Au procès de l'attentat de Nice, le témoignage de deux «héros»

Franck Terrier, au guidon de son scooter, a pris en chasse un camion conduit par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel (Photo, AFP).
Franck Terrier, au guidon de son scooter, a pris en chasse un camion conduit par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 14 septembre 2022

Au procès de l'attentat de Nice, le témoignage de deux «héros»

  • Franck Terrier et Alexandre N. ont raconté avec modestie et émotion leur tentative pour mettre fin au périple meurtrier
  • M. Terrier dépose sa femme et prend en chasse sur son deux-roues le camion de 19 tonnes

PARIS: La cour d'assises spéciale de Paris a entendu mardi le témoignage de deux "héros" qui, avec pour seule arme leurs mains nues, ont tenté d'arrêter la course folle du camion-bélier le soir du 14 juillet 2016 à Nice (sud de la France), sur la promenade des Anglais.

Franck Terrier et Alexandre N. (son avocate ne souhaite pas que le nom de son client soit publié, NDLR), ont raconté avec modestie et émotion leur tentative pour mettre fin au périple meurtrier du Tunisien Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, tué par la police après avoir fauché des centaines de personnes dont de nombreux enfants, laissant 86 morts dans son sillage.

Le tueur est le grand absent du procès de l'attentat de Nice où sont jugées huit personnes, mais aucune pour complicité.

"J'ai vu tout de suite que c'était un attentat terroriste. Il n'y avait aucune ambiguïté à ce niveau-là. Le conducteur du camion était déterminé à écraser le maximum de personnes", raconte calmement à la barre Franck Terrier, un Niçois de 55 ans à la barbe poivre et sel.

Avec sa femme, il était sorti sur "la Prom'", en scooter, ce soir du 14 juillet pour aller "manger une glace" quand soudain "un camion (le) double sur la droite".

"J'ai tout de suite voulu le rattraper", dit-il, la voix tendue.

M. Terrier dépose sa femme et prend en chasse sur son deux-roues le camion de 19 tonnes. Prenant garde de ne pas rouler sur les corps sur la chaussée, il atteint le camion en quelques secondes, jette son scooter sous les roues du poids lourd dans l'espoir de le stopper et s'accroche sur le marchepied du côté du conducteur.

"Je me suis battu avec lui. Il y a eu des échanges de coups. Voilà, c'est tout", dit-il en regardant la cour.

Par la vitre ouverte de la cabine, le Tunisien le menace avec une arme de poing. Des balles - sans doute tirées par des policiers - sifflent autour de lui. Le tueur lui donne un coup de crosse sur la tête.

Franck Terrier tombe, mais remonte sur le marchepied. Les tirs s'intensifient. Il saute du camion désormais à l'arrêt et se cache dessous.

Dans la confusion et l'effroi qui ont suivi l'immobilisation du véhicule, des policiers s'empareront de M. Terrier, pensant avoir affaire à un complice du tueur. "Ils m'ont un peu secoué", se souvient le Niçois, esquissant un sourire.

Le président Laurent Raviot demande si l'assaillant a dit quelque chose. "Non, il n'a pas parlé, mais il était déterminé. Il était déterminé à frapper", répond M. Terrier. "Il portait des coups, de gros coups".

«Au risque de ma vie»

Le Niçois, qui a été décoré de la Légion d'honneur en juillet 2017 pour son geste héroïque, garde de nombreuses séquelles de cette soirée d'épouvante qui continue de le hanter.

Il est submergé par le sentiment de culpabilité, le regret de ne pas avoir réussi à sauver davantage de personnes. "J'aurais voulu intervenir plus rapidement", dit-il.

"Il fallait absolument que j'arrête ce massacre", insiste-t-il. Son avocate lui demande : "au risque de votre vie ?". "Oui, au risque de ma vie", répond-il.

En 2019, il reconnaît avoir tenté de mettre fin à ses jours. Il passera deux mois en hôpital psychiatrique à la suite de ce geste désespéré. "J'ai eu un syndrome crépusculaire", résume-t-il.

Alexandre N., 38 ans, a beaucoup hésité avant de témoigner. Sa voix tremble.

Avant l'intervention de Franck Terrier, c'est à pied, en courant sur la chaussée, qu'il a poursuivi le camion.

Arrivé à sa hauteur, il s'empare de la poignée du camion côté conducteur et tente d'ouvrir la portière. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel le vise avec une arme à feu. "J'ai lâché la poignée", dit-il en s'excusant presque.

Très marqué par ces événements, il raconte son mariage qui a "explosé". "Je suis devenu imbuvable. Je ne supporte pratiquement plus rien".

"Clairement pour moi, c'était un terroriste, il savait ce qu'il faisait, il avait un objectif. C'était prémédité, c'était un acte terroriste à 100%", dit-il, la voix nouée.

En sortant de la salle d'audience, Alexandre N. va s'asseoir à l'écart. Seul.


Retraites: la grève des éboueurs à Paris reconduite jusqu'à lundi

Une femme marche avec son vélo près de la Tour Eiffel, devant des tas de sacs poubelles empilés depuis que les éboueurs se sont mis en grève contre le projet de réforme des retraites du gouvernement français à Paris le 21 mars 2023. (Photo, AFP)
Une femme marche avec son vélo près de la Tour Eiffel, devant des tas de sacs poubelles empilés depuis que les éboueurs se sont mis en grève contre le projet de réforme des retraites du gouvernement français à Paris le 21 mars 2023. (Photo, AFP)
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  • «Nous ne sommes pas résignés, le combat peut changer de forme (...) Même si nous on s'essouffle, le monde du travail n'est pas essoufflé», a déclaré Régis Vieceli, secrétaire général CGT de la filière déchets et assainissement à Paris
  • Mercredi, toujours selon la mairie, 9 500 tonnes jonchaient les trottoirs, une estimation en légère augmentation pour la première fois depuis le début des réquisitions décidées jeudi par la préfecture de police

PARIS: La grève des éboueurs parisiens engagée le 6 mars contre la réforme des retraites est reconduite jusqu'à lundi, ont confirmé mercredi à l'AFP les responsables de la CGT qui bloquent l'accès à l'usine d'incinération d'Ivry-sur-Seine.

"Nous ne sommes pas résignés, le combat peut changer de forme (...) Même si nous on s'essouffle, le monde du travail n'est pas essoufflé", a déclaré Régis Vieceli, secrétaire général CGT de la filière déchets et assainissement à Paris, après l'entretien télévisé d'Emmanuel Macron.

Les grévistes ont "la capacité de tenir un moment" grâce à la "coordination et la solidarité", a soutenu Ali Chaligui, qui se présente comme un animateur CGT de la filière dans le privé.

"On vit ici, on couche ici, on mange ici. Ce n'est pas la grève la plus simple à tenir. Je ne sais pas jusqu'à quand on va tenir", a aussi admis Régis Vieceli au milieu d'une vingtaine de salariés en grève et de soutiens extérieurs.

Sous un barnum près du brasero, Eric Geneste, militant du mouvement Alternatiba, est venu apporter en vélo cargo des plats cuisinés par des bénévoles pour "soutenir ceux qui sont en première ligne".

Il regrette le "discours inaudible" du chef de l'Etat, qui "nous a bien fait comprendre qu'il ne bougera rien".

Après plus de deux semaines de grève, le blocage des trois sites d'incinération entourant Paris et des dépôts de bennes a provoqué l'amoncellement des ordures dans les rues de la capitale. Plus que le taux réel de grévistes, "assez faible" hors des jours de forte mobilisation, reconnaît la mairie de Paris.

Mercredi, toujours selon la mairie, 9 500 tonnes jonchaient les trottoirs, une estimation en légère augmentation pour la première fois depuis le début des réquisitions décidées jeudi par la préfecture de police.


Le maire de Villeurbanne interdit une séance de dédicace d'Eric Zemmour

 Le chef du parti d'extrême droite "Reconquête" Eric Zemmour, le 27 mai 2022. (Photo, AFP)
Le chef du parti d'extrême droite "Reconquête" Eric Zemmour, le 27 mai 2022. (Photo, AFP)
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  • L'interdiction a été jugée «scandaleuse» par Agnès Marion, une des cadres de Reconquête dans le Rhône, invoquant le «droit fondamental à exprimer son opinion» et le «devoir de tout élu de préserver ce droit fondamental»
  • La venue d'Eric Zemmour pour la promotion de son dernier livre «Je n'ai pas dit mon dernier mot» avait fortement fait réagir parmi les partis politiques et syndicats de Villeurbanne, une ville profondément ancrée à gauche

LYON: Le maire socialiste de Villeurbanne (Rhône) Cédric Van Styvendael a interdit mercredi par arrêté la tenue d'une séance de dédicace d'Eric Zemmour organisée par le parti Reconquête, à cause des risques de débordements.

L'annonce de cet événement "a suscité de nombreuses réactions dans les médias et sur les réseaux sociaux mettant en évidence l'existence d'un risque de débordements et de violences", indique la mairie dans un communiqué.

L'interdiction a été jugée "scandaleuse" par Agnès Marion, une des cadres de Reconquête dans le Rhône, invoquant le "droit fondamental à exprimer son opinion" et le "devoir de tout élu de préserver ce droit fondamental".

"Les motivations sont au-delà des troubles à l'ordre public", a-t-elle dit en dénonçant un parti pris "sectaire". "Nous sommes en train d'étudier les recours", a-t-elle déclaré à l'AFP.

La ville avait autorisé "une réunion du parti Reconquête le samedi 25 mars dans une salle du CCVA (centre culturel et de la vie associative) devant accueillir une centaine de personnes", explique le communiqué municipal. Reconquête a ensuite annoncé l'inscription de quelque 600 personnes, au-delà de la capacité d'accueil de la salle.

"Il y a un écart majeur entre ce qu'ils ont dit et ce qu'ils vont faire", note auprès de l'AFP Cédric Van Styvendael. De plus, selon lui, "cet événement n'est pas en mesure de se dérouler sans risquer de créer des troubles à l'ordre public mettant en danger la sécurité des personnes".

Ainsi, le groupe antifasciste "La Jeune Garde", très actif à Lyon, a appelé à des actions contre la séance de dédicace sur les réseaux sociaux. Le maire évoque également la situation "particulière" du pays, avec des forces de l'ordre "déjà particulièrement mobilisées" pour les manifestations contre la réforme des retraites.

Cédric Van Styvendael ajoute qu'il "reste fermement attaché à la liberté d'expression et à la liberté de réunion", en évoquant la possibilité pour Reconquête de réserver la salle municipale, même s'il s'oppose "aux idées et aux valeurs défendues par Eric Zemmour", qualifié de "prêcheur de haine".

La venue d'Eric Zemmour pour la promotion de son dernier livre "Je n'ai pas dit mon dernier mot" avait fortement fait réagir parmi les partis politiques et syndicats de Villeurbanne, une ville profondément ancrée à gauche. Le PCF avait "condamné" sa présence, LFI s'y était "fortement opposé".


La loi immigration, victime collatérale de la fronde sociale

Le ministre français de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin arrive pour un conseil des ministres à l'hôtel Matignon, à Paris, le 21 mars 2023. (Photo, AFP)
Le ministre français de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin arrive pour un conseil des ministres à l'hôtel Matignon, à Paris, le 21 mars 2023. (Photo, AFP)
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  • Un conseiller de l'exécutif a précisé qu'il n'y aurait « pas de texte immigration débattu au Sénat» la semaine prochaine comme cela était initialement programmé
  • Le gouvernement et la majorité prévoient désormais un « projet de loi plus court et plusieurs propositions de loi», à savoir des textes déposés à l'initiative de parlementaires, a-t-il ajouté

PARIS: Touché, coulé? Le controversé projet de loi immigration va être découpé en "plusieurs textes", a annoncé Emmanuel Macron et ne sera pas examiné la semaine prochaine au Sénat, victime par ricochet de la crise provoquée par la réforme des retraites.

Annoncé depuis des mois, contesté par les associations de défense des exilés, conspué par la gauche et jugé très insuffisant par la droite et l'extrême droite, le texte qui a entamé son parcours en commission au Sénat la semaine dernière, devait être débattu à partir de mardi dans l'hémicycle de la Haute Assemblée dominée par l'opposition de droite.

Mais sur fond de fièvre politique et sociale après l'adoption via la procédure du 49.3 de la très contestée réforme des retraites, l'exécutif organise son repli sur un sujet jugé trop abrasif pour être débattu dans l'immédiat.

"Il y aura bien une loi immigration", a affirmé mercredi Emmanuel Macron lors d'un entretien télévisé sur TF1 et France 2 avant de préciser son propos.

"Il y aura sans doute plusieurs textes immigration et ils arriveront dans les prochaines semaines", a-t-il expliqué.

Interrogé par l'AFP, un conseiller de l'exécutif a précisé qu'il n'y aurait "pas de texte immigration débattu au Sénat" la semaine prochaine comme cela était initialement programmé.

Le gouvernement et la majorité prévoient désormais un "projet de loi plus court et plusieurs propositions de loi", à savoir des textes déposés à l'initiative de parlementaires, a-t-il ajouté.

Initialement, le texte défendu par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin prévoyait à la fois des mesures pour faciliter les expulsions des étrangers délinquants et un volet intégration, notamment par un titre de séjour controversé dans les "métiers en tension".

Selon des sources parlementaires, confirmées de sources proches de l'exécutif, c'est le président du Sénat Gérard Larcher qui a demandé ce report mardi à Emmanuel Macron, qui l'a accepté.

Selon le même conseiller de l'exécutif, "Gérald Darmanin a proposé de mettre dans ce cas d'autres vecteurs qui permettront d'avoir quand même des mesures immigration car c'est nécessaire, en les scindant en plusieurs textes par exemple: d'un côté un projet de loi avec les mesures consensuelles, comme la simplification du droit en vue d'accélérer le traitement des demandes d'asile, de l'autre des propositions de loi/initiatives parlementaires sur les autres sujets".

En clair, a abondé une autre source dans l'entourage de l'exécutif, "on va réorganiser le projet de loi pour en faire quelque chose de plus simple".

Le ministre de l'Intérieur a rencontré la Première ministre Elisabeth Borne mercredi pour trancher le sujet.

«Mal ficelé»

Avant même que ne soient dévoilés officiellement les choix de l'exécutif, les oppositions sont tombées à bras raccourcis sur le projet gouvernemental.

"Ce projet est totalement mal ficelé. Je crois qu'il ne répond pas aux besoins du pays. On ne peut pas faire semblant en matière de contrôle de l'immigration. Ce texte, je pense qu'il faisait semblant, c'est un texte de communication", a taclé le patron des députés LR, Olivier Marleix, sur France Inter.

"Il y a beaucoup de travail je pense pour qu'il devienne présentable", a poursuivi M. Marleix.

Son homologue du groupe PS à l'Assemblée, Boris Vallaud, a lui aussi critiqué sur Public Sénat "un texte +en même temps+".

"C'était un texte censé à la fois plaire à la droite, plaire à la gauche, finalement ça ne plaisait à personne parce que, en ce qui me concerne, je conserve un certain nombre de principes qui sont indivisibles et que ce n'est pas en coupant le salami en tranches qu'on le rend plus digeste. Donc si la copie est mauvaise, qu'ils la reprennent", a déclaré le député des Landes.

"Quand on voit la tournure des débats préparatoires sur ce sujet au Sénat, c'est sage", s'est également félicitée sur Twitter Najat Vallaud-Belkacem, présidente de l'association France terre d'asile, qui avait participé aux concertations avec le gouvernement sur le texte.

La semaine dernière, les sénateurs avaient considérablement durci en commission des Lois la mouture du texte, en adoptant une série d'amendements qui rejoignaient notamment certaines positions historiques de l'extrême droite, comme le durcissement des conditions d'accès au regroupement familial ou encore la suppression de l'aide médicale d'Etat, réservée aux sans-papiers.