Même un journaliste irréprochable risque le délit d'initié, pour la Cour d'appel de Paris

Ainsi, «même si un journaliste le fait dans le cadre son travail, il ne peut plus transférer une information privilégiée», résume Frédéric Peltier, avocat spécialisé dans la régulation financière (Photo, AFP).
Ainsi, «même si un journaliste le fait dans le cadre son travail, il ne peut plus transférer une information privilégiée», résume Frédéric Peltier, avocat spécialisé dans la régulation financière (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 31 mars 2023

Même un journaliste irréprochable risque le délit d'initié, pour la Cour d'appel de Paris

  • La Cour d'appel a fait «prévaloir l'intérêt public visant à protéger l'intégrité de ces marchés» sur «l'intérêt du public à prendre connaissance de rumeur de marché»
  • Et ce, même si «les divulgations» aux sources sont «strictement nécessaires à l'accomplissement de l'activité journaliste»

PARIS: Préserver la liberté de la presse ou garantir la confiance dans le marché ? La Cour d'appel de Paris a donné jeudi la primeur au deuxième principe dans une affaire concernant un journaliste financier britannique ayant évoqué un article avec des sources sur une possible opération financière à venir.

La Cour d'appel a fait "prévaloir l'intérêt public visant à protéger l'intégrité de ces marchés" sur "l'intérêt du public à prendre connaissance de rumeur de marché", a-t-elle justifié dans un communiqué. Et ce, même si "les divulgations" aux sources sont "strictement nécessaires à l'accomplissement de l'activité journaliste", assure-t-elle.

La décision n'a pas manqué d'étonner. "La recherche d'un juste équilibre entre les intérêts en présence", notamment le pouvoir financier, est "une logique totalement contraire aux principes fondamentaux de la liberté de la presse", a dénoncé Christophe Deloire, secrétaire général de Reporter sans Frontière.

L'affaire remonte à 2011. Travaillant alors pour le Daily Mail après une vingtaine d'années au sein du Financial Times, Geoff Foster, journaliste reconnu pour la qualité de ses articles, avait discuté avec des sources régulières au sujet de bruits de marché sur une éventuelle offre publique d'achat du géant du luxe LVMH sur son concurrent Hermès, en évoquant un article qu'il comptait écrire prochainement.

Ces sources et certains de leurs contacts ont exploité les informations tirées de ces discussions avec le journaliste pour réaliser des opérations financières rentables en investissant sur des titres financiers avant la publication de l'article, lequel a fait monter les cours à la Bourse de Paris.

«Dangereux»

L'AMF avait condamné M. Foster en 2018 à 40 000 euros d'amende, considérant qu'il avait transmis une information privilégiée. Les quatre personnes ayant utilisé l'information ont eu au total 305 000 euros d'amende. Le journaliste a contesté la sanction devant la Cour d'appel de Paris.

Cette dernière a dans un premier temps sollicité l'éclairage de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Celle-ci avait tenté en mars 2022 un numéro d'équilibriste entre le principe de la liberté de la presse et le règlement européen sur les abus de marché.

Elle avait estimé que la divulgation d'une information financière privilégiée par un journaliste est licite lorsqu'elle est nécessaire à l'exercice de sa profession et qu'elle respecte "le principe de proportionnalité" entre l'intérêt général et des intérêts privés.

Mais "si désormais les comportements des journalistes, voire leurs productions, doivent être limitées par les intérêts des uns ou des autres, c'est très dangereux", a poursuivi M. Deloire.

La Cour d'appel de Paris a d'ailleurs estimé que M. Foster "a agi dans le respect des règles et codes régissant sa profession" et que ses échanges avec ses sources avaient bien "des finalités journalistiques".

Toutefois, elle a estimé que "les divulgations en cause ne sont pas proportionnées" par rapport aux "intérêts privés (de certains investisseurs)" mais aussi à "l'intégrité" et au besoin de "garantir la confiance de l'ensemble des investisseurs" dans le marché.

Rapports aux sources

Ainsi, "même si un journaliste le fait dans le cadre son travail, il ne peut plus transférer une information privilégiée", résume Frédéric Peltier, avocat spécialisé dans la régulation financière.

"Donner à l'Autorité des marchés financiers la capacité de juger ce qui est nécessaire ou pas dans les investigations journalistiques est un danger pour la liberté de la presse", poursuit-il.

Si cette jurisprudence est confirmée – un recours devant la Cour de Cassation étant encore possible – "le législateur français doit créer un système de protection des journalistes".

De son côté, François-Henri Briard, avocat à la Cour de cassation et au Conseil d'État, a aussi estimé que "cet arrêt incite les journalistes à la prudence" dans le travail avec leur source.

Si elle a confirmé deux des trois manquements prononcés en première instance, la Cour d'appel de Paris a toutefois réduit l'amende à 10 000 euros en raison de l'"incertitude juridique" qui existait à la date des faits.


Motion de censure: Le Pen attend la dissolution avec une «impatience croissante»

 Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
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  • Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu
  • Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver"

PARIS: Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante".

Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver".

"Poursuite du matraquage fiscal" avec 19 milliards d'impôts supplémentaires, "gel du barème" de l'impôt sur le revenu qui va rendre imposables "200.000 foyers" supplémentaires, "poursuite de la gabegie des dépenses publiques", "absence totale d'efforts sur l'immigration" ou sur "l'aide médicale d'Etat", ce budget "est un véritable musée de toutes les horreurs coincées depuis des années dans les tiroirs de Bercy", a-t-elle estimé.

Raillant le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui a accepté d'épargner le gouvernement en échange de la suspension de la réforme des retraites sans savoir par "quel véhicule juridique" et sans assurance que cela aboutisse, elle s'en est pris aussi à Laurent Wauquiez, le chef des députés LR, qui préfère "se dissoudre dans le socialisme" plutôt que de censurer.

"Désormais, ils sont tous d'accord pour concourir à éviter la tenue d'élections", "unis par la terreur de l'élection", a-t-elle dit.


A peine installé, Lecornu affronte deux motions de censure

Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée. (AFP)
Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée. (AFP)
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  • Sans recours au 49.3, que M. Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser, la bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et l'extrême droite s'annonce dantesque, dans des délais très contraints
  • Les socialistes se réservent d'ailleurs la possibilité de censurer le gouvernement au cours des discussions

PARIS: Un dernier obstacle avant d'entamer l'examen du budget: deux motions de censure contre le gouvernement de Sébastien Lecornu, l'une de LFI et l'autre du RN, seront débattues par les députés jeudi matin, et devraient être rejetées, dans un scrutin serré, faute de soutien du PS.

Le Parti socialiste a pris sa décision après avoir obtenu mardi satisfaction sur plusieurs revendications clés, dont l'annonce par le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, de la suspension de la réforme des retraites.

Un débat commun aux deux motions débutera à 09H00 dans l'hémicycle jeudi, et devrait durer environ deux heures trente. Le scrutin sera ensuite ouvert pour trente minutes sur une motion, puis l'autre.

Si la gauche ne soutiendra pas la motion du RN, la motion insoumise devrait elle recueillir les voix de l'extrême droite ainsi que des députés écologistes et communistes.

Manqueraient alors environ une vingtaine de députés pour atteindre la majorité (289 voix) qui ferait tomber le gouvernement, tout juste nommé dimanche.

"Je pense qu'il manque une poignée de voix et que la sagesse peut revenir à certains", a estimé mardi Marine Le Pen, qui défendra la motion de son groupe et de ses alliés ciottistes. Leur texte défend la nécessité d'une dissolution pour "sortir" le pays "de l'impasse".

Combien de députés franchiront le pas en s'affranchissant de la consigne de leur parti?

Chez les LR "deux ou trois" devraient voter la censure, selon une source au groupe.

"Quelques votes pour" sont également possibles chez les indépendants Liot, selon une source au sein du groupe centriste.

Chez les socialistes, le patron du parti Olivier Faure et le chef des députés Boris Vallaud ont appelé leurs troupes à s'en tenir à la ligne décidée de façon "quasi-unanime".

Mais le député Paul Christophe a fait savoir qu'il censurerait malgré tout: "mon sujet c'est la justice fiscale et le pouvoir d'achat, il n'y a pas d'engagement du gouvernement sur ces sujets", a-t-il dit à l'AFP.

Cinq autres députés ultramarins du groupe PS ont également annoncé censurer.

"Un leurre" 

Le socialiste Pierrick Courbon dit lui hésiter. Il s'inquiète que la suspension de la réforme des retraites, qui passera selon M. Lecornu par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, implique que les socialistes soutiennent ce texte pour qu'il soit adopté. Or "le PLFSS du budget Macron" n'obtiendra "jamais ma voix", confie-t-il à l'AFP.

Un argument d'ailleurs repris en choeur par La France insoumise. "Vous vous apprêtez à commettre une monumentale erreur", a lancé lundi dans l'hémicycle le député Louis Boyard à l'adresse des socialistes.

"Le débat ouvert sur un éventuel décalage de la réforme des retraites est un leurre, comme l'a été avant lui le +conclave+ de François Bayrou", soutient la motion de censure insoumise, qui sera défendue jeudi par Aurélie Trouvé.

Lors de la première motion de censure contre le gouvernement Bayrou, qui n'avait pas abouti, huit socialistes avaient voté pour malgré la consigne de leur parti.

M. Bayrou avait finalement perdu un vote de confiance début septembre, devenant le deuxième Premier ministre à tomber depuis la dissolution de l'Assemblée en 2024, après la censure de Michel Barnier en décembre.

Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée.

La commission des Finances s'en emparera lundi, et il devrait arriver dans l'hémicycle vendredi.

Sans recours au 49.3, que M. Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser, la bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et l'extrême droite s'annonce dantesque, dans des délais très contraints.

Les socialistes se réservent d'ailleurs la possibilité de censurer le gouvernement au cours des discussions.

Un député Horizons résume: "Je ne pense pas que le gouvernement sera censuré demain, mais il sera très fragile."


Darmanin veut mettre les victimes «au centre» du système judiciaire

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
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  • "Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat"
  • "Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme"

PARIS: Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a annoncé mardi soir avoir donné instruction de placer les "victimes au centre" du système judiciaire et précisé son projet de loi prévoyant une "peine minimum" d'un an de prison pour toute agression d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI.

Gérald Darmanin a assuré avoir pris une instruction ministérielle qui prendra effet "lundi prochain", exigeant que toute victime puisse être "reçue à (sa) demande" par les instances judiciaires ou encore qu'une notification lui soit adressée pour la prévenir "quand (son) agresseur sort de prison".

"Il est normal, si vous êtes victime de viol (...) que vous puissiez savoir quand la personne va sortir de prison", a illustré le garde des Sceaux.

"On va changer totalement le paradigme du ministère de la Justice. Au lieu de mettre l'accusé au centre, nous allons mettre la victime au centre", a encore souligné M. Darmanin.

Il a également précisé les contours d'un projet de loi pour instaurer une "peine minimum" d'un an de prison pour tout agresseur d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat", a-t-il affirmé.

"Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme", a-t-il insisté, espérant une entrée en vigueur en "début d'année prochaine" après un vote au Parlement.

Gérald Darmanin veut aussi légiférer pour qu'une peine de sursis ne puisse être prononcée qu'une seule fois avant le prononcé d'une peine de prison ferme, pour lutter contre les multirécidivistes.

"Les gens auront un seul sursis. Et puis s'ils en ont un deuxième, c'est directement la case prison ou c'est directement l'application de la peine de sursis, par exemple le travail d'intérêt général", a-t-il prôné lors de cet entretien donné après le discours de politique générale de Sébastien Lecornu.

"Si nous ne corrigeons pas nos excès, si nous ne faisons pas preuve d'humilité, si nous ne disons pas que nous nous sommes trompés (...), je crois que nous courons le grand danger d'être éliminés totalement de la vie politique française et de laisser aux Français le choix entre l'extrême droite et l'extrême gauche" lors de la présidentielle de 2027, a-t-il ajouté.