En Irak, la jeunesse branchée accro aux fripes

Dans un pays où près d'un tiers des 42 millions d'Irakiens sont pauvres, les allées tortueuses du grand marché aux fripes de Bagdad ne désemplissent pas le vendredi. (AFP).
Dans un pays où près d'un tiers des 42 millions d'Irakiens sont pauvres, les allées tortueuses du grand marché aux fripes de Bagdad ne désemplissent pas le vendredi. (AFP).
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Publié le Mardi 21 mars 2023

En Irak, la jeunesse branchée accro aux fripes

  • Dans un pays qui renoue avec une certaine normalité après des décennies de conflits et s'ouvre chaque jour un peu plus, les fripes permettent aux amateurs de cultiver leur différence à petits prix
  • "Nous ne voulons pas une surproduction de vêtements. Il faut réutiliser"

AL HUSSAINIYAH: Dans une palmeraie au nord de Bagdad, des mannequins amateurs défilent, l'air blasé. Ici, pas de haute couture, mais des tenues vintage semblant sortir de films des années 1970. Pour ces jeunes Irakiens, la fripe c'est chic... et c'est un moyen d'éveiller à la protection de l'environnement.

Car le défilé est d'abord organisé pour sensibiliser aux effets du changement climatique subis de plein fouet par l'Irak. Il illustre aussi l'engouement récent pour les vêtements de seconde main chez les jeunes.

"Nous ne voulons pas une surproduction de vêtements. Il faut réutiliser", plaide Mohamed Qassem, 25 ans, coiffeur et organisateur du défilé dans les palmeraies du village d'Al-Hussainiya.

Exhibant une doudoune vert fluo, un long manteau noir en cuir usé, d'amples blazers croisés, à carreaux ou à rayures, les mannequins se succèdent sous les yeux médusés de bergers.

Dans un pays qui renoue avec une certaine normalité après des décennies de conflits et s'ouvre chaque jour un peu plus, les fripes permettent aux amateurs de cultiver leur différence à petits prix. Loin des enseignes de mode internationale et de "fast-fashion" qui font timidement leur apparition à Bagdad.

Parmi les tenues arborées au défilé, le vert domine comme un clin d'oeil, car l'initiative entend encourager le reboisement pour contrer la désertification galopante en mettant en valeur la palmeraie, vulnérable au changement climatique.

"L'objectif (est non seulement de) se concentrer sur les vêtements, mais aussi (sur) les vergers délaissés, les palmiers qui disparaissent chaque jour. Tout cela amplifie la pollution", souligne Mohamed Qassem.

« Fripes de luxe »

Veste rose, moustache à la Clark Gable et cheveux gominés, le jeune homme égrène les consignes, aidant un mannequin à rectifier sa démarche, suggérant des pauses à un autre.

Les vêtements présentés ne seront pas mis en vente. Mohamed Qassem a uniquement organisé le défilé pour la beauté du geste et pour éveiller à la protection de l'environnement.

"Les fripes, ce sont des vêtements d'excellente qualité. Quand tu les portes, tu as l'impression de revêtir des vêtements de luxe, c'est différent de ce que tu trouves dans le commerce", explique Ahmed Taher, styliste de 22 ans qui a fourni les ensembles.

Etudiant en commerce, il compte 47.000 abonnés sur son compte Instagram "Modern Outfit". Il y propose aux hipsters de Bagdad des vêtements d'occasion, parfois de grandes marques. Il vend des ensembles pantalon/chemise ou des tee-shirts à 20 dollars.

"On veut porter des vêtements uniques et ne pas tous ressembler les uns aux autres", ajoute M. Taher, vêtu d'une veste grise classique qui lui donne un air d'Al Pacino dans "Le Parrain".

Mannequin d'un jour, Safaa Haidar appelle à "planter un arbre chez soi". L'étudiante de 22 ans "s'intéresse à la mode en général" et confirme son attrait pour les fripes, assurant choisir ses vêtements "en fonction de (sa) personnalité".

Mais la sape d'occasion est aussi un choix économique.

Dans un pays où près d'un tiers des 42 millions d'Irakiens sont pauvres, les allées tortueuses du grand marché aux fripes de Bagdad ne désemplissent pas le vendredi.

Devant les étals croulant sous les chemises, chaussures et jeans, des hommes essayent des vêtements. Ici, une chemise coûte parfois à peine deux dollars. D'autres pièces peuvent se vendre jusqu'à 200 dollars.

« Durer toute une vie »

Mohamed Ali, étudiant en ingénierie de 20 ans, est venu acheter des chaussures. A l'époque de l'embargo occidental contre l'Irak dans les années 1990, il raconte comment ses parents "portaient le même pantalon à l'endroit et à l'envers, jusqu'à l'usure, car ils n'avaient pas les moyens d'acheter de vêtements".

Des décennies plus tard, la démarche a changé. "La plupart de mes amis achètent des fripes", confirme-t-il. "Ce n'est pas qu'on n'a pas les moyens d'acheter neuf. Mais on trouve des pièces de meilleure qualité et uniques."

Hassan Refaat propose des vêtements achetés puis abandonnés par des consommateurs en Europe et qui retrouvent une seconde vie dans les penderies irakiennes. Sa marchandise est aussi importée du Kurdistan, région autonome du nord de l'Irak à la frontière avec un géant de la production textile, la Turquie.

"Les fripes sont de meilleure qualité que les vêtements neufs disponibles sur le marché. Bien souvent, il s'agit de pièces de marques", résume M. Refaat, 22 ans. "Et les marques durent toute une vie".


Troisième navire humanitaire de KSrelief pour Gaza

Le troisième navire d’aide humanitaire de l’Arabie saoudite pour Gaza est arrivé à Port-Saïd, en Égypte. (SPA)
Le troisième navire d’aide humanitaire de l’Arabie saoudite pour Gaza est arrivé à Port-Saïd, en Égypte. (SPA)
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  • Le navire transporte 300 grands conteneurs d’aide humanitaire pesant 1 246 tonnes
  • Les produits seront distribués par l'organisme d’aide humanitaire saoudien KSrelief

PORT-SAÏD, Égypte: Le troisième navire d’aide humanitaire saoudien pour Gaza est arrivé à Port-Saïd, en Égypte.

Les produits seront distribués par l’organisme d’aide humanitaire du Royaume, KSrelief, a rapporté jeudi l’Agence de presse saoudienne.

Le navire transporte 300 grands conteneurs pesant 1 246 tonnes, dont 200 conteneurs contenant des fournitures médicales, et 100 contenant de la nourriture, du lait pour nourrissons de longue conservation, ainsi que du matériel pour les abris.

Il y a quelques jours, deux navires envoyés par le KSrelief sont arrivés à Port-Saïd avec un chargement similaire pour aider les Palestiniens touchés par les bombardements israéliens.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Les relations turco-israéliennes mises à l’épreuve après la dernière dispute au sujet du Hamas

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, (à droite) et le ministre turc de la Santé, Fahrettin Koca, (à gauche) s'entretenant avec une patiente palestinienne atteinte d'un cancer, qui a passé la frontière de Gaza pour se rendre en Égypte et a été transportée en Turquie pour y être soignée, au Bilkent City Hospital, à Ankara. (AFP)
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, (à droite) et le ministre turc de la Santé, Fahrettin Koca, (à gauche) s'entretenant avec une patiente palestinienne atteinte d'un cancer, qui a passé la frontière de Gaza pour se rendre en Égypte et a été transportée en Turquie pour y être soignée, au Bilkent City Hospital, à Ankara. (AFP)
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  • Dans un enregistrement diffusé dimanche à la télévision israélienne, Ronen Bar, le chef du Shin Bet, a déclaré qu’Israël avait l’intention d’éliminer les dirigeants du Hamas au Qatar, au Liban et en Turquie
  • Les relations bilatérales entre la Turquie et Israël n'ont jamais été à l'abri des acteurs mondiaux ou régionaux, affirme l’analyste Betul Dogan-Akkas à Arab News

ANKARA: À la suite de l’engagement du directeur du Service de sécurité intérieure israélien, Ronen Bar, de poursuivre les dirigeants du Hamas à l’étranger, tous les regards sont désormais tournés vers la Turquie pour savoir si cette évolution va encore aggraver les tensions entre les deux pays.

Dans un enregistrement diffusé dimanche sur la chaîne publique israélienne Kan, Ronen Bar, le chef du Shin Bet, a déclaré qu’Israël avait l’intention d’éliminer les dirigeants du Hamas au Qatar, au Liban et en Turquie.

«C'est notre Munich. Cela prendra quelques années, mais nous serons là pour le faire», a-t-il signalé, faisant allusion à l’attaque de 1972 au cours de laquelle des hommes armés palestiniens de Septembre noir avaient tué 11 membres de l’équipe olympique israélienne lors des jeux de Munich.

Israël avait ensuite mené des opérations en guise de représailles contre les membres de Septembre Noir dans différents pays, pendant plusieurs années.

 


A Nahariya dans le Nord d'Israël, les habitants craignent un deuxième front

Un Israélien armé à Nahariya, ville côtière du nord d'Israël, près de la frontière avec le Liban, le 8 décembre 2023 (Photo, AFP).
Un Israélien armé à Nahariya, ville côtière du nord d'Israël, près de la frontière avec le Liban, le 8 décembre 2023 (Photo, AFP).
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  • En visite jeudi dans le nord auprès des troupes, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a menacé de transformer Beyrouth «en Gaza»
  • Les violences à la frontière ont fait plus de 110 morts au Liban et une dizaine côté israélien

NAHARIYA: Daniel Bussidan semble encore sous le choc: une roquette vient de tuer l'un de ses proches, et comme tous les habitants de la station balnéaire israélienne la plus proche du Liban, il craint l'embrasement régional.

"J'ai peur d'une attaque depuis le Liban", lance ce jeune homme de 26 ans qui travaille à l'abri des rangées d'eucalyptus immenses dans une boulangerie de la principale rue commerçante de Nahariya, verdoyant lieu de villégiature sur les rives de la Méditerranée.

En temps normal, les 75.000 habitants et les promeneurs profitent de la douceur du climat et des spots de surf.

Mais depuis plus de deux mois, ils vivent sous la menace des échanges de tirs quotidiens entre l'armée israélienne et le puissant Hezbollah.

Car la destination se situe à quelques kilomètres seulement de la frontière septentrionale, bien visible sur la colline au loin. Et le mouvement chiite, l'un des ennemis jurés d'Israël, dit être "entré dans la bataille depuis le 8 octobre", pour soutenir le Hamas palestinien, au pouvoir à Gaza.

«On est pas venus habiter en Suisse»

En visite jeudi dans le nord auprès des troupes, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a menacé de transformer Beyrouth "en Gaza", intensément bombardée depuis l'attaque sanglante du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre, si le Hezbollah "choisissait de déclencher une guerre totale".

Dans ce contexte:  A la station service, Mair, 52 ans, qui vend du bois de construction et ne souhaite pas donner son nom de famille, parle d'un chiffre d'affaires en chute libre.

Même son de cloche dans les restaurants du front de mer et dans les boutiques affichant fièrement le drapeau national: peu de lèche-vitrine au retour de plage, beaucoup de fusils en bandoulières.

"Il peut y avoir une infiltration" de combattants du Hezbollah depuis le Liban et "dès qu'on sort, on repère les abris", explique Nathalie Betito, 44 ans, qui a quand même tenu à célébrer Hanouka, la fête juive des lumières.

Elle a retrouvé une centaine de personnes dans la salle attenante de la synagogue centrale avec sa fille et son mari Arié, avec lequel elle a immigré depuis la France il y a cinq ans.

"On est pas venus habiter en Suisse", dit ce dernier, 47 ans, qui s'occupe des nouveaux arrivants à la mairie de Nahariya, attractive pour son cadre de vie comme pour ses avantages fiscaux, concédés en raison de sa position exposée.

«On attend la guerre»

Pas question de suivre des Russes et des Ukrainiens qui ne voulaient pas subir encore un front et sont repartis massivement trouver un point de chute moins angoissant, dans un pays d'Europe occidentale.

Même si les violences à la frontière ont fait plus de 110 morts au Liban et une dizaine côté israélien, où l'armée a tenu à montrer à l'AFP des troupes à l'entraînement sur le plateau du Golan annexé, prêtes à en découdre. Quant à Gaza, près de 17.500 Palestiniens ont été tués dans la riposte israélienne à l'attaque sans précédent de commandos du Hamas, qui a fait 1.200 morts sur le sol israélien le 7 octobre, selon les autorités locales.

"On a un revolver pointé sur la tempe", estime Arié Betito à Nahariya, qui craint l'arsenal du Hezbollah "pointé sur nous", mais ne croit toutefois pas à une guerre "totale".

"Le prix à payer serait exorbitant" et "ni d'un côté ni de l'autre", "quelqu'un a "envie de ça".

"Totale" ou pas, Efi Dayan, 60 ans, "sait qu'il va y avoir une guerre ici". "On se prépare avec de la nourriture, des vêtements. On l'attend", souffle-t-il calmement sous le soleil hivernal.