Le combat difficile de Blinken face aux provocations israéliennes

Le secrétaire d'État américain, Antony Blinken (à gauche), et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou. (AFP)
Le secrétaire d'État américain, Antony Blinken (à gauche), et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou. (AFP)
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Publié le Mercredi 08 février 2023

Le combat difficile de Blinken face aux provocations israéliennes

Le combat difficile de Blinken face aux provocations israéliennes
  • Lundi dernier, le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, a rencontré le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou
  • Les Palestiniens devraient s'estimer heureux, apparemment, avec ce qu'ils obtiennent des États-Unis, qui se décrivent comme «l'allié le plus fort d'Israël»

Lundi dernier, le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, a rencontré le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou. Il a souligné l'engagement des États-Unis en faveur de la solution de paix à deux États – une solution que les partenaires de la coalition gouvernementale de Netanyahou ne soutiennent pas.

Blinken devait savoir que le terme «solution à deux États» risquait d'attirer l'ire des partenaires de droite de Netanyahou, alors qu'Israël intensifie ses assauts militaires en Cisjordanie. Ces derniers ont tué plus de trente Palestiniens au cours des trente derniers jours.

La violence israélienne a provoqué des protestations de la part des Palestiniens, dont certaines visaient des Juifs israéliens. La propagande israélienne est si féroce qu'elle n'a pas hésité à déformer une information relative à une attaque qui s'est produite à un arrêt de bus près d'une synagogue et qui a coûté la vie à sept Juifs, affirmant qu'elle avait eu lieu «dans» la synagogue, ce qui est faux – un mensonge amplifié par les médias occidentaux pro-israéliens partiaux.

C'est ce à quoi Blinken s'est heurté lorsqu'il s’est rendu au Moyen-Orient pour rencontrer des responsables égyptiens, avant de se confronter à des interlocuteurs plus difficiles, parmi lesquels Netanyahou et le pâle président palestinien, Mahmoud Abbas.

On savait que Blinken était préoccupé par ce qu'il devait dire lors de sa rencontre avec Netanyahou, car, le matin même, le département d'État a publié en ligne une fiche d'information intitulée «Les relations des États-Unis avec Israël». Ce document détaillait «les liens forts et historiques» de l'Amérique avec Israël et «l'assistance et la coopération en matière de sécurité» qu'il reçoit de Washington.

Cependant, il n'était pas nécessaire de publier un rappel sur «l'engagement» des États-Unis envers les Palestiniens, principalement parce qu'il a été, au mieux, incohérent, et qu'il a été particulièrement perturbé pendant la présidence de Donald Trump. 

Les Palestiniens devraient s'estimer heureux, apparemment, avec ce qu'ils obtiennent des États-Unis, qui se décrivent comme «l'allié le plus fort d'Israël». C’est ce que répètent les fréquentes déclarations publiées par les membres du Congrès américain, notamment juste avant qu'ils ne sollicitent et ne reçoivent des fonds de la part de comités d'action politique et de partisans pro-israéliens. Ces déclarations, comme celle publiée en 2021 par Tom Cole, représentant de l'Oklahoma, dressent d'énormes louanges à Israël tout en critiquant les pays arabes et en pointant du doigt la «terreur insensée» des Palestiniens.

Blinken a une mission difficile. Il sait qu'il n'est pas facile de contester les politiques israéliennes, et encore moins de les critiquer. Mais le fait qu’il ait affirmé la nécessité d'une solution à deux États, que les partenaires de la coalition d'extrême droite de Netanyahou trouvent détestable, montre son courage dans sa quête de justice et d’un accord de paix raisonnable. Il a également qualifié les colonies illégales d'Israël d'«obstacle à la paix».

Le fait que Blinken ait affirmé la nécessité d'une solution à deux États montre son courage dans sa quête de justice et d’un accord de paix raisonnable.

Ray Hanania

Mais il faudra plus que des affirmations fortes pour mettre fin à ce conflit meurtrier. Israël continue de multiplier les agressions et les restrictions à l'encontre des Palestiniens et ces actes provoquent davantage de protestations – que la propagande israélienne s’emploie à présenter comme des actes de terrorisme.

À Memphis, cinq policiers noirs ont brutalisé et fini par tuer un civil afro-américain, ce qui a provoqué un tollé dans tous les États-Unis. N'oubliez pas que la police de Memphis, comme tous les services policiers américains, reçoivent une formation de style militaire délivrée par des sociétés de sécurité israéliennes. Pendant ce temps, Israël tue trente civils ; les médias américains et occidentaux les traitent comme un fait divers quotidien – ce n'est pas vraiment une nouvelle, car cela arrive tellement souvent… Ce n'est que lorsque des Juifs israéliens sont tués que les médias, les membres du Congrès et les militants réclament justice.

Différentes données montrent que les soldats israéliens et les colons armés éliminent beaucoup plus de Palestiniens que les Palestiniens ne tuent d'Israéliens. Au-delà de ces meurtres, qui se comptent par milliers, Israël a également expulsé des milliers de Palestiniens de leurs maisons puis détruit ces dernières.

De nombreux Palestiniens tués sont pris pour cibles par des tireurs d'élite israéliens, dont la journaliste palestinienne américaine Shireen Abu Akleh. Personne n'a été tenu responsable de son meurtre, au mois de mai dernier, car Israël refuse d'assumer ses responsabilités.

Une solution à deux États est le seul moyen de sortir les Israéliens et les Palestiniens de ce cycle de violence sans fin.

Blinken doit être félicité pour le courage dont il a fait preuve en ne reculant pas face à l'assaut de la propagande d'Israël au sujet de la violence qu'il provoque intentionnellement. Bien sûr, il peut faire davantage, mais il a besoin du soutien, qu'il n'obtient pas vraiment, des Palestiniens et du monde arabe. L'establishment politique palestinien est dysfonctionnel et Abbas, bien que bon et bien intentionné, est inefficace. Les Palestiniens ont besoin d'un nouveau leader, quelqu'un qui puisse être à la fois un diplomate et un farouche défenseur de la justice.

Les Israéliens affirment que l'absence d'élections palestiniennes est une cause de ce dysfonctionnement, mais, en réalité, un peuple sous occupation ne peut jamais avoir d'élection légitime en raison de l'interférence et de l'influence de l'occupant. Malgré ces restrictions, les Palestiniens et le monde arabe peuvent en faire plus.

Bien que le nombre de meurtres de Palestiniens, qui augmente rapidement, soit choquant, il ne représente qu'un faible pourcentage de la population en Israël et dans les territoires occupés. Cela signifie que ces décès ne peuvent qu'alimenter davantage de colère et de violence, tout en ne faisant rien pour atteindre l'objectif des extrémistes israéliens de faire partir les non-Juifs. Si vous ne pensez pas qu’il s’agit là de l'objectif, posez-vous la question suivante: comment se fait-il qu'Israël ne crée jamais de colonies illégales pour les non-Juifs? Toutes les colonies illégales sont exclusivement destinées aux Juifs, qui sont armés et, pour la plupart d’entre eux, extrémistes.

L'importance de ce que fait Blinken dans ce contexte horrible et létal ne doit pas être sous-estimée. De même, la nomination, en novembre dernier, de Hady Amr en tant que représentant spécial pour les affaires palestiniennes a constitué une étape majeure dans la transmission de la préoccupation de l'administration Biden vis-à-vis de la souffrance des Palestiniens. Amr a un programme important, qui consiste notamment à aider à la réouverture du consulat américain pour les Palestiniens et à créer un forum où les plaintes des Palestiniens peuvent être déposées.

Les efforts entrepris par Blinken ne représentent qu'une infime partie de l'impact des États-Unis sur le conflit israélo-palestinien. Mais il ne faut pas les prendre à la légère et les respecter pour ce qu'ils sont.

 

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois récompensé de la mairie de Chicago. Vous pouvez le joindre sur son site personnel à l'adresse www.Hanania.com.
Twitter: @RayHanania
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.