costume trois pièces ou gentleman farmer selon l'occasion, Charles est habillé sur mesure par les meilleurs tailleurs utilisant les plus belles matières, chaussé par les meilleurs cordonniers du Royaume.

Une armée de valets veille sur ses changements de garde-robe, souvent plusieurs fois par jour, et l'un d’eux serait même chargé de repasser ses lacets, si l’on en croit une récente biographie.

Désigné comme l'homme le mieux habillé du monde en 2009 par le magazine Esquire, le prince avait préféré en plaisanter, estimant que c'était une façon de vendre du papier.

Lors d'une réception à la Fashion Week de Londres en 2012, il s'était décrit comme une "horloge arrêtée", le faisant passer de "l’homme le mieux habillé à l’homme le moins bien habillé (…) tous les 25 ans".

Mais il a aussi reconnu être "soucieux des détails et des combinaisons de couleurs".

Depuis toujours démodé, il en est devenu indémodable.

En cravate et culotte courte 

Ses photos d’enfant le montrent en culotte courte, portant déjà une cravate et parfois un blazer. En Ecosse, depuis ses plus jeunes années, le kilt est porté en famille avec des chaussettes hautes.

A l’entrée dans l’âge adulte, son look sportif en tenue de polo fait rêver les jeunes filles. Il aime les accessoires, lunettes de soleil, boutons de manchette, et même un énorme noeud papillon sur une combinaison de ski.

Il porte une chevalière au petit doigt, et a toujours la même raie impeccable.

Il embrasse volontiers les traditions locales lorsqu’il voyage : en Arabie Saoudite en 2014 il porte une tenue traditionnelle lorsqu'il s'essaie à la danse du sabre.

Au Ghana en 1977, il porte une tunique longue rayée. Et en Afghanistan en mars 2010, on le retrouve assis en tailleur sur un tapis, en tenue de camouflage.

Mais pas question de porter un maillot de cycliste en lycra en Angleterre : lorsqu’il lance à vélo une collecte de fonds en juin 2021, tanguant sur un vélo vintage devant les caméras, il porte un blazer, une cravate et des chaussures de ville. "C'est un cauchemar de rentrer" dans du lycra, affirme-t-il.

A 73 ans, il arbore souvent des costumes croisés clairs avec pochette en soie toujours différente de la cravate. Lorsqu'il est sur ses terres, il cultive son image de gentleman farmer, les mains enfouies dans les immenses poches de ses vestes en coton ciré Barbour.

Pour les grandes occasions, l’uniforme militaire est de rigueur, comme pour les apparitions au balcon du palais de Buckingham ou le portrait de ses 60 ans, uniforme de cérémonie rouge des Welsh guards, avec médailles sur la poitrine et épée dorée à la ceinture.

Charles, aux dépenses longtemps critiquées, posséderait des centaines de costumes, dont beaucoup en provenance de chez Anderson & Sheppard sur Saville Row à Londres. Coupe impeccable et confortable, il y apparaît aussi à l'aise que dans un pyjama, estime le magazine de mode masculine GQ.

Ces dernières années, ce grand défenseur de l'environnement a soigné son image écoresponsable, expliquant qu'il n'aimait rien jeter.

Pour le mariage de son fils Harry en 2018 avec Megan Markle, il portait une redingote gris perle de 1984 . "Tant que je rentre dedans... je ne le porte que quelques fois par an", a-t-il expliqué dans Vogue, ajoutant qu'il ne voyait pas à son âge, comment une autre redingote pourrrait être "radicalement différente".

On le voit aussi avec les deux mêmes manteaux - en tweed à double boutonnage et l'autre de couleur caramel - depuis des années.

"Ses tailleurs gardent de grande pièces de tissu, pour éventuellement les ravauder", explique Michel Faure, auteur d'une biographie sur le nouveau roi.

L'an dernier, il s'est lancé dans la mode durable en partenariat, pour une collection capsule de luxe vendue sur internet, dessinée en Italie par six étudiants stylistes et réalisée en Ecosse par six jeunes formés aux techniques traditionnelles par son organisation caritative The Prince's foundation.


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
Short Url
  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Après la panne géante, les énergies renouvelables sur le banc des accusés en Espagne

Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Short Url
  • Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne.
  • Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez.

MADRID : L'essor des énergies renouvelables a-t-il fragilisé le réseau électrique espagnol ? Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne, malgré les messages rassurants des autorités.

« Le manque de centrales nucléaires et la multiplication par dix des énergies renouvelables ont mis à terre le réseau électrique », assure en une le quotidien conservateur ABC mercredi matin. « Les alertes sur les renouvelables depuis cinq ans » ont été « ignorées », regrette de son côté El Mundo, également classé à droite.

Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui a fait de l'Espagne l'un des champions européens de la transition verte.

Selon le gestionnaire du réseau électrique espagnol REE, le solaire et l'éolien ont représenté en 2024 près de 40 % du mix électrique espagnol. C'est près de deux fois plus qu'en 2014, et près du double également de la part du nucléaire, tombée l'an dernier à 20 %. 

Cette évolution est défendue par l'exécutif, qui s'est engagé à fermer toutes les centrales nucléaires d'ici dix ans, mais elle est source de tensions dans le pays, plusieurs rapports ayant pointé ces derniers mois de possibles risques en l'absence de mesures fortes pour adapter le réseau.

- Une énergie « sûre » ?

Dans son document financier annuel publié fin février, Redeia, la maison-mère de REE, avait ainsi mis en garde contre « la forte pénétration de la production renouvelable sans les capacités techniques nécessaires à un comportement adéquat face aux perturbations ».

Cela pourrait « provoquer des coupures de production », qui « pourraient devenir sévères, allant jusqu'à entraîner un déséquilibre entre la production et la demande, ce qui affecterait significativement l'approvisionnement en électricité » de l'Espagne, avait-elle écrit. 

Un message relayé par l'organisme espagnol de la concurrence (CNMC) dans un rapport de janvier. « À certains moments, les tensions du réseau de transport d'électricité ont atteint des valeurs maximales proches des seuils autorisés, dépassant même ces seuils à certains moments », avait écrit l'organisme.

Après la coupure de lundi, certains experts du secteur se sont interrogés sur un éventuel déséquilibre entre production et demande (difficile à corriger dans un réseau où l'éolien et le solaire ont une place prépondérante) qui aurait pu contribuer à l'effondrement du système électrique espagnol.

Dans un entretien accordé mercredi matin à la radio Cadena Ser, Beatriz Corredor, la présidente de Redeia et REE (l'ex-députée socialiste) a cependant assuré que la production d'énergies renouvelables était « sûre ».

« Relier l'incident si grave de lundi à une pénétration des énergies renouvelables n'est pas vrai, ce n'est pas correct », a-t-elle insisté, en assurant que le rapport de février ne faisait que dresser la liste de risques potentiels, comme l'y oblige la législation. 

- « Ignorance » -

Mardi déjà, Pedro Sánchez avait lui aussi défendu le modèle énergétique mis en œuvre par son gouvernement, rappelant que la cause précise de la panne qui a provoqué le chaos au Portugal et en Espagne durant de longues heures lundi n'était toujours pas connue à ce stade.

« Ceux qui lient cet incident au manque de nucléaire mentent franchement ou démontrent leur ignorance », a assuré le dirigeant socialiste.

« Les centrales nucléaires, loin d'être une solution, ont été un problème » durant la panne, car « il a été nécessaire de rediriger vers elles de grandes quantités d'énergie pour maintenir leurs réacteurs stables », a insisté le chef du gouvernement. 

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la panne depuis deux jours, dont celle d'une cyberattaque. Mardi, la justice espagnole a ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un « sabotage informatique » susceptible d'être qualifié de « délit terroriste ».

REE estime cependant que cette hypothèse est peu crédible. « Au vu des analyses que nous avons pu réaliser avec l'aide notamment du Centre national du renseignement espagnol (CNI), nous pouvons écarter un incident de cybersécurité », a ainsi assuré le gestionnaire.

D'après REE, l'équivalent de 60 % de la consommation électrique de l'Espagne, soit 15 gigawatts, a disparu en l'espace de cinq secondes seulement lors de la panne survenue lundi à 12 h 33 (11 h 33 GMT), un phénomène qualifié d'« inédit » et « totalement extraordinaire ».


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Short Url
  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.