Feu vert des députés à une hausse des crédits du ministère de l'Intérieur

Le porte-parole du gouvernement français Olivier Veran (à gauche) et le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin après avoir participé à la réunion hebdomadaire du cabinet à l'Elysée, le 10 novembre 2022 (Photo, AFP).
Le porte-parole du gouvernement français Olivier Veran (à gauche) et le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin après avoir participé à la réunion hebdomadaire du cabinet à l'Elysée, le 10 novembre 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 15 novembre 2022

Feu vert des députés à une hausse des crédits du ministère de l'Intérieur

  • Les députés Les Républicains et RN présents ont largement voté pour
  • Les députés LFI ont voté contre et les socialistes n'ont pas pris part au scrutin

PARIS: Les députés ont donné leur feu vert à une hausse des crédits du ministère de l'Intérieur d'environ 15 milliards d'euros sur cinq ans, lors de l'examen d'un projet de loi de programmation et d'orientation auquel la droite ne fera "pas obstruction".

Lors d'une séance poussive lundi soir, avec des prises de paroles parfois tendues, les députés n'auront abordé qu'une vingtaine d'amendements. Ils ont toutefois adopté en fin de séance le premier article examiné (article 2), qui prévoit cette hausse pour 2023-2027.

Plusieurs députés, dans l'opposition et dans la majorité, ont annoncé qu'ils surveilleraient la validation de cette programmation dans les prochains budgets annuels du ministère.

Les députés Les Républicains et RN présents ont largement voté pour. Les députés LFI ont voté contre et les socialistes n'ont pas pris part au scrutin.

Plus tôt lundi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait rappelé que le projet de loi avait été largement approuvé par le Sénat à majorité de droite (avec les voix des socialistes), et appelé les députés à adopter une réponse au "manque de moyens structurels depuis plus de trente années".

Les parlementaires soutiennent globalement une augmentation des moyens pour les forces de l'ordre mais se divisent sur leur fléchage. Les députés Insoumis ont déposé sans succès une motion de rejet préalable.

"Je ne vote pas 15 milliards à l'aveugle et je ne vote pas 15 milliards pour accomplir la politique de Gérald Darmanin", a insisté Ugo Bernalicis, accusant le ministre de vouloir des policiers "entre Terminator et Robocop", au lieu d'une "police de proximité nécessaire".

"Je connais votre projet, c'était de désarmer la police", a rétorqué Gérald Darmanin, arguant que les créations de postes prévues étaient détaillées.

Des députés de gauche ont également plaidé contre une extension des amendes forfaitaires à une vingtaine de délits supplémentaires, notamment d'entrave à la circulation routière. Ils y voient une offensive déguisée contre les actions des gilets jaunes ou des militants pour le climat.

Ces extensions font "pencher le texte vers un dangereux slogan: le problème de la police serait la justice", a dénoncé la communiste Elsa Faucillon.

"Nous partageons la volonté d'améliorer le lien entre police et population. Nous divergeons sur la méthode", a insisté l'écologiste Sandra Regol.

"La menace est plutôt du côté des policiers à vous entendre (...) On a une vision totalement différente", a sèchement acté le ministre.

Insoumis, écologistes et communistes se préparent majoritairement à voter contre le projet de loi.

LR ne fera «pas obstruction»

Leurs alliés socialistes partent d'une position moins hostile. Saluant "beaucoup de choses intéressantes", notamment des mesures de "modernisation", Roger Vicot a déploré des angles morts, notamment sur les "relations police-population".

Il a également fait valoir qu'un "rapport annexe" au projet de loi, sorte de feuille de route du ministère pour les cinq prochaines années, "fix(ait) le cadre de la départementalisation qui va permettre (...) la réforme de la police judiciaire", très critiquée.

Le rapport sera débattu à la fin de l'examen du texte, prévu en fin de semaine.

Pour Les Républicains, Ian Boucard a déploré un contenu "insuffisant" mais il a reconnu des "avancées": "Nous ne ferons pas obstruction à ce projet de loi nécessaire", a-t-il déclaré. En commission, les LR ont obtenu le quasi doublement des places en centres de rétention administrative, pour les étrangers en situation irrégulière.

En l'absence de majorité absolue, le camp présidentiel devrait compter sur la droite pour faire passer son texte.

Côté Rassemblement national, Jordan Guitton a fustigé une absence de "volonté politique" du gouvernement sur la sécurité mais il a aussi qualifié le texte d'"avancée bonne à prendre".

"On n'a toujours pas compris si vous votiez ou pas le texte", a ironisé Gérald Darmanin.

Cybercriminalité et procédure pénale

Près de la moitié des 15 milliards d'euros doit être dédiée à la transformation numérique. 8.500 postes de policiers et gendarmes doivent être créés sur le quinquennat, avec onze nouvelles unités de forces mobiles et 200 brigades de gendarmerie.

Contre la cybercriminalité, le texte permet les saisies d'actifs numériques. Il prévoit par ailleurs de réprimer plus sévèrement l'outrage sexiste et comporte plusieurs mesures de simplification de la procédure pénale. Dans certains cas, les victimes pourront déposer plainte en visioconférence.

Les sénateurs ont alourdi les peines encourues pour les violences faites aux élus, les rodéos urbains et les refus d'obtempérer. Depuis le début de l'année, douze personnes sont décédées après des tirs de la police lors de refus d'obtempérer.

Autre point sensible: la feuille de route annexée au projet de loi évoque le renforcement des prérogatives des garde-frontières de Frontex, l'agence européenne de surveillance des frontières.


Les deux ex-prisonniers français disent qu'ils n'auraient «pas tenu» en Iran sans le soutien en France 

Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français sortis mardi de prison en Iran et installés à l'ambassade de France à Téhéran, ont dit qu'ils n'auraient pu endurer une si longue détention sans la mobilisation en France pour les soutenir, a dit mercredi l'ambassadeur. (AFP)
Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français sortis mardi de prison en Iran et installés à l'ambassade de France à Téhéran, ont dit qu'ils n'auraient pu endurer une si longue détention sans la mobilisation en France pour les soutenir, a dit mercredi l'ambassadeur. (AFP)
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  • "Ils m'ont demandé de passer un message pour dire à leurs familles, mais aussi à tous ceux qui les ont soutenus en France, que sans ce soutien, il n'auraient pas pu tenir", a dit Pierre Cochard sur la radio publique France Inter
  • "Il faut attendre le diagnostic des médecins, mais je les ai trouvés d'abord très heureux, très soulagés tous les deux, par cette libération, on le comprend après trois ans et demi de détention dans des conditions difficiles", a ajouté le diplomate

PARIS: Cécile Kohler et Jacques Paris, les deux Français sortis mardi de prison en Iran et installés à l'ambassade de France à Téhéran, ont dit qu'ils n'auraient pu endurer une si longue détention sans la mobilisation en France pour les soutenir, a dit mercredi l'ambassadeur.

"Ils m'ont demandé de passer un message pour dire à leurs familles, mais aussi à tous ceux qui les ont soutenus en France, que sans ce soutien, il n'auraient pas pu tenir", a dit Pierre Cochard sur la radio publique France Inter.

"Il faut attendre le diagnostic des médecins, mais je les ai trouvés d'abord très heureux, très soulagés tous les deux, par cette libération, on le comprend après trois ans et demi de détention dans des conditions difficiles", a ajouté le diplomate.

Après trois ans et demi de détention, ils ont été remis lundi aux autorités françaises à Téhéran et se trouvent actuellement à l'ambassade de France.

Pour autant, ils ne sont pas autorisés à quitter le territoire de la République islamique.

De son côté, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a souligné sur la radio privée RTL que la France n'avait "pas de certitude sur le moment où" la libération définitive de Cécile Kohler et Jacques Paris interviendrait.

"Mais nous n'allons ménager aucun effort pour obtenir leur retour en France dans les meilleurs délais", a-t-il promis.

"Ce n'est qu'une étape, et nous allons continuer à nous mobiliser sans relâche pour obtenir leur libération définitive", a-t-il ajouté, insistant par ailleurs sur la discrétion nécessaire pour "garantir le succès de ce type de manœuvre diplomatique".

"Donc nous ne révélons pas le détail de ces discussions que nous avons avec les autorités à tous les niveaux du Président de la République jusqu'à l'ambassadeur à Téhéran que je veux féliciter pour sa mobilisation", a ajouté le ministre alors que les autorités iraniennes ont évoqué dès septembre un accord sur un échange de prisonniers.

Depuis une dizaine d'années, l'Iran multiplie les arrestations de ressortissants occidentaux, notamment français, les accusant le plus souvent d'espionnage, afin de les utiliser comme monnaie d'échange pour relâcher des Iraniens emprisonnés dans des pays occidentaux ou afin d'obtenir des gages politiques.

Au moins une vingtaine d'Occidentaux seraient encore détenus, selon des sources diplomatiques.

Dans le cas de Cécile Kohler et Jacques Paris, Téhéran a rendu publique le 11 septembre la possibilité d'un accord de libération des deux Français en échange de Mahdieh Esfandiari, une Iranienne arrêtée en France en février pour avoir fait la promotion du terrorisme sur les réseaux sociaux. Son avocat français, Me Nabil Boudi, s'est réjoui de la libération Cécile Kohler et Jacques Paris, assurant que sa cliente a été "détenue injustement".

Celle-ci a été libérée sous contrôle judiciaire dans l'attente de son procès prévu en janvier.


Fin de vie: Falorni et Biétry demandent un référendum à Macron avant l'été, faute de loi

Le député Olivier Falorni, à l'origine des propositions de loi sur la fin de vie, et l'ancien journaliste Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, ont demandé mardi à Emmanuel Macron d'organiser un référendum sur ces textes avant l'été, faute d'adoption parlementaire. (AFP)
Le député Olivier Falorni, à l'origine des propositions de loi sur la fin de vie, et l'ancien journaliste Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, ont demandé mardi à Emmanuel Macron d'organiser un référendum sur ces textes avant l'été, faute d'adoption parlementaire. (AFP)
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  • Deux propositions de loi, une première consensuelle sur les soins palliatifs, et une autre, nettement plus sensible, sur la création d'une aide à mourir, ont été votées fin mai en première lecture à l'Assemblée
  • Plusieurs sources parlementaires ont évoqué ces dernières semaines un examen en janvier à la chambre haute, où la majorité de droite pourrait modifier les textes

BORDEAUX: Le député Olivier Falorni, à l'origine des propositions de loi sur la fin de vie, et l'ancien journaliste Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, ont demandé mardi à Emmanuel Macron d'organiser un référendum sur ces textes avant l'été, faute d'adoption parlementaire.

Deux propositions de loi, une première consensuelle sur les soins palliatifs, et une autre, nettement plus sensible, sur la création d'une aide à mourir, ont été votées fin mai en première lecture à l'Assemblée, mais la chute du gouvernement de François Bayrou a reporté leur examen au Sénat.

Plusieurs sources parlementaires ont évoqué ces dernières semaines un examen en janvier à la chambre haute, où la majorité de droite pourrait modifier les textes, et le ministre des Relations avec le Parlement Laurent Panifous a annoncé la semaine dernière un nouveau débat à l'Assemblée en février.

"Le parcours de ce texte n'avance pas comme il le devrait. Régulièrement retardé, reporté, réinscrit puis de nouveau ajourné... Cela devient insupportable!", déplorent MM. Falorni et Biétry, dans un courrier remis mardi matin au président de la République à l'occasion d'une visite de M. Macron aux Assises de l'économie de la mer à La Rochelle, selon le député apparenté MoDem de Charente-Maritime.

"Pourtant, les malades en fin de vie, eux, n'ont pas le temps d'attendre. Vis-à-vis d'eux, cette situation de blocage est une forme d'indécence", ajoutent les deux hommes.

"C'est pour cela que, si cet enlisement se poursuivait en début d'année prochaine, nous vous demandons solennellement de consulter directement les Français par référendum avant l'été 2026 sur les textes de loi votés en mai dernier par les députés", poursuivent-il.

M. Macron avait lui-même évoqué en mai un référendum, en cas d'"enlisement" au Parlement, tout en précisant qu'il le ferait "avec beaucoup de précaution".

Il répondait alors à une interpellation de Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, à travers une courte vidéo où la question de l'ancien patron des sports de Canal+, qui aura 82 ans mercredi, était lue par une voix de synthèse.


Le procès du cimentier français Lafarge pour financement du terrorisme s'ouvre à Paris

Après avoir ouvert l'audience, peu après 13H00 GMT, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, a commencé à appeler un à un les prévenus à la barre pour leur énoncer les infractions dont ils sont accusés. (AFP)
Après avoir ouvert l'audience, peu après 13H00 GMT, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, a commencé à appeler un à un les prévenus à la barre pour leur énoncer les infractions dont ils sont accusés. (AFP)
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  • Le tribunal correctionnel les jugera jusqu'au 16 décembre pour financement d'entreprises terroristes, et pour certains aussi pour non-respect de sanctions financières internationales
  • Au côté de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, sont jugés à Paris l'ancien PDG du cimentier français Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens

PARIS: Le procès du groupe français Lafarge et de huit anciens responsables, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont le groupe Etat islamique, en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie, s'est ouvert mardi à Paris, une première en France pour une multinationale.

Après avoir ouvert l'audience, peu après 13H00 GMT, la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, a commencé à appeler un à un les prévenus à la barre pour leur énoncer les infractions dont ils sont accusés.

Le tribunal correctionnel les jugera jusqu'au 16 décembre pour financement d'entreprises terroristes, et pour certains aussi pour non-respect de sanctions financières internationales.

Au côté de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, sont jugés à Paris l'ancien PDG du cimentier français Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un, visé par un mandat d'arrêt international, devrait être absent au procès.

Lafarge est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes - dont certains, comme l'organisation Etat islamique (EI) et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes" - afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord de la Syrie.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction avait été achevée en 2010.

Intermédiaires 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Economie pour violation d'embargo et l'autre des associations Sherpa, Centre européen pour les droits constitutionnels (ECCHR) et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe issu de la fusion de 2015 - d'abord baptisé LafargeHolcim, puis renommé Holcim en 2021 -, qui a toujours pris soin de se désolidariser des faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux Etats-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars et accepté d'y payer une sanction financière colossale de 778 millions de dollars.

En France, Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

"Responsabilités des multinationales" 

Selon la défense de Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes, l'accord de plaider-coupable est une "atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait pour objectif "de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour l'ex-PDG, qui "attend de pouvoir enfin défendre son honneur, et de comprendre ce qui s'est passé", le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Sherpa, partie civile dans le dossier, estime de son côté que ce procès est une "occasion inédite pour la justice française de se pencher sur la responsabilité des multinationales lorsqu'elles opèrent dans des zones de conflit".

Un autre volet retentissant de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.