Le régime iranien pousse un soupir de soulagement

Le président iranien Hassan Rohani lors d'une conférence de presse à l'Assemblée générale des Nations Unies à New York, États-Unis, le 20 septembre 2017 (Photo, Reuters)
Le président iranien Hassan Rohani lors d'une conférence de presse à l'Assemblée générale des Nations Unies à New York, États-Unis, le 20 septembre 2017 (Photo, Reuters)
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Publié le Samedi 14 novembre 2020

Le régime iranien pousse un soupir de soulagement

Le régime iranien pousse un soupir de soulagement
  • L’assassinat de Qassem Soleimani a représenté un coup dur pour le régime
  • L'Iran a fermé la ligne de crédit précédemment accordée au gouvernement syrien

Les médias d’information de l’État iranien ont consacré beaucoup de temps et d’espace cette semaine à la couverture des élections américaines. Du point de vue du régime de Téhéran, la victoire prévue de Joe Biden sur Donald Trump est certainement aussi un triomphe pour l’Iran.

Les titres qui ont paru dans les journaux contrôlés par l'État comprenaient notamment: «Le monde sans Trump» (in Aftabe Yazd) et «Trump doit partir» (Donyaye Eghtesad).

Le Guide Suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a profité de l'occasion pour remettre en question la légitimité des systèmes démocratiques de gouvernance, et pour envoyer un avertissement aux Iraniens qui s'opposent à l'establishment théocratique. Il a tweeté: «Quel spectacle! On dit que c'est l'élection la plus frauduleuse de l'histoire des États-Unis. Qui dit ça? Le président actuellement en fonction. Son concurrent dit que Trump a l'intention de truquer l'élection! Voici #USElections et la démocratie américaines».

Les dirigeants iraniens ne peuvent pas attendre que Trump ait quitté la Maison Blanche, à cause de la pression et des préjudices que son administration a infligés au régime.

Tout d'abord, Trump a retiré les États-Unis du Plan d'Action Global Conjoint, communément appelé accord nucléaire iranien. Ensuite, son administration a imposé à nouveau des sanctions primaires et secondaires en Iran sur les secteurs de l’énergie, des banques, et du transport maritime. Au cours des deux dernières années, de nombreux responsables et organisations iraniens ont été ajoutés à la liste des sanctions.

L’assassinat de Qassem Soleimani était un coup dur pour le régime, particulièrement pour le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI) et ses pions au Moyen-Orient.

Les sanctions ont imposé une pression considérable sur le gouvernement iranien, à tel point que les dirigeants du pays ont dû réduire le financement de leurs alliés, milices et groupes terroristes. Le journal Al-Watan, contrôlé par Damas, a rapporté que l'Iran a fermé la ligne de crédit précédemment accordée au gouvernement syrien.

Quand Trump a lancé sa politique de «pression maximale» contre le régime de Téhéran, les revenus et les exportations pétrolières de l'Iran ont régulièrement régressé. A titre d’exemple, avant que les États-Unis ne se retirent de l'accord nucléaire et n’adoptent une position plus ferme sur les religieux au pouvoir, l'Iran exportait plus de 2,5 millions de barils par jour (b/j). Les exportations ont depuis chuté à environ 100 000 b/j, soit une baisse de plus de 95%.

En raison de la pression, les dirigeants religieux font face à l'un des pires déficits budgétaires en quatre décennies de pouvoir. Le régime fonctionne actuellement avec un déficit d'environ 200 millions de dollars par semaine, et on estime qu’en cas de poursuite de la pression sur Téhéran, il atteindra un total de près de 10 milliards de dollars d'ici mars 2021. Cela augmentera à son tour l'inflation et dévalorisera encore plus la monnaie, si la pression sur le régime persiste.

La politique actuelle de l'administration américaine envers l'Iran rend extrêmement difficile pour le régime le soutien financier de son réseau de mandataires. Ce déficit pourrait expliquer pourquoi, pour la première fois en plus de trois décennies, un dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a fait une déclaration publique pour demander des donations pour la milice.

«Les sanctions et les listes de terrorisme sont une forme de guerre contre la résistance et nous devons les gérer comme telles», a-t-il déclaré. «J'annonce aujourd'hui que nous avons besoin du soutien de notre base populaire. Il est de la responsabilité de la résistance libanaise, de sa base populaire, de son milieu naturel» de lutter contre ces mesures.

Il a également reconnu que les sanctions américaines sontf la principale raison des problèmes financiers du parti, ajoutant que «les difficultés financières auxquelles nous pourrions être confrontés sont le résultat de cette guerre (financière)» et non une «défaillance administrative.»

Au Yémen, les milices Houthis ont également envoyé des SMS appelant à des donations.

La situation en Iran est tellement désastreuse que Rohani a admis que le régime est confronté à sa pire crise économique depuis sa création en 1979. La monnaie nationale, le rial, est tombée à des niveaux historiquement bas grâce à la politique de pression maximale de Washington.

De plus, alors que la pression continue de monter, Téhéran fait face à un nombre de manifestations généralisées qui menacent l’emprise des dirigeants religieux sur le pouvoir. Il ne faut donc pas s'étonner si les dirigeants iraniens se sentent soulagés au lendemain des élections américaines, après près de trois ans de pressions et de sanctions insoutenables.

Le régime iranien pousse un soupir de soulagement - mais il est difficile de croire que les problèmes sociaux, politiques et économiques auxquels il est confronté seront résolus lorsque l'administration changera à Washington.

Dr. Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.

Twitter : @Dr_Rafizadeh.

 

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com