De lourds nuages sur l’axe Paris-Rabat!

Le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita (à droite) rencontre son homologue française Catherine Colonna à Rabat, le 16 décembre 2022. (Photo FADEL SENNA / AFP)
Le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita (à droite) rencontre son homologue française Catherine Colonna à Rabat, le 16 décembre 2022. (Photo FADEL SENNA / AFP)
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Publié le Samedi 04 février 2023

De lourds nuages sur l’axe Paris-Rabat!

De lourds nuages sur l’axe Paris-Rabat!
  • Rabat a cru déceler dans le récent activisme du Parlement européen contre le Maroc la main invisible de Paris
  • L’autre signal important qui accentue le malaise franco-marocain est la réception en France du chef de l’état-major de l’armée algérienne, Saïd Chengriha, et les gigantesques contrats d’armement que Paris est en train de signer avec Alger

Des signes croissants suggèrent une impasse politique entre Paris et Rabat.
Malgré de grandes attentes des deux côtés, les deux pays ne sont pas parvenus à fixer une date pour la prochaine visite du président, Emmanuel Macron, au Maroc. Une visite tant attendue qu’elle constitue le baromètre de l’état des relations entre les deux pays.

Mais les récents événements semblent avoir creusé le fossé entre le Maroc et la France. Rabat a cru déceler dans le récent activisme du Parlement européen contre le Maroc la main invisible de Paris. Des députés français, de la France insoumise comme ceux de Renaissance, le parti de M. Macron, ont été aux avant-postes de cette violente charge du Parlement européen contre le Royaume.

Cette brusque sortie du Parlement européen à propos du Maroc continue de faire couler beaucoup d’encre et de susciter énormément d’interrogations. Qui a inspiré, organisé cette agitation antimarocaine au Parlement européen? Quelles motivations et quels agendas poursuivent ceux qui s’entêtent aujourd’hui à cibler le Maroc avec autant d’insistance et de violences verbales?

Ce rapprochement militaire entre Paris et Alger suscite énormément d’interrogations et d’inquiétudes.

Les autorités françaises ont beau expliquer qu’au sein des institutions européennes existe une séparation des pouvoirs qui donne aux parlementaires européens toute liberté d’aborder les sujets qu’ils estiment pertinents, Rabat n’en croit pas un mot. La campagne contre le Maroc fait partie d’une stratégie mûrement réfléchie pour porter atteinte au partenariat stratégique qui lie le Maroc aux institutions européennes.

L’autre signal important qui accentue le malaise franco-marocain est la réception en France du chef de l’état-major de l’armée algérienne, Saïd Chengriha, et les gigantesques contrats d’armement que Paris est en train de signer avec Alger.

Ce rapprochement militaire entre Paris et Alger suscite énormément d’interrogations et d’inquiétudes.

La volonté de Saïd Chengriha d’acquérir de l’armement français, plus moderne et efficace que l’arsenal russe qui a démontré ses limites sur le terrain de guerre ukrainien, est un dangereux tournant dans les rapports de forces régionales. Les autorités marocaines ne cachent plus leurs craintes de voir qu’une partie des armes françaises sophistiquées dont l’Algérie va se doter puissent finir dans l’escarcelle du mouvement séparatiste Polisario.

Les autorités marocaines perçoivent ces évolutions comme une volonté française de faire pencher la balance des équilibres régionaux au profit des autorités algériennes. Elles attribuent à ces choix la grande hésitation française à reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Paris se limite pour l’instant à considérer l’option de l’autonomie comme une base sérieuse et crédible pour sortir de la crise… mais pas comme étant la seule, comme les Espagnols et les Allemands l’ont officiellement proclamé.

La réaction du Quai d’Orsay face à cette situation tendue entre la France et le Maroc a suscité une grande incrédulité dans les médias et les réseaux sociaux marocains qui peinent à croire que tout va pour le mieux entre Paris et Rabat alors que les signes d'une rupture se multiplient dans les relations entre les deux pays.

Face à ces évolutions particulières, les autorités marocaines ont réagi en envoyant des messages de déception et d’insatisfaction, comme en témoigne l’annulation pour «des motifs d’agenda», de deux importantes rencontres qui devaient avoir lieu entre les Français et les Marocains. La première, les 23 et 24 janvier, avec le sous-directeur Afrique et Moyen-Orient du ministère français de la Défense, l’ingénieur en chef de l’armement, Olivier Lecointe. Et la seconde, avec le comité consultatif de coopération judiciaire qui devait se tenir les 30 et 31 janvier.

Face à cette situation de plus en plus difficile, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères français, Anne-Claire Legendre, a surpris tout le monde en assurant que la France n’est pas en crise avec le Maroc. «Nous sommes au contraire dans un partenariat d'exception que nous entendons nourrir», soulignant la volonté de Paris d'inscrire cette relation bilatérale «dans les dix à vingt ans» à venir.

La réaction du Quai d’Orsay face à cette situation tendue entre la France et le Maroc a suscité une grande incrédulité dans les médias et les réseaux sociaux marocains qui peinent à croire que tout va pour le mieux entre Paris et Rabat alors que les signes d'une rupture se multiplient dans les relations entre les deux pays.



Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.  

TWITTER: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.