Carlos Ghosn : La France m'a abandonné «sur le bord de la route»

«On aurait dû me le dire tout de suite, je serais sorti, tout ça aurait pu être évité. Parce que, moi je suis une victime bien sûr, mais il n’y a pas que moi...» confie Carlos Ghosn à Arab News en français. (AFP).
«On aurait dû me le dire tout de suite, je serais sorti, tout ça aurait pu être évité. Parce que, moi je suis une victime bien sûr, mais il n’y a pas que moi...» confie Carlos Ghosn à Arab News en français. (AFP).
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Publié le Lundi 09 novembre 2020

Carlos Ghosn : La France m'a abandonné «sur le bord de la route»

  • Carlos Ghosn accorde un entretien spécial à Arab News à l’occasion de la sortie de son livre, « le Temps de la vérité »
  • Le Japon ne pourra continuer d’être une grande puissance économique et une bonne destination touristique si le système de l’otage n’est pas aboli

Carlos Ghosn, quelle vérité est la plus dure à admettre ?

Il n’y a pas qu’une … il y a beaucoup de vérités, plutôt des réalités dures à admettre. Que je dédie une très grande partie de ma vie professionnelle à une entreprise à l’époque donnée pour morte (…) dix-sept ans de direction générale de Nissan donc, puisque j’ai abandonné ce poste fin 2016, dans un pays qui n’est pas particulièrement connu pour son ingratitude, et là tout d’un coup: ce choc, ce traitement, cette haine, cette revanche!

La deuxième réalité, c’est le lâchage et l’abandon de la France ! Je n’étais pas allé au Japon en tant que touriste, mais bien en tant que patron d’une entreprise française d’envergure, en tant que patron d’une alliance où les intérêts français étaient dominants.

Et là, coup de théâtre, au bout de quelques jours ils disent : «les intérêts supérieurs de la France résident dans l’alliance, dans les relations avec les Japonais».

Et moi, j’ai été abandonné sur le bord de la route !

Mon arrestation portait un objectif particulier; les Japonais se sont dit : «on en a marre de l’influence de l’État français sur Renault, et des demandes faites par l’administration française vis-à-vis des Japonais» (Photo, AFP)
Mon arrestation portait un objectif particulier; les Japonais se sont dit : «On en a marre de l’influence de l’État français sur Renault, et des demandes faites par l’administration française vis-à-vis des Japonais» (Photo, AFP)

Comment un fin renard comme vous, connu pour son flair et sa vision, n’a rien vu venir ?

J’avais des doutes de temps en temps, je restais prudent, mais il est vrai que j’ai été surpris par toute cette action. Il pouvait y avoir quelques malentendus, notamment sur les engagements salariaux qui pouvaient être faits après la retraite. Mais ils n’étaient ni décidés ni payés, et jamais je n’aurais imaginé qu'un différend de ce genre finirait par une arrestation, c’était un choc !

C’était une vaste supercherie! Mon arrestation portait un objectif particulier; les Japonais se sont dit : «On en a marre de l’influence de l’État français sur Renault, et des demandes faites par l’administration française vis-à-vis des Japonais». Ils ont très vite constaté que le seul moyen de couper cette influence, c’était de me sortir.

Vous êtes donc le bouc émissaire ?

Bouc émissaire ou pas, je ne sais pas, mais une décision a été prise. Ça aurait pu se passer différemment car je suis ferme, décisif, mais je ne suis pas partisan d'une ligne dure. (…) Je savais très bien que si les Japonais ne voulaient plus de cette alliance, la garder en vie serait compliqué.

On aurait dû me le dire tout de suite, je serais sorti, tout ça aurait pu être évité. Parce que, moi je suis une victime bien sûr, mais il n’y a pas que moi. Nissan en tant qu’entreprise est une victime, au même titre que Renault. Tous les petits génies qui ont monté cette opération, (…) j’espère les voir un jour rendre des comptes.

Carlos Ghosn, en quelques minutes, vous êtes passé de personnage à… une « affaire ». Comment pouvez-vous résumer cette affaire ?  

C’est une mauvaise affaire. Pour moi c’est un complot, une machination menée avec succès. Elle naît dans un petit groupe qui lie le gouvernement japonais au Procureur, et prend son envol avec la collusion de la presse japonaise, ravie de rendre service. La presse n’était que louanges jusqu’au moment de mon arrestation, et puis, tout d’un coup, en vingt-quatre heures, c’était fini!

J’étais devenu le vilain canard, le dictateur cupide ! C’est la description faite devant le public japonais, qui n’en revenait pas. J’ai passé plusieurs mois au Japon après mon arrestation, et quand je me baladais à Tokyo les gens étaient toujours très aimables, comme si de rien n’était! Ils étaient surpris de voir cet homme, présenté comme étant un «role model» pendant dix-sept ans, traité tout d’un coup en pestiféré. Non seulement on l’accuse d’actes ignobles, mais on critique de surcroît son management, soi-disant absolument horrible, alors que, vous le savez bien, plusieurs bouquins de management ont été écrits, qu’il y avait des références... ! Ça ne tient pas la route !

J’étais devenu le vilain canard, le dictateur cupide ! C’est la description faite devant le public japonais, qui n’en revenait pas (Photo, AFP)
J’étais devenu le vilain canard, le dictateur cupide ! C’est la description faite devant le public japonais, qui n’en revenait pas (Photo, AFP)

Le fait d’écrire ce livre est pour vous une catharsis ?

Je n’écris pas ce livre pour me soigner, je l’écris car il y a eu tellement de mensonges et de manipulations, avec la complicité de la presse internationale. Il faut par conséquent créer un contrepoids de vérité, avec des éléments solides qui racontent les événements tels qu’ils ont eu lieu. La vérité finit toujours par triompher.

Il n’y a pas que ce livre, un deuxième est prévu pour mars ou avril, sur un thème différent. Deux séries télévisées sont en préparation, l’une documentaire et l’autre fictive, parce que cette histoire est extrêmement riche, complexe, et met en cause plusieurs aspects de notre époque.

Dans toute cette affaire, y a-t-il un moment qui vous révolte le plus ?

La façon dont ma famille a été traitée: c’est incompréhensible!

Quelle question a-t-elle été la plus sensible de votre interrogatoire ?

Il y avait cette rengaine qui revenait constamment dans le discours des procureurs : «vous feriez mieux d’avouer tel ou tel crime, sinon on va rajouter des accusations. Et si vous persistez dans cette attitude, on ira enquêter du côté de votre épouse, de votre famille». Cela m’a fait réaliser que même s’ils n’avaient rien contre moi, mon nom paraissait dans la presse dans un contexte de suspicion, et le mal était déjà fait.

On l’appelle « système de l’otage » au Japon, et le terme ne vient pas de moi, mais de l’Organisation des Nations Unies (Photo, AFP)
On l’appelle « système de l’otage » au Japon, et le terme ne vient pas de moi, mais de l’Organisation des Nations unies (Photo, AFP)

C’est le «character assassination» dont vous parliez…

Oui, mais «collective character assassination!»

On l’appelle « système de l’otage » au Japon, et le terme ne vient pas de moi, mais de l’Organisation des Nations unies (ONU). L’ONU a d’ailleurs déjà mis en cause ce système il y a quatre ans.

Je trouve absolument choquant que le Japon obtienne des accords internationaux, comme ceux du libre-échange avec l’Europe, sur la base du respect des droits de l’homme. On signe ces ententes mais on ne les respecte pas ! C’est une affaire de dupes !

Comment avez-vous vécu cette « chute » ?

Je débarquais d’un univers où j’avais trois entreprises et un emploi du temps saturé, et tout d’un coup, plus rien. Imaginez-vous dans une cellule de prison, démuni, vous n’avez pas de montre, pas de ceinture, quelques bouquins, c’est tout ! Du jour au lendemain! Le choc est très dur, mais il faut s’adapter, ça s’est fait.

Des «fuites» quotidiennes dans la presse, orchestrées par le procureur de Tokyo, à votre fuite, la cavale du siècle orchestrée avec brio! Quelle revanche pour vous ! Qu’avez-vous éprouvé ?

Franchement, je n’ai pas quitté le Japon par défi, je l’ai quitté par désespoir, le désespoir d’obtenir gain de cause. (…) Une peine de mort avait été prononcée quelque part contre moi, et on était en train de l’exécuter. Et ce n’est pas une mort spectaculaire non plus: on vous met en prison, on prend cinq ans avant de vous juger, on vous ruine, on salit votre réputation, et on ne vous laisse pas parler!

C’est le sadisme du procureur japonais, en collusion avec le Vieux Nissan et des membres du gouvernement. Il ne faut pas oublier cette composante : jamais une affaire de ce type ne serait arrivée sans la complicité, si ce n’est l’initiative, du ministère de l'Industrie qui est très puissant au Japon.

Il a été question de l’affaire Juffali, mais aussi de l’affaire d’Oman qui a permis au procureur de vous renvoyer en prison ! Pourquoi cible-t-on des personnalités du Golfe à votre avis ?

D’abord, ils connaissent mes racines orientales, moi je venais assez souvent au Liban pour traiter des affaires qui concernait le Moyen-Orient.

De plus, il y avait une très grande sympathie pour moi dans le monde arabe, j’étais l’un des rares grands chefs d’entreprises issu du monde arabe. Auraient-ils trouvé un dealer japonais, ça n’aurait pas été aussi salace comme histoire qu’un saoudien ou un omanais !

Ils l’ont fait sciemment parce qu’ils savaient que j’avais des relations d’amitié avec un certain nombre d’entre eux. Mais ce n’est pas une amitié compromettante, ce sont de très bons distributeurs, de très bons hommes d’affaires, et ça, n’est pas du tout contesté. Ils l’ont fait pour introduire un côté un peu louche, se disant : «Au Moyen Orient, les relations ne sont pas aussi nettes que dans d’autres pays ». Ils ont utilisé ce préjugé, c’était très bien ficelé comme stratagème. C’est un coup monté avec la collaboration d’entreprises spécialisées dans la démolition de réputations. La facture était salée. Selon Bloomberg, plus de 200 millions de dollars ont été dépensés par Nissan, pour des prétendus dommages de 5 millions de dollars!

Quel est votre message aux Japonais ?

D’abord, que le véritable Carlos Ghosn n’est pas celui qu’on vous dépeint dans les médias, mais bien celui que vos connaissiez pendant dix-sept ans. Je leur dirai aussi que le Japon ne pourra continuer d’être une grande puissance économique et une bonne destination touristique si le système de l’otage n’est pas aboli ! Nombreux sont ceux qui le demandent au Japon.

D’après ce livre, vous avez été poignardé dans le dos par le Japon et lâché par la France. C’est au Liban que vous avez trouvé refuge finalement. C’est donc le seul pays sur lequel vous pouvez compter ?

C’est un fait, je ne peux pas le nier. Le président de la République libanaise a tenu une position très courageuse, même s’il n’a pas d’intérêt politique particulier dans cette affaire. J’étais patron de Renault, patron de Nissan et non pas patron d’une grande entreprise libanaise. C’est pourtant le seul à prendre position, et il a interrogé les autorités japonaises et l’ambassadeur du Japon. C’est le seul que mon épouse ait pu voir. Aucun officiel français ne l’a reçue à part l’ancien président Sarkozy, à l’attitude remarquable dans cette affaire d’ailleurs. Quiconque dit que la France ne m’a pas lâché, n’a pas suivi cette histoire et ne l’a pas comprise.

Et si je suis aujourd’hui au Liban, entre autres, c’est que j’ai senti une sincérité, une authenticité chez les autorités libanaises qui ne comprenaient pas: «Cet homme, qu’est-ce qu’il vous a fait ?»


Proportionnelle: Bayrou consulte mais les avis divergent

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  • Le Premier ministre recevra chacun des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, suivant un ordre lié à leur importance numérique
  • François Bayrou défend un scrutin à la proportionnelle intégrale, dans tous les départements, pour les élections législatives, alors que depuis l'instauration de la Ve République, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours

PARIS: François Bayrou entame mercredi avec le Rassemblement national une série de consultations des forces politiques sur la proportionnelle, que lui-même réclame depuis longtemps mais sur laquelle les désaccords restent nombreux.

Le Premier ministre recevra chacun des chefs de partis et des présidents de groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale, suivant un ordre lié à leur importance numérique.

La cheffe de file des députés RN Marine Le Pen, qui forment le groupe le plus important à l'Assemblée, et le président du parti à la flamme Jordan Bardella seront ainsi reçus en premier à 10H00.

Suivra un entretien jeudi 1er mai à 17H00 avec le président du groupe macroniste et du parti Renaissance Gabriel Attal. Il sera accompagné par le député Pierre Cazeneuve, qui a mené une analyse comparative des différents modes de scrutin.

François Bayrou défend un scrutin à la proportionnelle intégrale, dans tous les départements, pour les élections législatives, alors que depuis l'instauration de la Ve République - à l'exception des législatives de 1986 -, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Le RN réclame lui aussi la proportionnelle, mais avec une prime majoritaire pour la liste arrivée en tête. "La tripolarisation de la vie politique entraîne une absence de majorité", a soutenu mardi Mme Le Pen, qui "n'imagine pas que le Premier ministre (...) puisse reculer sur ce sujet".

"Moins pire" 

En discutant de cette revendication commune avec le RN, François Bayrou espère sans doute faire baisser la tension avec l'extrême droite, qui fait planer la menace d'une motion de censure contre son gouvernement.

Le RN dénonce l'absence de perspectives législatives sur la proportionnelle, sur l'immigration ainsi que sur la feuille de route énergétique (programmation pluriannuelle de l'énergie, PPE). François Bayrou l'a à cet égard ménagé lundi en reportant la date de publication d'un décret sur la PPE.

Mais le Premier ministre n'est pas assuré d'avoir cette fois le soutien des macronistes, traversés par moult "interrogations", selon Pierre Cazeneuve.

En 2018, le président Emmanuel Macron avait souhaité l'instauration d'un système mixte avec 15% des députés élus à la proportionnelle, puis la réforme avait été abandonnée.

Or les députés Renaissance considèrent désormais que le mode de scrutin actuel est "le moins pire", car la "distorsion" entre le nombre de voix et le nombre de députés "n'existe plus" dans l'Assemblée actuelle, et ce changement n'est "pas forcément une priorité" pour les Français au vu du nouveau contexte international, a expliqué M. Cazeneuve lors d'un point presse.

Cumul des mandats 

Gabriel Attal et Pierre Cazeneuve entendent jeudi élargir le débat à la question de "l'efficacité de l'action publique", en reparlant de la réduction du nombre de parlementaires et de la "simplification du millefeuille administratif".

Mais ils jugent "délétère" de proposer la proportionnelle en échange du cumul des mandats, soutenu avec force par François Bayrou.

Le président du parti Horizons Edouard Philippe défend pour sa part le scrutin majoritaire, qui "impose un lien entre un député et les électeurs d'un territoire". Il pourrait soutenir la proportionnelle "si était rétablie la possibilité de cumuler un mandat exécutif local et le mandat parlementaire".

Les indépendants du groupe Liot sont "plutôt largement très défavorables" à réformer le mode de scrutin, selon son président Laurent Panifous.

A droite, Les Républicains (LR) y sont fermement opposés, comme l'a rappelé Laurent Wauquiez.

"La proportionnelle aboutira à ce qu'on va institutionnaliser le chaos politique qu'on connaît en ce moment", a tonné le patron de la droite dimanche, avant de critiquer mardi la "hiérarchie des priorités" du gouvernement dans un pays "qui est ruiné" et "où il y a une telle explosion de l'insécurité et de l'immigration", au vu des "menaces" sur le plan international.

Le gouvernement souhaite pouvoir légiférer à ce sujet "avant la fin de la session parlementaire si le débat est mûr", a précisé mercredi sa porte-parole LR Sophie Primas.

D'autres partis, notamment à gauche, souhaitent une évolution du mode de scrutin.

Mais le PS est divisé. L'ancien président François Hollande est pour, tandis que son Premier secrétaire Olivier Faure est contre à titre personnel.

Le député PS Emmanuel Grégoire a rappelé mardi que "derrière ce mot un peu vague de proportionnelle, se cache une subtilité immense, immense, de déclinaisons pratiques".


Assemblée: la gauche s'insurge contre le refus d'une minute de silence pour la victime de la mosquée du Gard

La députée de La France Insoumise - Nouveau Front Populaire et présidente de la commission parlementaire des affaires économiques, Aurélie Trouve, s'exprime lors d'une déclaration du gouvernement et d'un débat parlementaire sur la souveraineté énergétique de la France à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 28 avril 2025. (AFP)
La députée de La France Insoumise - Nouveau Front Populaire et présidente de la commission parlementaire des affaires économiques, Aurélie Trouve, s'exprime lors d'une déclaration du gouvernement et d'un débat parlementaire sur la souveraineté énergétique de la France à l'Assemblée nationale française, à Paris, le 28 avril 2025. (AFP)
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  • La gauche s'est insurgée mardi contre l'absence de minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau vendredi dans une mosquée du Gard
  • Le parti de gauche a annoncé avoir essuyé un refus de Mme Braun-Pivet au motif qu'il "n'y a pas de minute de silence pour des cas individuels", a rapporté Aurélie Trouvé, députée LFI

PARIS: La gauche s'est insurgée mardi contre l'absence de minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à Aboubakar Cissé, tué de plusieurs dizaines de coups de couteau vendredi dans une mosquée du Gard.

La France insoumise, qui appelle à une "mobilisation nationale contre l'islamophobie" le dimanche 11 mai, a demandé à la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qu'une minute de silence soit observée mardi en ouverture de la séance des questions au gouvernement.

Le parti de gauche a toutefois annoncé avoir essuyé un refus de Mme Braun-Pivet au motif qu'il "n'y a pas de minute de silence pour des cas individuels", a rapporté Aurélie Trouvé, députée LFI (Seine-Saint-Denis).

La question a été soulevée en conférence des présidents, mais n'a pas recueilli de majorité de voix selon une source parlementaire, qui souligne que cette instance a décidé fin janvier "de ne plus faire de minutes de silence pour des cas individuels".

"On n'est pas sur un cas individuel, on est sur un meurtre islamophobe, sur un climat islamophobe dans le pays, et ne pas rendre hommage à Aboubakar Cissé est une très grave faute politique", a déploré le député LFI Thomas Portes.

Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, s'est dit sur X "scandalisé par le refus de Yaël Braun-Pivet d'accorder une minute de silence en hommage à Aboubakar Cissé". "Cet hommage républicain doit être rendu dans l'hémicycle", a abondé sur le même réseau social le patron des députés PS Boris Vallaud.

Benjamin Lucas, porte-parole du groupe écologiste, a lui-aussi regretté l'absence de cette minute de silence qui "aurait été un bon signal" envers "nos compatriotes musulmans qui sont insultés, injuriés en permanence".

Une décision également "vivement regrettée" par Stéphane Peu, chef du groupe communiste à l'Assemblée nationale. Son groupe posera mardi après-midi une question au gouvernement sur le meurtre d'Aboubakar Cissé.

Réunis autour de membres de la famille d'Aboubakar Cissé, mardi à l'Assemblée nationale, plusieurs leaders de gauche dont Olivier Faure et l'écologiste Marine Tondelier, ont insisté pour que cette minute de silence puisse avoir lieu.


Le procès d'un ex-rebelle syrien pour complicité de crimes de guerre s'est ouvert à Paris

Il s'agit du deuxième procès qui se tient en France concernant les crimes commis en Syrie, après un premier tenu par défaut en mai 2024 visant de hauts dignitaires du régime syrien, condamnés pour la disparition forcée et la mort de deux Franco-Syriens. (AFP)
Il s'agit du deuxième procès qui se tient en France concernant les crimes commis en Syrie, après un premier tenu par défaut en mai 2024 visant de hauts dignitaires du régime syrien, condamnés pour la disparition forcée et la mort de deux Franco-Syriens. (AFP)
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  • Cet ancien membre de Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), âgé aujourd'hui de 36 ans, conteste les accusations, affirmant n'avoir eu qu'un "rôle limité" dans ce groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien
  • Placé en détention provisoire depuis janvier 2020, il comparaît pour complicité de crimes de guerre et entente en vue de la préparation de crimes de guerre. Il est notamment soupçonné d'avoir aidé à enrôler des enfants ou des adolescents

PARIS: Le procès d'un ex-rebelle salafiste, Majdi Nema, pour complicité de crimes de guerre commis entre 2013 et 2016 en Syrie, s'est ouvert mardi devant la cour d'assises de Paris, qui peut le juger en vertu du principe de la compétence universelle de la justice française.

Cet ancien membre de Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), âgé aujourd'hui de 36 ans, conteste les accusations, affirmant n'avoir eu qu'un "rôle limité" dans ce groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien.

Placé en détention provisoire depuis janvier 2020, il comparaît pour complicité de crimes de guerre et entente en vue de la préparation de crimes de guerre. Il est notamment soupçonné d'avoir aidé à enrôler des enfants ou des adolescents dans les rangs des "Lionceaux de l'islam" et à les former à l'action armée.

Pour ces faits, il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

Echanges tendus 

Avant même l'ouverture des débats, les échanges ont été tendus entre les avocats de la défense, Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf, et le président de la cour d'assises, Jean-Marc Lavergne, ce dernier ayant refusé que l'accusé s'exprime en anglais, et exigé qu'il s'exprime dans sa langue maternelle, l'arabe.

Une injonction ignorée par Majdi Nema. Appelé à décliner son identité, l'accusé à la forte corpulence et aux rares cheveux coiffés en catogan, a répondu en anglais. "Il n'y a aucune preuve des faits qu'on me reproche", a-t-il déclaré d'emblée, qualifiant l'affaire de "purement politique".

Il s'agit du deuxième procès qui se tient en France concernant les crimes commis en Syrie, après un premier tenu par défaut en mai 2024 visant de hauts dignitaires du régime syrien, condamnés pour la disparition forcée et la mort de deux Franco-Syriens.

Ex-officier de l'armée syrienne, Majdi Nema avait fait défection en novembre 2012 pour rejoindre Zahran Alloush, fondateur et commandant en chef de Liwa al-Islam, devenu JAI en 2013. Ce groupe avait pris dès 2011 le contrôle de la Ghouta orientale, au nord-est de Damas, et est aujourd'hui soupçonné d'être impliqué dans la commission de crimes de guerre commis notamment au préjudice de la population civile.

Connu sous le nom de guerre d'Islam Alloush, il affirme avoir quitté la Ghouta orientale fin mai 2013 pour rejoindre la Turquie, d'où il agissait comme porte-parole de JAI, ce qui prouverait qu'il n'a pu commettre les crimes reprochés. Il dit avoir quitté le groupe en 2016.

En novembre 2019, il était arrivé en France pour suivre comme étudiant un cycle de conférences à l'Institut de recherche sur le monde arabe et musulman de l'université Aix-Marseille.

Compétence contestée 

Alors qu'une plainte avait été déposée en France contre JAI quelques mois auparavant, il avait été interpellé en janvier 2020 et mis en examen par un juge du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris.

Au terme de la procédure, il avait aussi été renvoyé devant les assises pour complicité de disparitions forcées. Il était mis en cause, en tant que membre de JAI, dans l'enlèvement le 9 décembre 2013 de quatre militants des droits humains, dont l'avocate et journaliste syrienne Razan Zeitouneh, jamais retrouvés.

Mais la cour d'appel de Paris a annulé ces poursuites en novembre 2023 pour des raisons procédurales, même si elle affirmait dans son arrêt que "Jaysh al-Islam doit être considéré comme responsable de la disparition" des quatre activistes. Ce qui avait été ensuite validé par la Cour de cassation.

Pendant l'instruction, la défense de Majdi Nema a contesté le principe de la compétence universelle de la justice française, qui lui permet de juger un étranger pour des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre commis à l'étranger contre des étrangers, mais la Cour de cassation a rejeté son pourvoi.

Avant le procès, les avocats de l'accusé ont souligné que la chute en décembre 2024 du régime de Bachar al-Assad ouvrait de nouvelles perspectives et posait la "question de la légitimité" de ce procès.

Pour Me Marc Bailly, avocat de plusieurs parties civiles dans ce dossier, "en l'état actuel, il est impossible de faire un procès en Syrie pour ces crimes".

Verdict prévu le 27 mai.