Plus de respect et de tolérance à Jérusalem

Des pèlerins chrétiens marchent avec des feuilles de palmier lors d'une procession autour de l'édicule, traditionnellement considéré comme le lieu de sépulture de Jésus-Christ, à l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem, le 2 avril 2023, dimanche des Rameaux selon les catholiques. Le clergé et les chrétiens laïcs palestiniens tirent la sonnette d'alarme depuis des années au sujet de la violence physique et verbale à l'encontre des croyants. (AFP).
Des pèlerins chrétiens marchent avec des feuilles de palmier lors d'une procession autour de l'édicule, traditionnellement considéré comme le lieu de sépulture de Jésus-Christ, à l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem, le 2 avril 2023, dimanche des Rameaux selon les catholiques. Le clergé et les chrétiens laïcs palestiniens tirent la sonnette d'alarme depuis des années au sujet de la violence physique et verbale à l'encontre des croyants. (AFP).
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Publié le Samedi 15 avril 2023

Plus de respect et de tolérance à Jérusalem

Plus de respect et de tolérance à Jérusalem
  • Plus de 80 actes de violences physique et verbale de ce type ont été enregistrés au cours des trois premiers mois de 2023
  • Le gouvernement d'Israël prétend représenter la communauté juive mondiale et accuse ses opposants d'antisémitisme, mais ne parvient pas à arrêter la rhétorique et les actions de certains de ses principaux ministres qui encouragent un comportement anti-i

Les deux religieuses se tenaient devant l'église de la Flagellation à Jérusalem lorsque six hommes vêtus de vêtements traditionnels juifs orthodoxes et de chapeaux noirs sont passés. Le premier homme cracha en passant devant les religieuses, et les autres suivirent avec le même manque de respect. La scène a été capturée sur une vidéo plus tard largement partagée.

Dans une autre vidéo à Jérusalem, des chrétiens portant une croix en bois passent devant un homme juif qui les a également maudits.

Il ne s'agissait pas d'actes isolés. Un mois plus tôt, la même église devant laquelle les religieuses se tenaient a été vandalisée par un juif religieux, dont la tentative d'incendier le bâtiment a été arrêtée par un garde vigilant. Un cimetière anglican voisin a également été vandalisé et deux personnes ont été filmées par des caméras de sécurité en train de procéder à la destruction des croix de l’église protestante.

Plus de 80 actes de violence physique et verbale de ce type ont été enregistrés au cours des trois premiers mois de 2023. Une grande partie de la haine, tel que cracher sur les religieuses et le clergé, n'est pas signalée. Une grande partie des attaques a lieu dans le quartier arménien, qui jouxte le quartier juif. Dans la plupart des cas, même lorsque ces incidents sont signalés, il y a rarement des conséquences.

Le gouvernement d'Israël prétend représenter la communauté juive mondiale et accuse ses opposants d'antisémitisme, mais ne parvient pas à arrêter la rhétorique et les actions de certains de ses principaux ministres qui encouragent un comportement anti-islamique et anti-chrétien

Daoud Kuttab

Le clergé de l'Église et les chrétiens laïcs palestiniens sonnent l’alerte à ce sujet depuis des années. Cette année, la violence et les discours de haine ont considérablement augmenté, en grande partie à cause de la rhétorique de la suprématie juive qui a envahi les ondes depuis la formation en décembre du gouvernement d'extrême-droite le plus extrême de l'histoire d'Israël. La Knesset envisage une loi qui criminaliserait le ministère chrétien en Israël. Son langage, destiné aux chrétiens, rendrait la sollicitation d'un adulte pour changer de foi passible d'un an de prison, pouvant aller jusqu'à deux ans si la personne sollicitée était un enfant.

Alors qu'une grande partie de l'activité anti-chrétienne est mise sur le compte d’individus ou de groupes voyous, le gouvernement israélien lui-même a également agi contre les chrétiens cette année. Auparavant, Israël avait autorisé une partie de la petite communauté chrétienne de Gaza à participer aux célébrations de Noël et de Pâques à Bethléem et à Jérusalem. Cette année, bien qu'il ait initialement autorisé des voyages pour Pâques à 739 chrétiens palestiniens de Gaza, le gouvernement a ensuite annulé ces permis sans explication quelconque.

Il y a un problème beaucoup plus important avec le nombre de chrétiens autorisés à assister aux célébrations annuelles du feu sacré. Sabt Al-Nour est un défilé de lumières qui émergent de l'église du Saint-Sépulcre le samedi précédant la Pâques orthodoxe, la lumière étant symboliquement transmise aux églises du monde entier. Pendant des siècles, jusqu'à 10 000 fidèles ont assisté à cet événement, mais la police israélienne a réduit la fréquentation ce samedi à 1 800 pour, selon elle, des raisons de sécurité. Ces restrictions constituent une nouvelle violation flagrante de l'accord de longue date qui réglemente les questions religieuses sensibles à Jérusalem et à Bethléem. Les dirigeants de l'Église et le gouvernement de Jordanie, qui est le gardien des lieux saints chrétiens et musulmans à Jérusalem, ont publiquement critiqué l'action israélienne.

Le gouvernement d'Israël prétend représenter la communauté juive mondiale et accuse ses opposants d'antisémitisme, mais ne parvient pas à arrêter la rhétorique et les actions de certains de ses principaux ministres qui encouragent un comportement anti-islamique et anti-chrétien. À la lumière des événements en Palestine, une déclaration présidentielle du Conseil de sécurité des Nations unies en février indiquait : « Le Conseil de sécurité note avec une profonde préoccupation les cas de discrimination, d'intolérance et de discours de haine motivés par le racisme ou dirigés contre des personnes appartenant à des communautés religieuses, en particulier les cas motivés par islamophobie, antisémitisme ou christianophobie ». La déclaration a été lue par Lana Nusseibeh, représentante permanente des Émirats arabes unis à l'ONU. Sa famille, musulmane de Jérusalem, a reçu les clés de l'église du Saint-Sépulcre avec le consentement des chrétiens. Ainsi, une famille musulmane palestinienne a le devoir d'ouvrir et de fermer l'église la plus importante du christianisme depuis plus de 800 ans. Ceci représente le genre de respect mutuel et de tolérance dont Jérusalem a désespérément besoin.

La ville est le berceau des trois principales religions abrahamiques. Les conquérants qui ont auparavant tenté de monopoliser Jérusalem au profit d'une seule religion ou ethnie ont invariablement échoué. La morale de l'histoire est la nécessité du respect et de la tolérance dans les actes.

 

Daoud Kuttab est un journaliste palestinien de Jérusalem. Il a été professeur de journalisme à l'université de Princeton. 

Twitter : @daoudkuttab 

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com