Les voix américaines critiques sur l’Arabie saoudite font fi des remerciements de Zelensky adressés à Riyad

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky (Photo, Fournie).
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky (Photo, Fournie).
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Publié le Mardi 11 octobre 2022

Les voix américaines critiques sur l’Arabie saoudite font fi des remerciements de Zelensky adressés à Riyad

Les voix américaines critiques sur l’Arabie saoudite font fi des remerciements de Zelensky adressés à Riyad
  • Les théoriciens du complot peuvent dire ce qu'ils veulent, mais le travail de l'OPEP+ n'est pas d'administrer un camouflet à Washington, ni de se ranger du côté de Moscou contre l'Ukraine
  • Comme tant de problèmes américains, le prix du carburant peut être résolu aux Etats-Unis

À peine l'alliance des producteurs de pétrole OPEP+ avait-elle décidé, la semaine dernière, de réduire sa production de 2 millions de barils par jour en novembre, qu'une pluie de critiques en provenance de Washington s'est abattue sur sa cible comme un missile à tête chercheuse — et cette cible était, sans nul doute, l'Arabie saoudite.

Le sénateur Chris Murphy du Connecticut a appelé à «une réévaluation complète de l'alliance des États-Unis avec l'Arabie saoudite» et la secrétaire de presse de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, a déclaré qu'il était «clair que l'OPEP+ s'aligne sur la Russie».

On se demande où étaient ces personnalités en mars dernier, lorsque l'Arabie saoudite s'est jointe à 140 autres pays à l'ONU pour dénoncer l'invasion russe en Ukraine.

On peut également se demander si l'un d'entre eux a écouté le raisonnement détaillé du ministre saoudien de l'Énergie, le prince Abdelaziz ben Salmane, après la réunion de l'OPEP+. Il a expliqué, entre autres, que l'alliance devait être proactive alors que les banques centrales occidentales s'efforcent de lutter contre l'inflation en augmentant les taux d'intérêt, ce qui rendrait une récession mondiale plus probable et entraînerait une réduction de la demande de pétrole.

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«On peut se demander si les critiques américains du Royaume croient qu'ils sont plus attachés aux intérêts de l'Ukraine que le président du pays lui-même!»

Faisal J. Abbas, Rédacteur en chef

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Les théoriciens du complot peuvent dire ce qu'ils veulent, mais le travail de l'OPEP+ n'est pas d'administrer un camouflet à Washington, ni de se ranger du côté de Moscou contre l'Ukraine. Cette alliance existe pour préserver la stabilité du marché du pétrole — un marché grâce auquel le monde carbure. 

Maintenant, il est vrai que le Royaume a maintenu de bonnes relations avec Moscou et a offert d'être un médiateur fiable dans ce conflit. Toutefois, lorsque la valeur des relations entre Riyad et Kiev est reconnue par nul autre que Volodymyr Zelensky, on peut se demander si ces démocrates américains pensent être plus attachés aux intérêts de l'Ukraine que le président du pays en personne !

Dans une interview vidéo avec Arab News la semaine dernière, Zelensky a remercié le Royaume et le prince héritier Mohammed ben Salmane pour leurs efforts visant à négocier le plus grand échange de prisonniers depuis le début de la guerre, avec près de 300 détenus échangés. «Compte tenu des liens que le prince héritier entretient avec la Russie, il y avait probablement de bonnes chances de succès et je lui suis très reconnaissant pour ce brillant résultat», a-t-il déclaré. 

D'ailleurs, deux Américains faisaient partie des prisonniers libérés par la Russie — et si la Maison Blanche et le Département d'État ont publié de brèves déclarations remerciant Riyad pour son rôle, le silence des pourfendeurs de l'Arabie saoudite au Congrès était assourdissant. Certainement, les élections de mi-mandat sont prévues dans moins de quatre semaines, et remercier le Royaume ne fait assurément pas gagner de voix. 

Il ne s'agit pas d'une critique visant uniquement les démocrates. Riyad a noué de très bonnes relations dans le passé avec les deux principaux partis politiques américains. Il s'agit plutôt d'un appel aux politiciens opportunistes pour qu'ils cessent de traiter le Royaume comme un ballon de football électoral, auquel il faut donner un coup de pied chaque fois que les Américains se rendent aux urnes. Les Saoudiens ne sont pas responsables de vos problèmes internes, ni de vos décisions malavisées.

Prenons l'exemple de l'appel récent de certains démocrates en faveur de l'arrêt des ventes d'armes américaines à l'Arabie saoudite. Si cet appel est évidemment bien accueilli par certains électeurs, il soulève de sérieuses questions sur la capacité élémentaire d'analyse de ces politiciens.

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«Le Texas est beaucoup plus proche que Riyad. Mais il est possible que Biden se sente paralysé par la promesse qu'il a faite lors de la campagne électorale dans le New Hampshire en février 2020.»

 Faisal J. Abbas, Rédacteur en chef

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Permettez-moi de simplifier les choses pour eux. La milice houthie soutenue par Téhéran au Yémen utilise des drones iraniens (les mêmes que ceux utilisés par la Russie contre l'Ukraine) pour prendre pour cibles non seulement les civils saoudiens, mais aussi les infrastructures énergétiques saoudiennes. Que se passe-t-il lorsque la capacité du Royaume à se défendre est limitée par des décisions américaines malavisées et que l'approvisionnement en carburant est restreint parce qu'un drone a fait sauter une raffinerie? Principe économique de base: les prix vont augmenter — précisément le résultat que ces politiciens disent vouloir éviter! 

Les Américains doivent comprendre que le prix du carburant à la pompe pour les automobilistes américains — la question qui préoccupe tant les politiciens américains à l'approche du jour du scrutin — est la conséquence de décisions prises non pas à Vienne ou à Riyad, mais à Washington. Comme l'a si bien fait remarquer le ministre d'État saoudien, Adel al-Jubeir, à Fox News: «La raison pour laquelle vous avez des prix élevés aux États-Unis est que vous avez une pénurie de raffinage qui existe depuis plus de 20 ans. Vous n'avez pas construit de raffineries depuis des décennies.»  

Un dernier point: si le prix de l'essence est une préoccupation si importante pour l'administration Biden, les leviers d'actions pour en limiter la flambée sont internes. Les Etats-Unis sont le plus grand producteur de pétrole au monde et le Texas est bien plus proche de Washington que Riyad. Mais il est possible que le président se sente paralysé par la promesse qu'il a faite lors de sa campagne électorale dans le New Hampshire en février 2020: «Il n’y aura plus de forage sur les terres fédérales, point final.» — une autre erreur de jugement dont la responsabilité peut difficilement être attribuée à l'Arabie saoudite.

Comme tant de problèmes américains, le prix du carburant peut être résolu aux États-Unis. Mais il faudrait pour cela que les démocrates ravalent leur fierté, qu'ils soient raisonnables dans leurs négociations avec leurs collègues députés républicains au Congrès et qu'ils fassent passer les intérêts de l'Amérique en premier — En seront-ils capables ? Cela reste à prouver ! 

 

Twitter : @FaisalJAbbas

 

Les opinions exprimées par les auteurs de cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com