Le monde arabe est-il prêt à entrer dans l'ère incertaine des outils web menés par l'IA?

Des milliers de personnes ont assisté à la conférence Leap 2023 qui s'est tenue en février à Riyad (Photo fournie).
Des milliers de personnes ont assisté à la conférence Leap 2023 qui s'est tenue en février à Riyad (Photo fournie).
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Publié le Jeudi 09 mars 2023

Le monde arabe est-il prêt à entrer dans l'ère incertaine des outils web menés par l'IA?

  • «Points de basculement» en matière d'intelligence artificielle, ChatGPT et Bard sont porteurs de défis et de possibilités inédits
  • Les pays arabes devront faire face au potentiel des outils de chatbot en matière de suppression et de création d’emplois

DUBAI/RIYAD: La startup OpenAI de la Silicon Valley a fait sensation en lançant ChatGPT, un outil de chatbot mené par l'intelligence artificielle et capable de formuler des réponses détaillées, semblables à celles d'un être humain, sur une gamme apparemment illimitée de sujets. Rétrospectivement, ce n'était que le début annonciateur d’un renouveau en matière d’IA.

Google a depuis annoncé son propre outil web, Bard, dans le but de concurrencer le succès viral de ChatGPT. Les deux outils reposent sur de grands modèles de langage, formés à partir de vastes quantités de données de manière à générer des réponses impressionnantes aux questions des utilisateurs.

Les conversations avec ChatGPT – GPT signifie «transformeur génératif pré-entraîné» – montrent que le programme est capable d'expliquer des concepts scientifiques complexes, d'écrire des pièces de théâtre et de la poésie, de composer des dissertations universitaires et même de créer des lignes de code informatique fonctionnelles.

Ces programmes peuvent tenir une conversation avec n'importe quel utilisateur humain, quelle que soit son expérience ou sa formation en informatique. Ils ont rédigé de faux rapports scientifiques suffisamment convaincants pour tromper les scientifiques et ont même été utilisés pour écrire un livre pour enfants.

Décrit par certains experts comme un «point de basculement» dans la technologie de l'intelligence artificielle, ChatGPT répond à des «questions en langage naturel sur n'importe quel sujet et donne des réponses approfondies qui se lisent comme si elles avaient été écrites par un humain», selon le Forum économique mondial.

Les conversations avec ChatGPT – GPT signifiant «transformeur génératif pré-entraîné» – montrent que le programme est capable d'expliquer des concepts scientifiques complexes (Photo, AFP).

Cependant, les outils Web d'OpenAI et de Google, soutenus par Microsoft, ont suscité des craintes quant à leur utilisation potentielle pour diffuser de la désinformation, orchestrer des escroqueries sophistiquées de type hypertrucage «deep fake», tricher aux examens scolaires et même supprimer des emplois d'écrivain, rendant les auteurs, les journalistes et les professionnels du marketing inutiles.

La façon dont la technologie est accueillie, réagit et est finalement réglementée sera suivie de près par plusieurs pays arabes du Golfe, dont beaucoup ont lancé leurs propres stratégies nationales d'adoption et d'investissement dans l'IA.

L'Arabie saoudite a lancé sa stratégie nationale pour les données et l'intelligence artificielle en octobre 2020, visant à faire du pays un leader mondial dans ce domaine, alors qu'il cherche à attirer 20 milliards de dollars (1 dollar américain = 0,95 euro) d'investissements étrangers et nationaux d'ici 2030.

L’Arabie saoudite vise également à transformer sa main-d'œuvre en formant et en développant des équipes de 20 000 spécialistes de l'IA et des données.

Les Émirats arabes unis ont également fait de l’investissement dans l'IA une priorité absolue, devenant le premier pays au monde à nommer un ministre d'État chargé de l'intelligence artificielle. Omar Sultan al-Olama a pris ses fonctions en octobre 2017 dans le but de diriger l'économie numérique en expansion des Émirats arabes unis.

Le Moyen-Orient devrait bénéficier de 2% des avantages mondiaux de l'IA d'ici la fin de la décennie, soit 320 milliards de dollars. L'IA devrait apporter plus de 135,2 milliards de dollars à l'économie saoudienne, selon le réseau britannique PwC.

Le robot humanoïde Ameca accueille les visiteurs au musée du futur de Dubaï (Photo, AFP).

Fondée fin 2015, OpenAI est dirigée par Sam Altman, un entrepreneur de 37 ans et ancien président de l'incubateur de startups Y Combinator. L'entreprise est surtout connue pour ses logiciels de création automatisée GPT-3 pour la génération de textes et DALL-E pour la génération d'images.

OpenAI a longtemps compté sur le soutien financier de leaders de l'industrie technologique, notamment le cofondateur de LinkedIn, Reid Hoffman, l'investisseur Peter Thiel et le patron de Tesla, Elon Musk, qui a siégé au Conseil d'administration de la start-up jusqu'en 2018.

En janvier de cette année, la multinationale Microsoft a augmenté son investissement initial de 2019 dans l'entreprise de 1 milliard de dollars à 10 milliards de dollars, ce qui signifie que l'entreprise OpenAI est maintenant évaluée à environ 29 milliards de dollars.

Le produit phare de Google – le moteur de recherche en ligne – serait confronté à son plus grand défi depuis son lancement en 1996. Des rapports affirment que l'énorme attention suscitée par ChatGPT a incité la direction de Google à déclarer une situation de «code rouge» pour son activité de recherche.

ChatGPT est utilisé pour obtenir des réponses à des questions que de nombreuses personnes auraient auparavant cherché sur l'outil de recherche phare de Google. Le mois dernier, Microsoft a annoncé que la prochaine version de son moteur de recherche Bing serait menée par OpenAI. Une nouvelle version du navigateur web Edge est également prévue, avec une technologie de chat OpenAI dans une fenêtre pour aider les utilisateurs à naviguer et à comprendre les pages web.

Malheureusement pour Google, Bard a connu des débuts embarrassants au début du mois de février, lorsqu'une vidéo de démonstration du chatbot a montré qu'il donnait une mauvaise réponse à une question sur le télescope spatial James Webb.

«ChatGPT est en effet très intéressant», a déclaré à Arab News Noaman Sayed, un professionnel de la technologie basé à Dubaï et cofondateur du site d'achat en ligne DeenSquare.

«Dans le passé, chaque innovation et chaque progrès a fait l'objet de discussions en rapport avec les préoccupations, qu'il s'agisse des avions, des voitures, des téléphones portables, de l'internet, de Google, de YouTube, des réseaux sociaux et bien d'autres choses encore.

«Avec le recul, nous pouvons tous dire qu'ils nous ont non seulement facilité la vie, mais qu'ils sont également considérés comme la norme aujourd'hui. Je suis très optimiste et je crois qu'avec le temps et le développement, ChatGPT nous facilitera également la vie et deviendra la norme.»

Cependant, tout le monde n'est pas aussi optimiste que Sayed. Compte tenu de la rapidité des changements technologiques en cours, de nombreux travailleurs craignent que leurs emplois professionnels ne soient bientôt entièrement remplacés par des machines, de la même manière que les précédentes vagues d'automatisation ont éliminé des emplois agricoles et manufacturiers.

De nombreux experts du secteur estiment que ces pertes d'emploi seront probablement compensées par une augmentation du nombre de nouveaux rôles qualifiés dans la conception, la construction et l'entretien des produits d'IA, ce qui nécessitera un changement dans le type d'éducation que les gouvernements devraient fournir à leur future main-d'œuvre.

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EN CHIFFRES

- 119,78 milliards de dollars: la valeur estimée du marché mondial de l'IA en 2022.

 

- 15,7 milliards de dollars: la contribution attendue de l'IA à l'économie mondiale d'ici 2030.

 

- 13x la croissance prévue de l'industrie de l'IA au cours des 8 prochaines années.

 

- 97 millions: le nombre prévu de personnes travaillant dans le domaine de l'IA d'ici 2024.

Bien que Sayed reconnaisse que l'IA modifiera la façon dont les gens interagissent et communiquent, il est convaincu que les humains «apprendront à s'adapter aux changements au fil du temps», de la même façon qu'ils ont accepté et se sont adaptés aux avancées technologiques passées. À bien des égards, c'est déjà le cas.

«Au cours des dernières années, certains d'entre nous ont peut-être déjà été confrontés à une forme de produit d'IA, consciemment ou inconsciemment, lors de nos discussions avec les centres d'appels, les chatbots des sites web, les opérations chirurgicales dans les hôpitaux, Siri, Alexa, certains produits Google, certains constructeurs automobiles et bien d'autres encore», a-t-il précisé.

Au-delà du futur marché de l'emploi, les chatbots créent également des maux de tête pour les établissements d'enseignement. Certains établissements d'enseignement supérieur ont réintroduit des tests sur papier afin d’empêcher les étudiants d'utiliser l'IA pendant les examens, après que certains d'entre eux ont été surpris en train d'utiliser des chatbots pour répondre à des questions d'examen.

Le département de l'éducation de la ville de New York a interdit ChatGPT sur ses réseaux en raison de «préoccupations concernant les effets négatifs sur l'apprentissage des élèves». Un groupe d'universités australiennes a également déclaré qu'il modifierait les formats d'examen pour empêcher la tricherie par IA.

Le 27 janvier, l’Institut d'études politiques de Paris, l'une des plus prestigieuses universités françaises, a annoncé que tout étudiant (e) ayant utilisé le chatbot s'exposerait à des «sanctions pouvant aller jusqu'à l’exclusion de l'établissement, voire de l'enseignement supérieur».

Grâce aux données recueillies sur le web, ChatGPT a même pu passer des examens à la faculté de droit de l'université du Minnesota après avoir rédigé des dissertations sur des sujets allant du droit constitutionnel à la fiscalité et à la responsabilité civile – il aurait obtenu une note de C+.

Certaines entreprises commercialisent désormais des programmes qu'elles prétendent capables d'intercepter un texte rédigé par l'intelligence artificielle afin d'empêcher la tricherie.

Le Moyen-Orient devrait bénéficier de 2% des retombées mondiales de l'IA d'ici la fin de la décennie, ce qui équivaut à 320 milliards de dollars (Photo, Shutterstock).

Malgré la tentation de compter sur ces programmes pour répondre aux questions d'examen, remplacer les moteurs de recherche existants ou fournir une couverture médiatique impartiale, Jenna Burrell, directrice de recherche à Data & Society, un organisme de recherche indépendant à but non lucratif basé en Californie, estime qu'il faut prendre les réponses de ChatGPT avec un léger sentiment d'incrédulité.

«ChatGPT simplifie les choses et il est amusant à utiliser. Il peut être très utile pour les journalistes», a indiqué Burrell lors d'un récent webinaire sur l'impact de la technologie sur le travail des professionnels des médias. Cependant, les informations qu'il fournit «ne sont pas à jour... (et) le besoin de vérification des faits s’impose».

Selon Burrell, l'IA ne pourra pas remplacer tous les emplois professionnels, puisqu’elle ne peut pas complètement imiter l'innovation, la créativité, le scepticisme et le raisonnement humain.

En outre, ChatGPT, qui est basé sur des «grands modèles de langage», n'est pas la seule forme émergente d'IA – et il n’est pas nécessairement la forme la plus sophistiquée. L'apprentissage par renforcement, les réseaux antagonistes génératifs (RAG) et l'IA symbolique sont autant de modèles alternatifs qui le suivent de près.

«Les grands modèles de langage sont entraînés en y introduisant des milliards de mots de textes quotidiens, provenant de sources allant des livres aux tweets et à tout ce qui existe entre les deux. Les grands modèles de langage s'appuient sur tout ce matériel pour prédire des mots et des phrases dans certaines séquences», ont clarifié Dan Milmo et Alex Hern, rédacteurs techniques du journal britannique Guardian, dans un article récent.

«Les grands modèles de langage ne comprennent pas les choses au sens classique du terme, et leur qualité et leur précision dépendent des informations qui leur sont fournies. Ce sont essentiellement des machines qui font correspondre des modèles. La question n'est pas de savoir si le résultat est “vrai”, tant qu'il correspond au modèle.»

Interrogé directement par Arab News pour savoir s'il envisageait à terme de remplacer les rédacteurs humains, ChatGPT s'est montré rassurant, semblant reconnaître ses propres limites créatives et analytiques sur un ton qui pourrait être interprété comme de la modestie.

«Mes capacités se limitent à générer du texte sur la base de modèles et de schémas que j'ai vus au cours de ma formation sur les données textuelles», a répondu ChatGPT.

«Les auteurs humains apportent une créativité, une émotion et une perspective personnelle que je ne suis pas en mesure de reproduire. En outre, les auteurs humains sont capables d'interpréter, d'analyser et d'apporter leur propre point de vue et leur propre vision à un texte.»

ChatGPT a affirmé qu'il était programmé pour «aider» à la création de contenu sur les réseaux sociaux, les blogs et les sites web et pour rédiger des plans d'affaires, des rapports, des courriels et des présentations, des documents juridiques tels que des contrats, des rapports et des résumés médicaux, ainsi que des réponses aux demandes de renseignements et aux réclamations des clients.

Malgré ses nombreuses applications possibles, du divertissement au diagnostic médical, et son immense potentiel d'investissement, avec des prévisions évaluées à des milliers de milliards de dollars, l'ère de l'IA reste marquée par l'inquiétude.

Scott Nowson, responsable de l'intelligence artificielle chez PwC Moyen-Orient, a déclaré à Arab News lors de la conférence technologique Leap qui s'est tenue à Riyad début février: «La confiance est la clé d'une expansion sûre de l'utilisation des solutions d'IA dans le monde.»

Si certaines compétences et certaines tâches se prêtent mieux à l'automatisation grâce à la technologie, l'utilisation de l'IA «dépend toujours de l'intelligence et de la conscience humaines», a-t-il ajouté.

Nowson a ajouté: «L'IA suscite autant d'optimisme que de pessimisme. Les gens pensent que l'IA nous remplacera complètement, alors que je ne le crois pas du tout. Je pense que plusieurs générations nous séparent du moment où l'IA dépassera les capacités humaines.»

Alors que les pays du Golfe poursuivent leurs stratégies nationales en matière d'IA et créent des écoles pour former la prochaine génération de développeurs technologiques, ce n'est qu'une question de temps avant que des produits similaires ne fassent leur apparition sur le marché régional.

Sayed, cofondateur de DeenSquare, s'attend à ce que les gouvernements, les entreprises et les développeurs technologiques du Golfe suivent avec intérêt la croissance et les applications des outils menés par l'IA.

 «Je suis certain que lors de leurs prochaines réunions d'examen de la stratégie, les dernières tendances seront discutées afin de voir comment elles peuvent contribuer aux stratégies des pays du golfe à tirer profit de ces technologies», a-t-il soutenu.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

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Le chef de la diplomatie jordanienne accuse Israël «de tuer les perspectives de la paix» dans la région

Le chef de la diplomatie jordanienne, Ayman Safadi, en visite en Russie, a accusé mercredi Israël de "tuer les perspectives de la paix" dans la région, alors que le gouvernement israélien a donné son feu-vert à la prise de la ville de Gaza. (AFP)
Le chef de la diplomatie jordanienne, Ayman Safadi, en visite en Russie, a accusé mercredi Israël de "tuer les perspectives de la paix" dans la région, alors que le gouvernement israélien a donné son feu-vert à la prise de la ville de Gaza. (AFP)
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  • "La paix est un objectif stratégique pour nous tous. C'est le seul chemin vers la stabilité dans la région", a souligné le ministre jordanien des Affaires étrangères
  • Bien que la Jordanie ne soit pas limitrophe de la bande de Gaza, elle fait partie des pays de la région touchés par le conflit entre Israël et le Hamas, déclenché par l'attaque sans précédent de ce groupe islamiste palestinien en Israël le 7 octobre 2023

MOSCOU: Le chef de la diplomatie jordanienne, Ayman Safadi, en visite en Russie, a accusé mercredi Israël de "tuer les perspectives de la paix" dans la région, alors que le gouvernement israélien a donné son feu-vert à la prise de la ville de Gaza.

"Nous voyons le gouvernement israélien non seulement tuer des Palestiniens et tuer les perspectives de la paix dans la région, mais aussi étendre le conflit au Liban et en Syrie", a déclaré M. Safadi lors d'une rencontre avec son homologue russe Sergueï Lavrov à Moscou.

Il a dénoncé une "réalité complètement inhumaine créée à Gaza par l'agression israélienne", en indiquant vouloir évoquer avec M. Lavrov "les efforts visant à mettre fin" aux "massacres et à la famine".

"La paix est un objectif stratégique pour nous tous. C'est le seul chemin vers la stabilité dans la région", a souligné le ministre jordanien des Affaires étrangères.

Bien que la Jordanie ne soit pas limitrophe de la bande de Gaza, elle fait partie des pays de la région touchés par le conflit entre Israël et le Hamas, déclenché par l'attaque sans précédent de ce groupe islamiste palestinien en Israël le 7 octobre 2023.

Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a ordonné mercredi le rappel de 60.000 réservistes après avoir donné son feu vert à la prise de la ville de Gaza, en pleine médiation en vue d'une trêve dans le territoire palestinien et la libération d'otages israéliens.

Depuis le début de la guerre, Israël assiège à Gaza plus de deux millions de Palestiniens menacés de famine selon l'ONU, des accusations rejetées par Israël.

L'attaque du 7 octobre 2023 a entraîné la mort côté israélien de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

L'offensive de représailles israélienne a fait au moins 62.064 morts à Gaza, majoritairement des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.

 


L'armée israélienne resserre son étau sur la ville de Gaza

Cinq divisions de l'armée, composées de dizaines de milliers de soldats, doivent participer à cette offensive, selon l'armée, qui va rappeler pour début septembre 60.000 réservistes supplémentaires. (AFP)
Cinq divisions de l'armée, composées de dizaines de milliers de soldats, doivent participer à cette offensive, selon l'armée, qui va rappeler pour début septembre 60.000 réservistes supplémentaires. (AFP)
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  • Cette opération est lancée alors qu'Israël n'a pas formellement réagi à la proposition des médiateurs sur une trêve associée à une libération d'otages retenus à Gaza, et acceptée par le mouvement islamiste palestinien Hamas
  • "Nous allons intensifier nos frappes contre le Hamas à Gaza. Nous avons commencé des opérations préliminaires pour l'attaque", a annoncé mercredi le porte-parole de l'armée, le général Effie Defrin

JERUSALEM: L'armée israélienne resserre son étau sur la ville de Gaza, où ses troupes ont lancé de premières opérations et poursuivi leurs bombardements jeudi avec l'objectif de prendre, selon elle, ce dernier grand bastion du Hamas dans le territoire palestinien.

Cinq divisions de l'armée, composées de dizaines de milliers de soldats, doivent participer à cette offensive, selon l'armée, qui va rappeler pour début septembre 60.000 réservistes supplémentaires.

Cette opération est lancée alors qu'Israël n'a pas formellement réagi à la proposition des médiateurs sur une trêve associée à une libération d'otages retenus à Gaza, et acceptée par le mouvement islamiste palestinien Hamas.

"Nous allons intensifier nos frappes contre le Hamas à Gaza. Nous avons commencé des opérations préliminaires pour l'attaque", a annoncé mercredi le porte-parole de l'armée, le général Effie Defrin. "Nos forces sont en périphérie de la ville. Nous allons créer les conditions pour ramener les otages."

Le cabinet de sécurité présidé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu a approuvé début août un plan pour s'emparer de Gaza-ville et de camps de réfugiés du centre du territoire, pour prendre le contrôle sécuritaire de toute la bande de Gaza et libérer les otages.

Quarante-neuf otages, dont 27 morts selon l'armée, y sont toujours captifs sur les 251 enlevés lors de l'attaque sans précédent menée le 7 octobre 2023 par le Hamas contre Israël, qui a déclenché la guerre à Gaza.

"Guérilla en difficulté" 

L'armée israélienne assiège les plus de deux millions d'habitants dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre et contrôle aujourd'hui environ 75% du territoire palestinien, où elle a lancé une offensive dévastatrice en riposte à l'attaque du Hamas, qui a fait des dizaines de milliers de morts et provoqué un désastre humanitaire.

Depuis plus d'une semaine, plusieurs quartiers de Gaza, la plus grande ville du territoire située dans le nord, sont soumis à d'intenses bombardements aériens et d'artillerie, notamment ceux de Zeitoun et al-Sabra dans l'est.

Les bombardements se poursuivent jeudi, en particulier à Jabalia al-Balad et dans la zone d'al-Nazla (nord-ouest) et à al-Sabra, selon des témoins. De nombreux habitants à Gaza-ville ont fui les raids vers l'ouest et le sud.

"Le Hamas aujourd'hui n'est plus le même Hamas qu'avant. D'une organisation terroriste militaire structurée, il a été réduit à un groupe de guérilla affaibli et en difficulté", selon le général Defrin.

Depuis mi-mai, "de hauts responsables (du Hamas) et environ 2.000 terroristes ont été éliminés, cinq divisions opèrent sur le terrain, deux corridors clés ont été établis, et environ 10.000 cibles ont été frappées", a-t-il dit.

Mercredi, le ministre de la Défense Israël Katz "a approuvé" le plan d'attaque à Gaza-ville, et selon la presse israélienne, M. Netanyahu devait réunir jeudi son gouvernement pour une approbation finale.

Le Premier ministre a ordonné "que le délai pour s'emparer des derniers bastions terroristes et vaincre le Hamas soit raccourci", sans donner de date.

"Mépris flagrant" 

Pour le Hamas, l'opération contre Gaza-ville "témoigne d'un mépris flagrant des efforts déployés par les médiateurs", en vue d'un accord de cessez-le-feu. Le mouvement a accusé M. Netanyahu d'être "le véritable obstacle à tout accord" et de "ne pas se soucier de la vie" des otages.

Lundi, le Hamas a annoncé avoir accepté cette proposition des médiateurs - Egypte, Qatar et Etats-Unis- pour une trêve de 60 jours assortie de la libération des otages en deux étapes.

Une source gouvernementale israélienne a affirmé que le gouvernement n'avait "pas changé" de politique et continuait "d'exiger la libération" de tous les otages "conformément aux principes fixés par le cabinet pour mettre fin à la guerre".

La proposition, basée sur un précédent plan américain, prévoit une trêve de 60 jours, la remise de 10 otages vivants et des dépouilles de 18 otages décédés en échange de la libération de prisonniers palestiniens, ainsi que l'entrée de plus d'aide humanitaire à Gaza, selon des sources du Hamas et du Jihad islamique, son allié.

Les captifs restants seraient libérés lors d'une deuxième échange, dans le délai de la trêve, durant laquelle doivent se tenir des négociations en vue d'un cessez-le-feu permanent.

Selon le Bureau de l'ONU des droits de l'Homme dans les territoires palestiniens occupés, les bombardements israéliens sur Gaza-ville "ont entraîné un grand nombre de victimes civiles et des destructions à grande échelle".

"Des centaines de familles ont été contraintes de fuir (...) sans refuge sûr, dans des conditions humanitaires désastreuses, d'autres seraient encore piégées", s'alarme cette agence, pour qui l'opération israélienne "risque de déclencher une crise humanitaire sans précédent".


Israël ordonne le rappel de 60.000 réservistes pour la prise de la ville de Gaza

Des volutes de fumée se dégagent après une frappe israélienne sur un bâtiment à Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, le 20 août 2025. Le 20 août, le ministre israélien de la défense a approuvé un plan de conquête de la ville de Gaza et a autorisé l'appel d'environ 60 000 réservistes, accentuant ainsi la pression sur le Hamas alors que les médiateurs s'efforcent d'obtenir un cessez-le-feu. (AFP)
Des volutes de fumée se dégagent après une frappe israélienne sur un bâtiment à Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, le 20 août 2025. Le 20 août, le ministre israélien de la défense a approuvé un plan de conquête de la ville de Gaza et a autorisé l'appel d'environ 60 000 réservistes, accentuant ainsi la pression sur le Hamas alors que les médiateurs s'efforcent d'obtenir un cessez-le-feu. (AFP)
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  • Le ministre israélien de la Défense a validé une offensive militaire majeure sur la ville de Gaza et rappelé 60 000 réservistes, ciblant les derniers bastions du Hamas malgré une trêve en discussion
  • Le Hamas accuse Israël de saboter les efforts de médiation (Égypte, Qatar, USA), alors même qu’une proposition de trêve de 60 jours et de libération d’otages a été acceptée de son côté

Jérusalem: Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a ordonné mercredi le rappel de 60.000 réservistes après avoir donné son feu vert à la prise de la ville de Gaza, le Hamas dénonçant un "mépris flagrant" pour les efforts de médiation en cours en vue d'une trêve et la libération d'otages.

Le cabinet de sécurité présidé par le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, a approuvé début août un plan pour s'emparer de cette ville et de camps de réfugiés du centre du territoire, considérés comme les derniers bastions du Hamas, prendre le contrôle sécuritaire de toute la bande de Gaza et libérer les otages qui y sont toujours retenus.

Ces derniers - 49 dont 27 morts selon l'armée - ont été enlevés lors d'une attaque sans précédent menée le 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas contre Israël, qui a déclenché la guerre.

Mercredi, la Défense civile locale a fait état de 21 Palestiniens tués par des frappes et tirs israéliens dans la bande de Gaza affamée, assiégée et ravagée par la guerre.

Compte tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les bilans et affirmations de la Défense civile ou de l'armée israélienne.

M. Katz "a approuvé le plan d'attaque de l'armée à Gaza-ville", a indiqué son ministère. Il a également "approuvé l'émission des ordres de rappel des réservistes nécessaires", environ 60.000 hommes.

Pour le Hamas, "l'annonce aujourd'hui par l'armée d'occupation terroriste du début [d'une] opération contre la ville de Gaza et ses près d'un million d'habitants et de déplacés [...] témoigne [...] d'un mépris flagrant des efforts déployés par les médiateurs", en vue d'un accord de cessez-le-feu et de libération des otages.

"Alors que le [Hamas] a annoncé son accord sur la dernière proposition présentée par les médiateurs, [Israël] insiste sur la poursuite de sa guerre barbare", a ajouté le mouvement islamiste palestinien dans un communiqué.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu "démontre qu'il est le véritable obstacle à tout accord, qu'il ne se soucie pas de la vie [des otages israéliens] et qu'il n'a pas sérieusement l'intention de les récupérer", ajoute le texte.

Lundi, le Hamas a annoncé avoir accepté une nouvelle proposition des médiateurs - Egypte, Qatar et Etats-Unis- pour une trêve de 60 jours assortie de la libération des otages en deux étapes.

Israël n'a pas réagi, mais une source gouvernementale a affirmé que le gouvernement n'avait "pas changé" de politique et continuait "d'exiger la libération" de tous les otages "conformément aux principes fixés par le cabinet pour mettre fin à la guerre".

La proposition, basée sur un précédent plan américain, prévoit une trêve de 60 jours, la remise de 10 otages vivants et des dépouilles de 18 otages décédés en échange de la libération de prisonniers palestiniens, ainsi que l'entrée de plus d'aide humanitaire, selon des sources du Hamas et du Jihad Islamique.

Les captifs restants seraient libérés lors d'un deuxième échange, dans le délai de la trêve, durant laquelle doivent se tenir des négociations en vue d'un cessez-le-feu permanent.

Or, depuis plus d'une semaine, l'armée israélienne, qui s'est emparée en plus de 22 mois de guerre d'environ 75% du territoire palestinien, a intensifié ses frappes et opérations dans la ville de Gaza, dans le nord du territoire.

- Des milliers de déplacés -

Les quartiers périphériques voisins de Zeitoun et Sabra y sont la cible d'intenses bombardements, selon des habitants.

"Nous avons commencé des opérations préliminaires pour l'attaque. Nos forces sont en périphérie de la ville. Nous allons créer les conditions pour ramener les otages", a déclaré mercredi le porte-parole de l'armée israélienne, Effie Defrin, à la télévision.

Selon un communiqué de ses services, M. Netanyahu "a ordonné que le délai pour s'emparer des derniers bastions terroristes et vaincre le Hamas soit raccourci", sans donner de date.

De nombreux habitants ont fui Zeitoun et d'autres quartiers orientaux vers l'ouest de la ville et plus au sud, selon des témoins.

L'armée israélienne "a détruit la plupart des bâtiments à Zeitoun et poussé à la fuite des milliers de personnes", a déclaré au téléphone à l'AFP Anis Dalloul, 64 ans, réfugié dimanche dans un autre secteur. "Nous avons peur que (l'armée) occupe la ville et d'être déplacés à nouveau".

Mostafa Qazaat, chef du comité d'urgence de la municipalité de Gaza, a confirmé la fuite "d'un grand nombre" d'habitants.

Dans le sud du territoire, l'armé israélienne a affirmé mercredi avoir tué dans le secteur de Khan Younès une dizaine de combattants du Hamas en repoussant une attaque de sa branche armée, qui assure avoir tué un nombre indéterminé de soldats israéliens.

Faisant fi des protestations internationales, Israël a aussi approuvé mercredi un projet clé de construction de 3.400 logements en Cisjordanie occupée, qui empêcherait la création d'un éventuel Etat palestinien avec une continuité territoriale.

L'Autorité palestinienne a fustigé une décision qui va selon elle faire de ce territoire une "véritable prison". Londres l'a aussi condamnée, appelant Israël à revenir dessus.

L'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort côté israélien de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

La riposte israélienne a fait 62.122 morts à Gaza, majoritairement des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.