Les Arabes ne gagneront pas le respect de l'Amérique en se renommant sous l’appellation «MENA»

La discrimination antiarabe et la rhétorique politique sont fréquentes, comme l'ont déjà montré plusieurs études menées dans l'Illinois. (AFP)
La discrimination antiarabe et la rhétorique politique sont fréquentes, comme l'ont déjà montré plusieurs études menées dans l'Illinois. (AFP)
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Publié le Samedi 18 mars 2023

Les Arabes ne gagneront pas le respect de l'Amérique en se renommant sous l’appellation «MENA»

Les Arabes ne gagneront pas le respect de l'Amérique en se renommant sous l’appellation «MENA»
  • Les Arabes et les musulmans ne sont pas attaqués parce qu'ils sont de la région «MENA»
  • On ne mettra pas fin au racisme antiarabe en renommant les Arabes sous l’appellation «MENA»

Aucun groupe ethnique en Amérique ne souffre plus que les Arabes. Pourquoi est-ce que je dis cela? Parce que tous les autres groupes — tels que les Afro-Américains, les Asiatiques, les Hispano-Américains et les Amérindiens — sont protégés par les lois antidiscrimination et sont inclus dans le recensement américain. 

Un petit groupe d'Américains d'origine arabe, travaillant avec des Asiatiques et d'autres groupes ethniques, fait pression pour remplacer «Arabe» par «MENA» (personnes originaires du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord), en guise de compromis pour que leur appartenance ethnique soit ajoutée en tant qu'option dans le recensement. Mais, le terme «MENA» représente une discrimination qui va bien au-delà du terme «Arabe». Si le terme «MENA» représente vraiment les Arabes, pourquoi ne pas proposer que le terme «Arabe» soit au centre de ces efforts? Les Arabes et les musulmans ne sont pas attaqués parce qu'ils sont de la région MENA. S'ils sont attaqués, c'est parce qu'ils sont Arabes et/ou musulmans.

Les musulmans ont une vaste identité en Amérique. La majorité des musulmans appartenant à une minorité ethnique sont afro-américains et les afro-américains bénéficient de nombreuses protections juridiques contre la discrimination, y compris une multitude de lois sur les droits civils. Relativement peu d'entre eux sont Arabes et il est donc erroné de penser que, lorsque des lois sont adoptées pour lutter contre l'islamophobie ou que des responsables américains dénoncent l'islamophobie, ils s'attaquent à la discrimination à l'égard des Arabes. 

Il est nécessaire de lutter contre la discrimination à l'égard des Arabes par le courant dominant de l'Amérique, car ce sont les Arabes et les musulmans qui sont visés, et non la région «MENA». La création d'une appellation «MENA» dans le recensement ne ferait qu'entraver les efforts visant à protéger les Arabes, car leur appartenance ethnique réelle ne serait toujours pas définie. Cependant, je comprends pourquoi certaines personnes préfèrent «MENA» à l’appellation «Arabe», car il s'agit d'une appellation plus large qui est interprétée comme incluant les Africains, les Asiatiques et d'autres. 

 

La création d'une appellation MENA dans le recensement ne ferait qu'entraver les efforts visant à protéger les Arabes, car leur appartenance ethnique réelle ne serait toujours pas définie.

Ray Hanania

 

Récemment, à Chicago, un petit groupe d'Arabes a convaincu le représentant de l'État de l'Illinois nouvellement élu, Abdel Nasser Rachid, d'introduire une loi demandant à l'État de mener une étude sur les discriminations subies par la communauté de la région MENA. Une fois l'étude réalisée, et si le terme «MENA» est ajouté à la définition légale des personnes minoritaires, cela pourrait permettre aux individus originaires de la région MENA — quelle que soit la signification de ce terme — de se qualifier pour le régime des entreprises commerciales minoritaires. Cela signifie qu'ils pourraient bénéficier d’une partie des milliards de dollars de contrats réservés à diverses minorités, dont les Noirs, les Hispaniques, les Asiatiques et les femmes. Mais cette décision relève plus de la politique que de l'amélioration des droits des Arabes dans l'Illinois. 

Cyril Nichols, représentant de l'État, a présenté l'année dernière un projet de loi visant à désigner les Arabes comme faisant partie de la catégorie d'entreprises commerciales minoritaires. Ce projet est soutenu par la Chambre de commerce arabo-américaine, le Club démocratique arabo-américain et l'Association nationale des journalistes arabo-américains. Il bénéficie également du soutien des législateurs afro-américains, qui ont mis de côté toute crainte concernant le financement des Afro-Américains par l'ouverture de la porte aux Arabes.

Toutefois, Nichols s'est inquiété de voir la communauté arabe «se diviser» et choisir la politique au détriment de l'égalité des entreprises minoritaires.

La discrimination antiarabe et la rhétorique politique sont fréquentes, comme l'ont déjà montré plusieurs études menées dans l'Illinois. Une autre étude n'est pas nécessaire. Il s'agit simplement d'un stratagème politique visant à diviser la communauté arabo-américaine et à séparer ses membres de l’appellation «Arabe» considérée comme plus offensante pour les Américains que l’appellation «MENA» qui plus légère et plus inoffensive. Personne ne m'a jamais attaqué en me traitant de «sale MENA». 

On ne mettra pas fin au racisme antiarabe en renommant les Arabes sous l’appellation «MENA». Cela ne sera possible que lorsque les Américains reconnaîtront et respecteront les Arabes en tant qu'Arabes. Mais les Arabes n'obtiendront pas ce respect si nous tentons de nous autonomiser en utilisant le terme adouci «MENA».

 

  • Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être joint sur son site web personnel à l'adresse www.Hanania.com. Twitter: @RayHanania

 

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com