Les démocrates américains s’emballent

Joe Biden fait tomber ses notes lors d'une interview sur CNN mercredi (Photo, Capture CNN).
Joe Biden fait tomber ses notes lors d'une interview sur CNN mercredi (Photo, Capture CNN).
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Publié le Vendredi 14 octobre 2022

Les démocrates américains s’emballent

Les démocrates américains s’emballent
  • Tom Cotton, le sénateur Républicain de l'Arkansas, a révélé que la Maison Blanche n'avait aucune objection de principe à une réduction de la production de pétrole
  • Nous sommes en présence d’un cas flagrant où le parti démocrate fait passer ses propres intérêts en premier, en faisant croire qu’il se préoccupe de l'Ukraine

Ces derniers jours, un déluge d’opinions a émané de Washington au sujet de la décision de l'alliance des producteurs de l'Opep+ de réduire la production de pétrole de 2 millions de barils par jour à partir de novembre. La nature de ces opinions – allant d'hypothèses insultantes à l’intelligence à des informations complètement erronées – conduit à la conclusion inévitable qu'il est aujourd’hui extrêmement difficile de prendre au sérieux le discours de tout responsable américain à ce sujet.

Selon le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby, la vision saoudienne des événements – définie avec une clarté admirable dans une déclaration du ministère des Affaires étrangères jeudi, qui a indiqué que la décision sur la production de pétrole était un consensus de l’ensemble de l'alliance dans l’intérêt de la stabilité du marché mondial de l'énergie – n'est rien de plus qu'une «pirouette». Mais en vérité, toutes les «pirouettes» viennent de Washington, qui s’est lancée dans une frénésie embarrassante d'auto contradictions.

À titre d’exemple, malgré tous les discours indignés des législateurs démocrates qui ont supposé que l'Arabie saoudite avait renoncé à ses engagements en matière de prix du pétrole auprès du président, Joe Biden, le président lui-même a déclaré mercredi sur CNN que le pétrole n'avait en fait PAS été abordé lors de sa visite en Arabie saoudite en juillet, qui portait plutôt sur les intérêts stratégiques américains dans toute la région.

Par ailleurs, Tom Cotton, le sénateur Républicain de l'Arkansas, a révélé que la Maison Blanche n'avait aucune objection de principe à une réduction de la production de pétrole – mais qu’elle souhaitait simplement une annonce plus tardive afin de ne pas influencer les élections américaines de mi-mandat en novembre. Ce point de vue a été indirectement confirmé par la déclaration du ministère saoudien des Affaires étrangères, qui a précisé que les États-Unis avaient été consultés sur cette décision et avaient demandé qu'elle soit retardée d'un mois, mais pas annulée.

Nous sommes donc en présence d’un cas flagrant où le parti démocrate fait passer ses propres intérêts en premier, en faisant croire qu’il se préoccupe de l'Ukraine et de l'économie mondiale. Et si ce n'est pas là une manipulation, j’ignore ce que c'est.

En dépit de leurs avertissements alarmistes sur la décision de l'Opep+ «n'ayant aucun sens économique» – en d'autres termes, que les prix du pétrole monteraient en flèche – en fait, c'est précisément le contraire qui s'est produit.

Ce qui n'a indéniablement «aucun sens économique», c'est l'affirmation de Biden dans son interview sur CNN, selon laquelle il ne s'attend pas à une récession aux États-Unis. Le président en sait peut-être plus que les 70% d’économistes universitaires éminents interrogés par le Financial Times, qui estiment que l'économie américaine basculera dans une récession l'année prochaine.

Pour une vraie «pirouette», il est difficile de faire plus fort que l'affirmation selon laquelle, en réduisant sa production de pétrole, l'Arabie saoudite soutient d'une manière ou d'une autre la Russie dans sa guerre contre l'Ukraine. Sérieusement? La même Arabie saoudite qui a voté mercredi à l'ONU pour condamner l'annexion par la Russie du territoire ukrainien dans le Donbass? La même Arabie saoudite dont la position de principe a gagné la reconnaissance de l'ambassadeur d'Ukraine auprès du Royaume? La même Arabie saoudite qui a été remerciée par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky – dans ce même journal – pour son rôle dans la négociation d'un échange de prisonniers?

En fin de compte, si Biden et d'autres politiciens américains souhaitent dire que l'Arabie saoudite sert ses propres intérêts, ou que l'Opep+ sert les intérêts du marché mondial du pétrole, ce n'est pas une accusation – c'est un compliment. Le Royaume et l'alliance pétrolière ne feraient tout simplement que leur travail.

Ce qui n'est pas leur travail, c'est d'aider un parti politique américain en particulier à avoir du succès dans les urnes, au détriment de la stabilité du marché mondial du pétrole. Le ciel ne nous tombera pas sur la tête si l'une des deux chambres du Congrès américain change de majorité. Alors que si nous perdons le contrôle des marchés de l'énergie, l'impact pourrait être vraiment terrible.

 

Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News.

Twitter: @FaisalJAbbas

Clause de non-responsabilité: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com