Turquie: après le séisme, Antakya a peur de perdre son «âme» unique

Cette photographie prise le 21 février 2023 montre une rue endommagée après qu'un séisme de magnitude 6,4 a frappé la province de Hatay, dans le sud de la Turquie, à Antakya. (AFP)
Cette photographie prise le 21 février 2023 montre une rue endommagée après qu'un séisme de magnitude 6,4 a frappé la province de Hatay, dans le sud de la Turquie, à Antakya. (AFP)
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Publié le Jeudi 16 mars 2023

Turquie: après le séisme, Antakya a peur de perdre son «âme» unique

  • En plus des milliers de morts et des dégâts causés au patrimoine historique de la ville, les natifs d'Antakya redoutent de perdre la diversité et le vivre-ensemble qui la caractérisait depuis des siècles
  • L'héritage culturel sera reconstruit, mais les habitations ne seront plus dans le centre ville historique, a prévenu un député

ANTAKYA: "Antakya, nous reviendrons", "Ne perds pas espoir". Au moment de quitter leur ville dévastée par le séisme du 6 février, des habitants d'Antakya, dans le sud de la Turquie, ont laissé des messages d'adieux sur les murs au milieu des ruines.

En plus des milliers de morts et des dégâts causés au patrimoine historique de la ville, l'ancienne Antioche à l'histoire plurimillénaire, les natifs d'Antakya redoutent de perdre la diversité et le vivre-ensemble qui la caractérisait depuis des siècles.

"En Turquie, ceux qui ne sont pas Turcs et musulmans sunnites sont vus comme des curiosités dignes d'un musée. Mais à Antakya c'était différent", raconte Emre Can Daglioglu, originaire de la ville et volontaire de la plateforme en ligne Nehna dédiée aux cultures d'Antakya.

"L'église était au coeur de la vie et de la ville, tout autant que la synagogue. Votre tailleur pouvait être juif ou chrétien, votre épicier alévi ou votre maraicher arménien. Ils vivaient leur identité de manière ouverte et célébraient ensemble leur fêtes", affirme-t-il.

"Se revendiquer d'Antakya est un enjeu identitaire important", soulignent les fondateurs de la plateforme sur leur page d'accueil.

Habitée depuis le VIe siècle avant JC, Antakya fut au fil des siècles une ville romaine, byzantine, perse, ottomane et même brièvement placée sous mandat français avant de devenir une ville turque en 1939.

Des communautés arabophones musulmanes et chrétiennes y côtoient Turcs, Kurdes, Arméniens, Grecs et Juifs.

Reconstruction à la hâte 

Cette vie multiculturelle, qui était l'âme même de la ville, se verrait menacée par un projet de reconstruction à la hâte, craignent ses habitants.

A l'image de la reconstruction hâtive du centre-ville de Diyarbakir, dans le sud-est, après sa destruction lors des combats entre l'armée turque et la guérilla kurde en 2015-2016.

Critiqué pour sa mauvaise gestion de la catastrophe, le président turc Recep Tayyip Erdogan, en campagne pour sa réélection le 14 mai, a promis de reconstruire les régions sinistrées "en un an".

Des chantiers vont commencer "au plus vite", a assuré le chef de l'Etat.

Un décret présidentiel du 24 février autorise les expropriations et l'adoption de nouveaux plans urbains, sans possibilité de recours pour les habitants des dix provinces sinistrées où un Etat d'urgence a été déclaré deux jours après le séisme.

"Nous allons déménager Antakya au pied des montagnes. Il y aura une nouvelle ville construite là-bas", a affirmé le député du parti au pouvoir AKP (Parti de la justice et du développement), Huseyin Yayman, à la chaîne privée CNN Turk.

L'héritage culturel sera reconstruit, mais les habitations ne seront plus dans le centre ville historique, a prévenu le député.

Retour découragé

"Des experts disent qu'on peut reconstruire Antakya de manière sûre, sans avoir besoin de la déménager. Il faut les écouter, ainsi que les habitants. Mais avec une telle hâte, je crains que cela soit impossible", déplore Anna Maria Beylunioglu, entre deux appels pour trouver des hébergements pour les rescapés.

Originaire d'Antakya, la chercheuse en science politique fait partie de la plateforme Nehna qui s'est mobilisée pour acheminer des secours et des aides dans la région sinistrée.

"Les mosquées, églises et synagogues historiques seront sûrement restaurées. Mais si on dépeuple le centre ville, il en perdra son âme. Il deviendra un musée. La culture du vivre ensemble risque de disparaître", s'inquiète M. Daglioglu.

La perte de cette âme à laquelle ils tiennent tant pourrait aussi décourager le retour de centaines de milliers de déplacés dans leur ville, altérant son caractère multiculturel, redoutent les observateurs.

"Les gens font une ville, sa culture, son atmosphère. Antakya a une âme et ses habitants y sont attachés. Si la reconstruction prend en compte les dynamiques locales, la population reviendra. Mais la précipitation du gouvernement m'inquiète. J'ai peur qu'Antakya ne soit plus la même", s'alarme M. Daglioglu.

"Il ne reste plus rien de ma synagogue, de mes ruelles, de mon restaurant préféré, de mon enfance... Les promoteurs se frottent les mains. (...) On nous a dépouillés d'Antakya", déplore de son côté Yakup Cemel, membre de la communauté juive d'Antakya, dans le magazine en ligne Avlaremoz.

Face à ce risque, les volontaires de Nehna tentent de capturer la mémoire d'Antakya d'avant le désastre avec un projet de carte en ligne où les habitants pourront ajouter des textes et des photos témoignant de la vie quotidienne.

"Nous allons ainsi donner une voix aux habitants d'Antakya pour que la ville puisse être reconstruite comme avant", explique Mme Beylunioglu.

"Je ne sais pas si elle sera entendue, mais elle restera comme une référence".


L'Égypte coordonne avec la Grèce le retour des victimes du bateau de migrants et met en garde contre les itinéraires irréguliers

L'Égypte a intensifié ses efforts pour freiner la migration irrégulière depuis le lancement d'une stratégie nationale en 2016. (File/AFP)
L'Égypte a intensifié ses efforts pour freiner la migration irrégulière depuis le lancement d'une stratégie nationale en 2016. (File/AFP)
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  • Le ministère a ajouté que l'ambassade était en contact avec les familles des personnes décédées afin d'organiser le transfert des dépouilles dans leur pays d'origine
  • Présentant ses condoléances aux familles des victimes, le ministère a renouvelé son avertissement aux citoyens concernant les risques de la migration irrégulière, exhortant les Égyptiens à protéger leur vie en utilisant des moyens de transport légaux

DUBAI: Les mesures prises par l'Égypte ont reçu le soutien de la communauté internationale, l'Union européenne s'étant engagée à verser 200 millions d'euros de subventions en mars 2024 pour renforcer la gestion des frontières.
Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a demandé à l'ambassade égyptienne à Athènes de renforcer la coordination avec les autorités grecques, a rapporté Ahram Online mardi.

Cette mesure vise à soutenir les survivants et à accélérer le rapatriement des corps des victimes une fois les procédures légales achevées.

Le ministère a ajouté que l'ambassade était en contact avec les familles des personnes décédées afin d'organiser le transfert des dépouilles dans leur pays d'origine.

Présentant ses condoléances aux familles des victimes, le ministère a renouvelé son avertissement aux citoyens concernant les risques de la migration irrégulière, exhortant les Égyptiens à protéger leur vie en utilisant des moyens de transport légaux et réglementés.

L'Égypte a intensifié ses efforts pour freiner la migration irrégulière depuis le lancement d'une stratégie nationale en 2016, les responsables soulignant que le pays ne sera pas utilisé comme voie de transit vers l'Europe.

Les autorités affirment qu'aucun bateau de migrants n'a quitté les côtes égyptiennes depuis l'introduction de la stratégie, bien que l'Égypte accueille près de 10 millions de ressortissants étrangers, y compris des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants de 133 pays.

L'approche a continué à évoluer au fil des ans, tout récemment avec l'adoption du plan d'action national 2024-2026 par le Comité national pour la lutte et la prévention de la migration illégale et de la traite des personnes.

Des initiatives antérieures ont également soutenu ces efforts, notamment le programme "Lifeboats" de 2019, qui a alloué 250 millions EGP pour créer des opportunités d'emploi dans les villages considérés comme les plus vulnérables à la migration irrégulière.

Les mesures prises par l'Égypte ont bénéficié d'un soutien international, l'Union européenne s'étant engagée à verser 200 millions d'euros de subventions en mars 2024 pour renforcer la gestion des frontières, les capacités de recherche et de sauvetage et les efforts de lutte contre le trafic de migrants.


Explosion du port de Beyrouth: un juge libanais en Bulgarie pour l'enquête

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  • Un tribunal bulgare avait refusé le 10 décembre d'extrader Igor Grechushkin, un citoyen russo-chypriote de 48 ans, faute d'assurances suffisantes du Liban qu'il n'appliquerait pas la peine de mort
  • Arrêté à l'aéroport de Sofia en septembre sur la base d'une notice rouge d'Interpol, il est accusé par les autorités judiciaires libanaises d'"introduction d'explosifs au Liban"

BEYROUTH: Le juge libanais Tarek Bitar s'est déplacé mercredi en Bulgarie pour interroger le propriétaire du navire lié à l'explosion meurtrière dans le port de Beyrouth en 2020, a indiqué un responsable judiciaire à l'AFP.

Un tribunal bulgare avait refusé le 10 décembre d'extrader Igor Grechushkin, un citoyen russo-chypriote de 48 ans, faute d'assurances suffisantes du Liban qu'il n'appliquerait pas la peine de mort.

M. Grechushkin est désigné par les autorités libanaises comme le propriétaire du Rhosus, le navire qui transportait le nitrate d'ammonium débarqué dans le port de Beyrouth dans un entrepôt, où il avait explosé suite à un incendie, faisant plus de 200 morts, des milliers de blessés et d'importants dégâts.

Arrêté à l'aéroport de Sofia en septembre sur la base d'une notice rouge d'Interpol, il est accusé par les autorités judiciaires libanaises d'"introduction d'explosifs au Liban, acte terroriste ayant entraîné la mort d'un grand nombre de personnes et désactivation de machines dans le but de faire couler un navire", selon le parquet bulgare.

"M. Bitar est parti pour Sofia mercredi" et doit interroger M. Grechushkin jeudi, a précisé sous couvert d'anonymat un responsable de la justice libanaise à l'AFP.

L'ambassade libanaise à Sofia s'est occupée de trouver un traducteur et un huissier chargé de prendre en note l'interrogatoire, qui se fera en présence d'autorités judiciaires bulgares, a précisé la même source.

La justice libanaise espère obtenir des informations sur la cargaison de nitrate d'ammonium et en particulier son commanditaire. Elle veut aussi savoir si Beyrouth était la destination finale du navire.

Le juge indépendant Tarek Bitar avait repris en début d'année l'enquête qu'il avait dû interrompre en janvier 2023, se heurtant à l'hostilité d'une grande partie de la classe politique, notamment du Hezbollah qui l'accusait d'impartialité, avant d'être poursuivi pour insubordination.

Son enquête a pu reprendre après l'entrée en fonction du président Joseph Aoun et de son Premier ministre, qui ont promis de préserver l'indépendance de la justice, à la suite de la guerre entre Israël et le Hezbollah dont le mouvement chiite soutenu par l'Iran est sorti très affaibli à l'automne 2024.


«Des habitants meurent de froid»: Gaza frappé par de nouvelles intempéries

Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, un nouveau-né est décédé lundi des suites d'une hypothermie sévère causée par un froid extrême. Le ministère ajoute qu'il avait été admis à l'hôpital il y a deux jours et placé en soins intensifs. (AFP)
Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, un nouveau-né est décédé lundi des suites d'une hypothermie sévère causée par un froid extrême. Le ministère ajoute qu'il avait été admis à l'hôpital il y a deux jours et placé en soins intensifs. (AFP)
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  • "Avec les fortes pluies et le froid apportés par la tempête Byron, des habitants de la bande de Gaza meurent de froid", a écrit lundi sur X Philippe Lazzarini, le chef de l'agence de l'ONU chargée des réfugiés palestiniens (Unrwa)
  • "Nos aides attendent depuis des mois d'entrer à Gaza. Elles permettraient de couvrir les besoins de centaines de milliers de personnes en détresse", a-t-il déploré

GAZA: De nouvelles pluies hivernales se sont abattues cette semaine sur la bande de Gaza, déjà ravagée par la guerre, faisant au moins 18 morts depuis le début des intempéries.

Des Palestiniens poussant une voiture dans une rue inondée, une charrette tirée par un âne progressant difficilement à travers les eaux, des tentes et des abris de fortune de déplacés inondés: la situation s'aggrave dans un territoire palestinien en ruines.

"Avec les fortes pluies et le froid apportés par la tempête Byron, des habitants de la bande de Gaza meurent de froid", a écrit lundi sur X Philippe Lazzarini, le chef de l'agence de l'ONU chargée des réfugiés palestiniens (Unrwa).

"Nos aides attendent depuis des mois d'entrer à Gaza. Elles permettraient de couvrir les besoins de centaines de milliers de personnes en détresse", a-t-il déploré.

Si un cessez-le-feu est entré en vigueur en octobre après deux années de guerre entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, l'ONU estime que l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante face à l'ampleur des besoins de la population démunie.

Nourrissons «en danger»

Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, un nouveau-né est décédé lundi des suites d'une hypothermie sévère causée par un froid extrême. Le ministère ajoute qu'il avait été admis à l'hôpital il y a deux jours et placé en soins intensifs.

Trois enfants étaient décédés dans des conditions similaires la semaine dernière, d'après la Défense civile, organisation de premiers secours opérant sous l'autorité du mouvement islamiste.

Si un cessez-le-feu est entré en vigueur en octobre, l'ONU estime que l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante face à l'ampleur des besoins de la population démunie.

Environ 1,3 million de personnes, sur une population de plus de deux millions d'habitants dans le territoire, ont actuellement besoin d'un hébergement d'urgence, selon les Nations unies, qui mettent en garde contre un risque croissant d'hypothermie.

Les nourrissons encourent particulièrement un "grand danger" avec les conditions hivernales, avertit l'organisation.

«Reconstruire le territoire»

La Défense civile de Gaza avait indiqué vendredi qu'au moins 16 personnes étaient mortes en 24 heures des suites de l'effondrement de bâtiments ou des effets du froid.

Outre le nourrisson, le porte-parole de l'organisation, Mahmoud Bassal, a fait état mardi d'un autre décès après l'effondrement du toit d'un bâtiment à la suite de fortes pluies dans le nord-ouest de la ville de Gaza.

Il a précisé que la maison avait déjà été endommagée par des frappes aériennes pendant la guerre.

Des images de l'AFP montrent des secouristes extraire le corps d'un Palestinien des décombres d'un bâtiment. Non loin, des proches en deuil pleurent.

"Nous appelons le monde à résoudre nos problèmes et à reconstruire le territoire afin que nous puissions avoir des maisons au lieu (...) de vivre dans la rue", a déclaré Ahmed al-Hossari, qui a perdu un membre de sa famille.

La bande de Gaza connaît généralement un épisode de fortes pluies à la fin de l'automne et en hiver, mais l'état de dévastation du territoire, des conséquences de la guerre, a rendu ses habitants plus vulnérables.