D’anciens diplomates appellent les autorités européennes à adopter une position plus ferme vis-à-vis de l’Iran

La candidate franco-colombienne à la présidence en Colombie, Ingrid Betancourt, déclare que les gouvernements européens devraient immédiatement rappeler leurs ambassadeurs d’Iran. (Reuters)
La candidate franco-colombienne à la présidence en Colombie, Ingrid Betancourt, déclare que les gouvernements européens devraient immédiatement rappeler leurs ambassadeurs d’Iran. (Reuters)
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Publié le Mercredi 11 janvier 2023

D’anciens diplomates appellent les autorités européennes à adopter une position plus ferme vis-à-vis de l’Iran

  • La réponse des autorités de Téhéran est une tentative brutale de réprimer le soulèvement populaire
  • «Retirons nos ambassadeurs d’Iran, fermons leurs ambassades et expulsons tous les collaborateurs du régime hors de nos territoires et du sol européen»

CHICAGO: Mardi, d’éminentes personnalités politiques européennes ont incité leurs gouvernements à condamner plus fermement la réponse violente du régime iranien aux manifestations en cours dans le pays ainsi que la répression des droits des manifestants.

Lors d’une conférence organisée par le Comité international en quête de justice (ISJ) au Press Club de Bruxelles, plusieurs anciens membres du Parlement européen ont appelé à la fermeture des ambassades iraniennes et à l’expulsion des diplomates. Par ailleurs, ils exhortent tous les pays européens à «mettre un terme à leur hypocrisie» en fermant également leurs propres ambassades en Iran.

On compte parmi les intervenants Alejo Vidal-Quadras, président de l’ISJ et ancien premier vice-président du Parlement européen, Struan Stevenson, président de la Commission de l’ISJ sur la protection des libertés politiques en Iran et ancien membre du Parlement européen (1999-2014), et Ingrid Betancourt, une candidate à la présidence colombienne qui a été prise en otage par des guérilleros dans son pays d’origine pendant plus de six ans.

Cette dernière, qui détient également la nationalité française, a déclaré que les gouvernements européens devraient immédiatement rappeler leurs ambassadeurs d’Iran, ajoutant que les ambassades «doivent être fermées» et que le monde doit faire preuve de «courage».

Elle a félicité les manifestants iraniens qui poursuivent le soulèvement entamé le 16 septembre dernier et qui est principalement dirigé par des femmes. Ces mouvements ont commencé peu après la mort en garde à vue de Mahsa Amini, 22 ans, qui avait été arrêtée pour avoir prétendument enfreint les codes vestimentaires stricts du régime.

La réponse des autorités de Téhéran est une tentative brutale pour réprimer le soulèvement populaire. Les intervenants soutiennent que plus de cinq cents civils auraient été exécutés jusqu’à présent, selon les estimations. Beaucoup ont été pendus à des grues en public.

«C’est la première révolution menée par des femmes. Pendant que les femmes se battent pour recouvrer leurs droits, les hommes sont également attaqués et persécutés par le régime. Tous sont pris pour cible», déclare Ingrid Betancourt.

«En ce moment, ces femmes mettent leur vie en jeu et elles le font pour nous – toutes les femmes du monde. Si nous ne faisons pas les choses correctement, nous ne pourrons résoudre aucun autre problème à travers le monde. Il est question, avant tout, d’humanité.»

Elle accuse le régime iranien de cibler ses détracteurs en menant des attaques terroristes dans le but de faire taire leur soutien aux manifestants.

«S’ils doivent […] tuer leur jeunesse, imaginez ce qu’ils font subir à leur pays», souligne-t-elle avant de critiquer les autres nations pour leur manque de mobilisation.

«Nous ne faisons rien. Je suis offensée par l’inaction de nos gouvernements face à ce qui se passe en Iran», poursuit-elle.

À la fin de l'année dernière, le Premier ministre belge, Alexander De Croo, a été critiqué par des membres de l’ISJ pour avoir signé un traité d’échange de prisonniers avec le régime iranien. Leur lettre de protestation, signée par vingt et un anciens ministres et dignitaires européens, exhorte les autorités belges à ne pas inclure les terroristes condamnés dans le traité, en particulier le redoutable Assadollah Assadi, condamné en 2021 à vingt ans de prison en Belgique pour son rôle dans un complot qui visait à bombarder un rassemblement du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), un groupe d’opposition.

M. Vidal-Quadras souligne que de nombreux pays européens n’avaient pas été assez fermes dans leur condamnation de la violence du régime iranien contre les manifestants civils et il appelle à la mise en place d’un gouvernement alternatif qui respecterait les droits humains et civils.

«Il ne s’agit pas de remplacer une dictature par une autre dictature», précise-t-il. «La solution de rechange doit garantir la transition d’une dictature vers une démocratie.»

La démocratie a été sapée en 1953, explique M. Quadras, lorsque le Royaume-Uni et les États-Unis ont orchestré un coup d’État qui a renversé le gouvernement iranien démocratiquement élu. C’est cela, insiste-t-il, qui a conduit à la montée de la tyrannie en Iran, d’abord de la part de l’ancien chah d’Iran, puis des ayatollahs.

M. Stevenson affirme que plus de cinq cents personnes auraient été exécutées à la suite des manifestations actuelles, parmi lesquelles cinq professeurs. Malgré cela, le régime n’a «pas réussi» à mettre fin aux manifestations. Il ajoute que ce dernier avait également intensifié sa campagne de désinformation, qualifiant à tort l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien, un groupe d’opposition également connu sous le nom de «MEK», d’«islamiste» et de «marxiste».

Le MEK est une organisation militante iranienne qui veut renverser la République islamique et nommer Maryam Radjavi comme nouvelle dirigeante démocratique du pays.

«L’Occident est tombé dans le panneau», déclare M. Stevenson. «Cependant, au cours des quarante dernières années, le MEK a été la première et la seule résistance au régime tyrannique» en Iran; il a mis en lumière sa brutalité.

Comme pour justifier le point de vue du régime, lors d’une séance de questions-réponses après la conférence, la première question posée par un membre du public a accusé la dirigeante du MEK, Maryam Radjavi, d’être une islamiste. Tous les intervenants ont dénoncé cette affirmation comme une «fausse propagande» caractéristique de la désinformation promue par le régime iranien pour contrer la couverture médiatique négative de sa propre brutalité. M. Stevenson a de nouveau déclaré que les gouvernements devraient fermer les ambassades d’Iran dans leurs pays et en expulser les diplomates et le personnel.

«Il ne doit pas y avoir d’impunité pour les personnes responsables de ces atrocités», explique-t-il. «Elles doivent être tenues responsables de ces crimes.»

«Si nous gardons le silence, cela conduira à davantage d’exécutions. Mais les mots seuls ne pourront pas mettre fin à ces exécutions. Retirons nos ambassadeurs d’Iran, fermons leurs ambassades et expulsons tous les collaborateurs du régime hors de nos territoires et du sol européen. Ensuite, nous pourrons envisager de restaurer la démocratie.»

La conférence a été diffusée en direct sur Twitter. Les présentations des conférenciers sont incluses dans un rapport de 78 pages récemment publié par l’ISJ. Il est intitulé La Révolution démocratique d’Iran et examine le soulèvement actuel sous un certain nombre d’angles politiques, stratégiques, internationaux et des droits de l’homme.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.