Le régime iranien aveugle sombrera tôt ou tard

Le Guide suprême de l'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei, passe en revue les forces armées à Téhéran, en Iran, le 3 octobre 2022 (Photo, Reuters).
Le Guide suprême de l'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei, passe en revue les forces armées à Téhéran, en Iran, le 3 octobre 2022 (Photo, Reuters).
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Publié le Lundi 17 octobre 2022

Le régime iranien aveugle sombrera tôt ou tard

Le régime iranien aveugle sombrera tôt ou tard
  • L'un des principaux problèmes avec le gouvernement de l'Iran est que la révolution de 1979 n'a jamais eu pour but de créer une dictature théocratique
  • Il est naturel que le peuple iranien se soulève encore et encore contre l'establishment politique afin de parvenir à l'autodétermination

L'un des principaux problèmes avec le gouvernement de l'Iran est que la révolution de 1979 n'a jamais eu pour but de créer une dictature théocratique. L'écrasante majorité du peuple s'est révoltée contre le chah afin de mettre en place un gouvernement démocratique, inclusif et laïc.

Cependant, les religieux au pouvoir ont récupéré la révolution afin d’établir un système de gouvernement clérical absolu, avec l'ayatollah Khomeini comme Guide suprême. Aujourd'hui, le successeur de Khomeini, Ali Khamenei, semble superviser les actions qui visent à empêcher une nouvelle poussée vers la gouvernance démocratique en insistant sur le fait que l'opposition à la dictature théocratique équivaut à soutenir l'ennemi ou à approuver l'ancien establishment politique.

Par conséquent, il est naturel que le peuple iranien se soulève encore et encore contre l'establishment politique afin de parvenir à l'autodétermination et à un système de gouvernance démocratique. Comme nous le constatons, la fréquence des protestations généralisées a augmenté au cours de la dernière décennie, ce qui correspond exactement à ce qui s'est passé dans les années 1970, quand la dissidence a crû année après année jusqu'à atteindre le point d'ébullition.

La série de soulèvements observés dans le pays ces dernières années révèle la profondeur du soutien populaire au changement de régime. Par exemple, à la fin de l’année 2017, une manifestation due à l'état de l'économie iranienne a débuté dans la ville de Machhad avant de s'étendre rapidement et de prendre également un tour de plus en plus politique. En 2018, le mouvement a englobé un très grand nombre de villes et de villages, chacun d'entre eux se révélant un terrain propice à d’inhabituels slogans provocateurs. Parmi ces derniers, citons «Mort au dictateur», «Radicaux, réformateurs, fin de partie» et «Notre ennemi est ici». D'autres protestations ont eu lieu en 2019, 2020 et 2021.

Non seulement le nombre de protestations augmente, mais leur durée s'allonge, car la peur des gens face à l'establishment théocratique diminue. Certains slogans qui étaient impensables il y a quelques années, comme «Mort à Khamenei», sont désormais monnaie courante. En réalité, Khamenei, en tant que principale figure de la théocratie, est devenu un élément récurrent des slogans des manifestants.

L'autre problème est que le régime iranien n'a pas tiré de leçon des autres dictatures qui ont été renversées en dépit de la puissance qu’elles dégageaient. Le régime pense qu'il est différent des autres dictatures parce qu'il dispose d'une puissante force militaire et policière et qu'il peut supprimer l'opposition et la dissidence par la force brute. Mais plus il utilise la violence pour réprimer les manifestants, plus il alimente les manifestations et la colère du peuple. Par conséquent, il se trouve confiné dans un cercle vicieux qui se terminera tôt ou tard par la victoire du peuple – comme l'histoire l'a montré à maintes reprises.

Les forces de sécurité et antiémeutes du régime ont été déployées en force dans le cadre des manifestations actuelles, tirant sur les gens, arrêtant et tuant des manifestants, utilisant des canons à eau pour disperser les foules et suscitant le slogan «Honte à vous» du côté des personnes qui refusent de céder du terrain. Les manifestants n’ont de cesse de demander au régime de libérer l’ensemble des prisonniers politiques.

Il convient de noter que la témérité, le courage et le rôle moteur des femmes ont été exceptionnels tout au long des manifestations de ces dernières années. Des dizaines de vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux en témoignent. Dans une vidéo de 2017, une femme se tient devant les forces de sécurité et crie «Mort à Khamenei» – une infraction passible de la peine de mort.

La nature politique des protestations est claire depuis des années, même si l'impulsion sous-jacente pourrait être la situation économique, liée en particulier à la vaste corruption financière qui imprègne le régime.

La série de soulèvements observés dans le pays ces dernières années révèle la profondeur du soutien populaire en faveur d'un changement de régime.

Dr Majid Rafizadeh

L'autre caractéristique que les dirigeants du régime iranien partagent avec d'autres dictateurs est qu'ils se font des illusions sur la situation du peuple, ce qui les déconnecte de son écrasante majorité. Par exemple, la semaine dernière, Khamenei a rompu son silence en insistant sur le fait que les jeunes Iraniens avaient un avenir «prometteur». Il a déclaré: «Aujourd'hui, une campagne de propagande fallacieuse tente de prouver le contraire. Le but de cette propagande est d'insinuer que la jeunesse iranienne a perdu ses valeurs, qu’elle n'a aucun espoir en l'avenir et qu’elle ne se sent pas responsable. Il existe une propagande qui vise sérieusement cet objectif, mais la réalité est tout autre.»

Le Guide suprême a ajouté: «Notre jeune génération a brillamment progressé dans tous les domaines jusqu'à aujourd'hui. Si Dieu le veut, elle continuera à faire de même à l'avenir, que ce soit pour défendre leur patrie, pour préserver la sécurité ou pour aider le front de la résistance dans l’ensemble de la région.»

Cependant, le régime aveugle et répressif qui dirige actuellement l'Iran sombrera tôt ou tard.

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
Twitter: @Dr_Rafizadeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com