La menace iranienne déborde du jeu régional

Des personnes manifestent devant l'ambassade d'Iran en Ukraine le 17 octobre 2022 à Kiev, après que la ville a été frappée par des essaims de drones kamikazes vendus par l'Iran à la Russie, faisant au moins trois morts. (Photo de Sergei Chuzavkov / AFP)
Des personnes manifestent devant l'ambassade d'Iran en Ukraine le 17 octobre 2022 à Kiev, après que la ville a été frappée par des essaims de drones kamikazes vendus par l'Iran à la Russie, faisant au moins trois morts. (Photo de Sergei Chuzavkov / AFP)
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Publié le Mardi 28 février 2023

La menace iranienne déborde du jeu régional

La menace iranienne déborde du jeu régional
  • Le comportement iranien n’est pas un feu de paille, ce n’est que la partie émergée d’un iceberg qui est devenu un casse-tête mondial
  • Les « drones suicide » iraniens fournis à la Russie pour la guerre en Ukraine sont recouverts d’une couche d’éclats métalliques conçus pour causer un maximum de dommages aux installations vitales

Pendant des années, le monde a réduit la menace réelle et potentielle de l’Iran à ses programmes nucléaire et de missiles. Mais le projet iranien, qui était autrefois ramené à l’aspect idéologique et sectaire, a atteint un niveau plus dangereux qui affecte non seulement la paix et la sécurité régionales, mais aussi le niveau mondial. Le rôle joué par les drones iraniens dans la guerre en Ukraine n’était pas le premier du genre.

Le comportement iranien n’est pas un feu de paille. Ce n’est que la partie émergée d’un iceberg qui est devenu un casse-tête mondial. Hier, les médias ont rapporté que l’Iran est en train de modifier et de développer ses drones pour infliger un maximum de dégâts aux infrastructures ukrainiennes.

Le rapport est basé sur des informations d’une organisation britannique selon lesquelles les « drones suicide » iraniens fournis à la Russie pour la guerre en Ukraine sont recouverts d’une couche d’éclats métalliques conçus pour causer un maximum de dommages aux installations vitales telles que les centrales électriques, les réseaux de distribution d’électricité et les lignes électriques.

Ce qui me préoccupe en tant qu’observateur de ces rapports, c’est que l’un des objectifs et des motifs de l’intervention de l’Iran dans le conflit en cours en Ukraine est de découvrir les limites de ses armes, de tester ces armes dans des guerres réalistes et de travailler à les développer davantage et à augmenter leur pouvoir destructeur. Objectivement, l’Iran n’est pas le seul à poursuivre cet objectif.

Mais il est partagé par de nombreuses parties impliquées dans ce conflit militaire et d’autres. Mais ce qui m’intéresse dans cette question, c’est que l’Iran a tendance à acquérir des capacités dangereusement destructrices dans les guerres urbaines et les conflits non conventionnels, à mesure qu’elles s’accumulent avec ses autres capacités militaires traditionnelles. C’est une préoccupation majeure pour le voisinage de l’Iran.

Le régime iranien joue de nombreux rôles perturbateurs, du Liban au Yémen, en passant par l’Irak, la Syrie et ailleurs. Les capacités subversives de l’Iran s’accumuleront à mesure qu’il se prépare à jouer un rôle plus important en provoquant le chaos et des troubles au niveau régional et international en cas de conflit entre l’Occident d’une part et la Chine et la Russie, l’une ou les deux, d’autre part.

Il est devenu clair que la livraison de drones iraniens à la Russie n’était pas un cas isolé ou un précédent, comme le régime iranien l’a prétendu, mais une politique systématique qui s’est matérialisée par un accord entre Moscou et Téhéran pour produire des drones iraniens en Russie afin de s’assurer qu’un grand nombre de ces drones pourraient être acquis pour renforcer les approvisionnements russes en Ukraine et en prévision de la prolongation ou de l’extension du conflit.

Qui plus est, il a été rapporté que l’Iran a conclu un accord pour recevoir des avions de combat russes modernes, notamment des Su-35 et d’autres modèles avancés, dans le cadre d’un échange d’intérêts, ce qui constitue une étape symbolique pour le développement de la coopération stratégique entre les deux pays.

Cette démarche a suscité la controverse parmi les experts militaires, car certains d’entre eux estiment qu’elle modifiera l’équilibre des forces entre les pays du Golfe et du Moyen-Orient au niveau régional, du moins en ce qui concerne l’efficacité des forces aériennes de ces pays, tandis que d’autres y voient surtout une menace pour la paix et la sécurité internationales, car l’Iran pourrait se retrouver mêlé au conflit entre l’Occident et ses ennemis stratégiques.

Dans les deux évaluations, il suffit de mentionner que le Su-35 russe et ses sœurs seront les premiers avions de combat modernes que l’armée de l’air iranienne possède depuis 1979.

Jusqu’à présent, l’armée de l’air iranienne s’est appuyée sur une vieille flotte d’avions de type américain que les spécialistes iraniens ont développé ces dernières années. Cela inclut le F-14, qui aurait évolué avec succès pour fonctionner efficacement malgré son obsolescence technologique et le manque de pièces de rechange d’origine en raison des sanctions imposées à l’Iran.

Une conséquence dangereuse attendue de l’expansion de l’arsenal militaire iranien est qu’il ne s’agit pas des aspects défensifs de la souveraineté nationale, comme le prétend le régime iranien, qui a toujours maintenu que ses voisins du CCG étaient les premiers pays à dépenser pour des contrats d’armement.

Bon, la plupart des pays renforcent leurs capacités d’autodéfense, mais le cas iranien présente la caractéristique extraordinaire et bien connue de poursuivre un projet d’expansion sectaire régionale et de fournir des armes aux milices fidèles au régime de Téhéran.

D’autres drones développés à partir de l’expérience de la guerre en Ukraine sont fournis au Hezbollah au Liban, aux milices irakiennes et au groupe Houthi au Yémen, et sont très probablement utilisés pour bombarder des cibles civiles dans les pays voisins, comme ce fut le cas pour les attaques contre des installations pétrolières en Arabie saoudite et aux EAU, dont les auteurs sont restés anonymes ou ont été officiellement démentis, mais étaient connus de tous, du moins en ce qui concerne l’origine du matériel militaire utilisé.

Ce n’est pas tout. Les médias iraniens annoncent presque quotidiennement de nouveaux succès militaires dans un pays qui souffre d’une détérioration sans précédent de son niveau de vie.

Récemment, la base aérienne souterraine Oqab 44 a été mise au jour, quelques mois après la découverte de la base de drones 313, construite sur un site secret au fin fond des montagnes de Zagros, sur la côte du Golfe, et qui contenait des indices surprenants.

Le régime iranien est clairement en marche, ce qui se traduit notamment par la ligne dure adoptée dans les dernières étapes de la relance de l’accord nucléaire. Les négociateurs iraniens tentent d’imposer des diktats et des conditions dont ils savent déjà qu’ils seront rejetés. Téhéran parie sur une victoire russe dans la guerre en Ukraine.

Et le président Poutine n’acceptera pas la défaite, même s’il est contraint de recourir à l’arme nucléaire. Cette éventuelle victoire changerait radicalement la donne au niveau international.

L’Iran est donc engagé dans une course contre la montre pour acquérir la puissance militaire sous toutes ses formes. Il est sur le point de posséder une force militaire nucléaire et un arsenal de missiles balistiques qui atteint les frontières de l’Europe. Ce sont tous des problèmes et des développements sérieux qui doivent être traités aux niveaux régional et international.

Personne ne veut de nouvelles guerres dans une région dont la sécurité et la stabilité sont un des paris futurs.



Le Dr. Salem AlKetbi est un Politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.