PARIS : L’économie française est à bout de souffle, confrontée à une succession de tempêtes qu’aucune stratégie cohérente ne semble pouvoir contenir. C’est le sombre tableau dressé par l’Institut Montaigne (un think tank qui propose des études sur les politiques publiques) dans son rapport « France 2040 : projections pour l’action politique ».
Alors que le Premier ministre François Bayrou dévoile un plan d’économies de 44 milliards d’euros et brandit la rigueur, la pauvreté bat des records et les faillites d’entreprises se multiplient.
Dans son rapport publié le 16 juillet, l’Institut Montaigne ne mâche pas ses mots : sans une « volonté politique puissante », le pire est à venir.
Treize vulnérabilités systémiques menacent le pays, dont trois sont identifiées comme critiques : le verrouillage économique et social, l’adaptation insuffisante au changement climatique, et la montée en puissance d’une défiance civique qualifiée de « structurelle ».
Un triangle infernal
Premier constat : l’économie française est enlisée dans un triangle infernal, fait de déclin démographique, de productivité stagnante et d’endettement massif.
Sur le front écologique, malgré des atouts comme le nucléaire et une base industrielle diversifiée, l’action publique reste « désordonnée et insuffisamment financée », affirme le rapport.
La transition énergétique, chantier crucial pour la prospérité future, est bloquée par l’inertie politique et les logiques électoralistes. L’Institut fustige le maigre bilan d’Emmanuel Macron sur le climat, malgré de grandes annonces.
Mais c’est la défiance civique qui inquiète le plus : les citoyens ne croient plus aux promesses de leurs dirigeants, et le fossé entre discours politique et résultats concrets alimente un ressentiment croissant, compromettant la gouvernance du pays.
Pour éviter le décrochage complet, l’Institut Montaigne plaide pour des réformes profondes et cohérentes, telles que la modernisation de l’appareil productif, des investissements massifs dans la santé et la recherche, ainsi qu’une refonte du système éducatif.
Par ailleurs, un rapport de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), publié le même jour, enfonce un autre clou : 9,8 millions de personnes vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, soit 15,4 % de la population française – un record depuis 1996.
Amer constat
Cette hausse de 0,9 point en un an s’explique par la fin des mesures exceptionnelles post-Covid (indemnité inflation, prime de rentrée), mais surtout par une stagnation des salaires et des prestations sociales.
Le contraste est saisissant : tandis que les revenus financiers des plus aisés explosent, les familles monoparentales s’enfoncent, et un tiers d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté.
Malgré les promesses de la « stratégie nationale de lutte contre la pauvreté », lancée en 2018, le constat est amer. Depuis le début du quinquennat Macron, la pauvreté a augmenté de 14 %, les aides exceptionnelles ont été supprimées, et les allocations revalorisées en dessous de l’inflation.
Sur le front économique, les signes de faiblesse s’accumulent. Après une décennie de timide renouveau industriel, la France rechute.
Pour assombrir encore plus le tableau, le cabinet Trendeo (un observatoire de l’emploi et de l’investissement) indique que le solde net d’usines est négatif pour le deuxième semestre consécutif.
L’industrie agroalimentaire, les produits métalliques, l’automobile… tous les secteurs souffrent, alors que la concurrence étrangère, la transition énergétique coûteuse et l’incertitude politique paralysent l’investissement.
Les faillites explosent. Selon Trendeo, plus de 34 100 entreprises ont déposé le bilan au premier semestre 2025, soit 24 % de plus qu’en 2019.
Derrière ces chiffres, plus de 100 000 emplois sont menacés, les petites et moyennes entreprises peinant à faire face à la baisse d’activité et à l’augmentation des charges.
Toujours selon Trendeo, le secteur de l’informatique, longtemps épargné, est désormais frappé de plein fouet, avec une hausse de 17 % des défaillances.
Une austérité assumée
Dans ce contexte tendu, François Bayrou a dévoilé, le 16 juillet, son grand plan d’économies pour 2026, visant à économiser 44 milliards d’euros.
Pour cela, le gouvernement mise sur une recette bien connue : réduction des dépenses publiques, gel des prestations sociales, et hausses d’impôts déguisées.
Les mesures les plus marquantes touchent le domaine de la santé, tandis que les retraités sont également mis à contribution, avec la fin programmée de l’abattement fiscal spécifique dont ils bénéficiaient.
Plus encore, une « année blanche » est prévue pour 2026 : retraites, prestations sociales, barème de l’impôt… rien ne sera revalorisé pour compenser l’inflation.
Une décision qui, en pratique, revient à augmenter l’impôt pour tous et à appauvrir les plus fragiles. Même les fonctionnaires ne seront pas épargnés.
Enfin, une nouvelle réforme du chômage est sur les rails, visant à durcir les conditions d’indemnisation, tandis que le gouvernement promet une « chasse accrue » à la fraude sociale et fiscale.
Alors que les signaux d’alerte s’accumulent – pauvreté record, défiance citoyenne, faillites d’entreprises – le gouvernement répond par une austérité assumée. De quoi faire dire à un observateur qu’il s’agit d’un cocktail des plus explosifs, à l’orée de la présidentielle de 2027.