De Louvroil à la Libye de Daesh, itinéraire d'un couple jugé aux assises

Devant la cour d'assises spéciale de Paris, Chaïb Attaf raconte comment il a rejoint le groupe Etat islamique en Libye en 2016 (Photo, AFP).
Devant la cour d'assises spéciale de Paris, Chaïb Attaf raconte comment il a rejoint le groupe Etat islamique en Libye en 2016 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 10 mars 2023

De Louvroil à la Libye de Daesh, itinéraire d'un couple jugé aux assises

  • Jugé depuis lundi, ce fils d'un ouvrier marocain identifie plusieurs «déclics» de son adhésion à l'idéologie djihadiste
  • Une rupture professionnelle alors qu'il est bobinier, due selon lui à sa barbe, marque ensuite «le début de la fin»

PARIS: "Il fallait que j'aille en Syrie", que "je vive sous la charia". Devant la cour d'assises spéciale de Paris, Chaïb Attaf raconte comment il a rejoint le groupe Etat islamique en Libye en 2016, entraînant femme et enfants dans ce qui sera "un enfer".

Sur les quelque 1 400 Français ayant rallié les territoires contrôlés par Daesh recensés par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), onze tenteront de se rendre en Libye, sept y parviendront. Parmi eux, Chaïb Attaf, 42 ans aujourd'hui, et sa compagne Dounia Bentefrit, 41 ans.

Jugé depuis lundi, notamment pour association de malfaiteurs terroriste, ce fils d'un ouvrier marocain identifie plusieurs "déclics" de son adhésion à l'idéologie djihadiste.

Quoique "bien intégré" dans son village d'enfance, ce natif d'Auxerre aux cheveux longs mentionne d'abord "les œillères de la campagne" où il y avait peu de musulmans. "Je suis resté dans ce logiciel".

Une rupture professionnelle alors qu'il est bobinier, due selon lui à sa barbe, marque ensuite "le début de la fin", explique-t-il courtois et bavard. Les débats "usants" sur les musulmans conforteront son sentiment de rejet ressenti dès 1989 et les premiers débats en France sur le port du foulard à l'école.

Quand les Printemps arabes éclatent en 2011, le fan de rap cesse d'écouter de la musique. Il "avale" des discours de "savants", s'abreuve sur le forum Ansar al-Haqq et s'enferme, selon ses mots, dans "un eldorado islamique". "Le travail cassait la routine", sans lui, "je descendais, descendais".

Dounia Bentefrit, décrite comme "suiveuse et pas dans l'idéologie", regarde. Dès la fin 2013, une virée en Espagne concrétise pour la première fois les velléités de départ.

En mai 2014, Chaïb Attaf est intercepté à Antakya (Turquie) et renvoyé en France. "Il fallait que j'aille en Syrie, que j'apporte ma pierre, je partais un peu à l'aveuglette", assure-t-il.

Puis il y a "les vacances" en famille en Egypte, fin 2014, où il côtoie le djihadiste Toulousain Jonathan Geffroy. Mais la destination Sinaï ne se concrétise pas.

«Plus mafia que califat»

Reste la Libye en guerre. Là, il a un contact et Daesh, comme d'autres factions djihadistes, a profité du chaos suivant la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. Fort de plus de 5 000 combattants, le groupe contrôle la ville portuaire de Syrte (Nord) et une grande partie de la côte-est.

Pourquoi rejoindre l'EI ?, demande la cour. "Pour le califat, l'Etat islamique, pas pour le groupe", dit l'accusé.

Trois mois après la levée de son assignation à résidence décidée après les attentats du 13 novembre 2015, Chaïf Attaf, sa compagne et leurs deux enfants en bas âge quittent en mai 2016 Louvroil (Nord) pour Bruxelles puis le Maroc.

S'ensuit un périple de plusieurs jours en bus, voiture et à pied à travers l'Algérie, qui leur coûte 5 000 euros.

Il se poursuit plusieurs mois pour les enfants et leur mère, ballotés entre Sebha et Derna (nord-ouest). Lui reçoit un entraînement militaire et dit errer dans le désert, traité comme de "la chair à canon" par des "Libyens nationalistes" et un groupe EI "plus mafia que califat" qui perd Syrte en décembre 2016.

"Il y a une "remise en cause de l'autre, mais pas de vous-même (...) ni de ce que constitue l'Etat islamique", note l'avocate générale.

Mercredi, Dounia Bentefrit avait décrit les activités de "coupeurs de route" que Chaïf Attaf lui avait confiées: cet homme dont ils volent les chameaux et qu'ils épargnent parce que musulman, ce chauffeur exécuté et sa cargaison dérobée.

Elle aussi a décrit avec détachement les journées en Libye à regarder "Disney", éludant les bombardements et le dénuement, oubliant des souvenirs comme sa réaction aux attentats de novembre 2015 ou la peur de grandir de son fils, terrorisé à l'idée d'être enrôlé comme guerrier.

Il faudra son arrestation en mai 2017 et deux ans de détention "pour que vous réalisiez ce que vous faisiez, pour ça s'arrête", lui a fait remarquer l'avocate générale.


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.


Quatre associations musulmanes portent plainte contre un sondage Ifop

Le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, pose dans la grande mosquée de Lyon le 30 septembre 2025. (AFP)
Le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, pose dans la grande mosquée de Lyon le 30 septembre 2025. (AFP)
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  • Les Conseils départementaux du culte musulman (CDCM) du Loiret, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Paris après la publication le 18 novembre du sondage Ifop
  • Les CDCM sont l'échelon départemental du Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l'islam auprès des pouvoirs publics, tombée en disgrâce en 2021

PARIS: Quatre associations du culte musulman ont porté plainte lundi pour dénoncer le manque d'objectivité supposé d'un sondage Ifop sur le rapport des fidèles à l'islam, ont annoncé leurs avocats à l'AFP.

Les Conseils départementaux du culte musulman (CDCM) du Loiret, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Paris après la publication le 18 novembre du sondage Ifop "Etat des lieux du rapport à l'islam et à l'islamisme des musulmans de France".

Les CDCM sont l'échelon départemental du Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l'islam auprès des pouvoirs publics, tombée en disgrâce en 2021.

Ce sondage "viole le principe d'objectivité posé par la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et la diffusion des sondages d'opinion", se "fonde sur des questions orientées" et se "focalise sur des résultats minoritaires mis en avant à des fins polémiques", accusent les avocats Mes Raphaël Kempf et Romain Ruiz, dans un communiqué.

Selon eux, le sondage distille "le poison de la haine dans l'espace public", renforçant "les amalgames".

Contacté par téléphone, François Kraus, directeur du pôle politique/actualités de l'Ifop, a indiqué qu'il répondrait à l'AFP par écrit, ce qu'il n'avait pas fait dans l'après-midi.

Le CFCM avait déjà dans un communiqué vendredi déploré "une nouvelle mise à l’index des citoyens français de confession musulmane et de leurs pratiques religieuses", avec des analyses et données "contestables".

L'enquête Ifop, basée sur un échantillon de 1.005 personnes de religion musulmane, a été commandée par le média confidentiel "Ecran de veille", qui se présente comme "le mensuel pour résister aux fanatismes".

L'attention médiatique et politique s'est beaucoup focalisée sur le sous-échantillon des 15-24 ans, constitué de 291 personnes, et révélant une forte pratique (87% se considèrent religieux, 67% disent prier "au moins une fois par jour", 83% font le ramadan)

François Kraus écrit dans sa conclusion sur le site de l'Ifop que "cette enquête dessine très nettement le portrait d'une population musulmane traversée par un processus de réislamisation, structurée autour de normes religieuses rigoristes et tentée de plus en plus par un projet politique islamiste".

Le sondage a provoqué de vives réactions, l'extrême droite y voyant un signe d'"islamisation", tandis que des représentants de la communauté musulmane ont regretté "une stigmatisation".

"A mal poser les questions, on finit toujours par fabriquer les peurs qu’on prétend mesurer", affirmait dans son billet hebdomadaire le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz.

Le politiste Haouès Seniguer qualifie pour sa part de raccourci "grossier et réducteur" l'idée, sous-jacente selon lui au sondage, qu'une observance stricte de l'islam soit la porte d'entrée mécanique vers l'islamisme.


Macron invité de RTL mardi matin

 Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué. (AFP)
Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué. (AFP)
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  • Après sa participation au G20 ce week-end à Johannesburg et une visite au Gabon, le chef de l'Etat Français a décollé lundi pour l'Angola, où il doit participer au sommet Union européenne-Union africaine
  • Emmanuel Macron se rendra notamment jeudi à Varces (Isère), sur un site de l'armée de terre, où il pourrait annoncer l'instauration d'un service militaire volontaire

PARIS: Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué.

Le président de la République sera notamment interrogé sur la situation internationale, alors qu'une nouvelle réunion de la "coalition des volontaires" au soutien de l'Ukraine est prévue mardi en visioconférence.

Après sa participation au G20 ce week-end à Johannesburg et une visite au Gabon, le chef de l'Etat a décollé lundi pour l'Angola, où il doit participer au sommet Union européenne-Union africaine.

M. Macron sera aussi interrogé sur "les menaces qui pèsent sur la France", selon le communiqué de RTL.

Emmanuel Macron se rendra notamment jeudi à Varces (Isère), sur un site de l'armée de terre, où il pourrait annoncer l'instauration d'un service militaire volontaire.