L'OMC reste essentielle malgré les critiques

Samedi, cela fera vingt-neuf ans que l'accord de Marrakech aura été signé. Il a conduit à la création de l'Organisation mondiale du commerce (Dossier/AFP).
Samedi, cela fera vingt-neuf ans que l'accord de Marrakech aura été signé. Il a conduit à la création de l'Organisation mondiale du commerce (Dossier/AFP).
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Publié le Lundi 17 avril 2023

L'OMC reste essentielle malgré les critiques

L'OMC reste essentielle malgré les critiques
  • La création de l'OMC, considérée comme le plus grand organisme économique international au monde, a nécessité un important capital politique
  • Malgré les critiques dont elles font l’objet, les organisations internationales telles que l'OMC sont nécessaires pour faciliter le commerce mondial

Ce que l'on a appelé «le plus grand accord commercial de l'Histoire» a été signé à Marrakech, au Maroc, il y a 29 ans samedi, lors d'une réunion de représentants de plus de cent vingt pays. L'accord de Marrakech a conduit à la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui compte aujourd'hui cent soixante-quatre États et organisations. Pour la période 2023-2024, le Conseil général de l’OMC a choisi l'ambassadeur d'Arabie saoudite auprès de l'OMC, Saqer Abdallah Almoqbel, pour présider l'organe d'examen des politiques commerciales.

La création de l'OMC, considérée comme le plus grand organisme économique international au monde, a nécessité un important capital politique. Elle succède à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), fondé après la Seconde Guerre mondiale par un traité multilatéral signé par vingt-trois pays afin de renforcer la coopération économique entre les nations.

Plusieurs cycles de négociations, dont ceux de Kennedy et de Tokyo, ont abouti à des accords sur la réduction des droits de douane et la suppression des barrières non tarifaires. En raison de la mondialisation, le cycle de négociations de l'Uruguay, qui s'est déroulé entre 1986 et 1994, a permis d'étendre le système commercial à d'autres domaines, tels que les droits de propriété intellectuelle et le commerce des services. Ces négociations ont abouti à l'accord de Marrakech et à la création de l'OMC.

«Les accords que vous allez signer ici cette semaine représentent des opportunités pour développer le commerce, la croissance économique et l'emploi», déclarait Peter Sutherland, le dernier directeur général du GATT et le premier directeur général de l'OMC, lors de l'ouverture de la réunion de Marrakech. «Ils sont l’occasion de promouvoir le développement durable. Ils sont également une opportunité – la plus importante que nous ayons eue depuis cinquante ans – de jeter de nouvelles bases pour la coopération économique mondiale.»

Près de vingt ans après sa création, le premier accord multilatéral a été conclu en 2013: l'accord sur la facilitation des échanges, qui vise à réduire le coût du commerce international. L'OMC a estimé que cela ajouterait plus d'un demi-point de pourcentage au produit intérieur brut (PIB) mondial annuel. L’organisation avait alors annoncé: «Les simulations d'équilibre général calculable prévoient que les gains à l'exportation découlant de l'Accord sur la facilitation des échanges se situeront entre 750 milliards de dollars (1 dollar = 0,91 euro) et bien plus de 1 000 milliards de dollars par an, en fonction du calendrier de mise en œuvre et du champ d'application. Sur la période 2015-30, la mise en œuvre de l'accord ajoutera quelque 2,7% par an à la croissance des exportations mondiales et plus d'un demi-point de pourcentage par an à la croissance du PIB mondial.»

Lorsqu'un accord multilatéral est conclu au sein de l'OMC, il a plus de chances d'être efficace dans son application et sa mise en œuvre.

Majid Rafizadeh

L'une des critiques formulées à l'encontre de l'OMC est liée au temps qu'il faut souvent pour parvenir à un accord multilatéral majeur. Mais cela est dû en partie au fait qu'il y a cent soixante-quatre membres et qu'il est naturel qu'il soit difficile de parvenir à un consensus – chaque membre ayant des objectifs économiques différents. Contrairement au Conseil de sécurité des nations unies, dont les cinq membres permanents (les États-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France) peuvent voter pour adopter une résolution, l'accord de deux tiers des membres de l'OMC est nécessaire pour ratifier un accord multilatéral.

D'autre part, lorsqu'un accord multilatéral est conclu au sein de l'OMC, il a plus de chances d'être efficace dans son application et sa mise en œuvre, et de constituer un accord ferme et durable parce qu'il a été accepté par tous ses membres, plutôt que d'être imposé par quelques États puissants.

Une solution qui pourrait améliorer la fonctionnalité de l'OMC serait d'encourager les accords plurilatéraux, qui sont conclus par un nombre réduit de membres. Il s'agit d'accords qui ne nécessitent pas la ratification des membres non signataires. Ils sont également plus spécifiques par nature. Une fois ces accords conclus, d'autres États membres commencent généralement à y adhérer.

À titre d’exemple, l'accord sur les technologies de l'information, qui vise à réduire les taxes et les droits de douane sur les produits des technologies de l'information, n'a été conclu que par vingt-neuf participants lors de la conférence ministérielle de Singapour en 1996. Depuis, le nombre de participants est passé à quatre-vingt-deux, représentant plus de 95% du commerce mondial des produits des technologies de l'information. Selon une étude publiée en 2017 dans la World Trade Review, l'accord sur les technologies de l'information et son expansion ont été «la tentative la plus réussie de libéralisation du commerce sous les auspices de l'OMC depuis sa création en 1995».

Enfin, le rôle que joue l'OMC dans la résolution des différends ne doit pas être négligé ou sous-estimé. S'ils ne sont pas résolus correctement, les différends commerciaux peuvent déboucher sur des conflits politiques ou sur l'augmentation des droits de douane ou l'adoption de politiques protectionnistes qui ne font que nuire à la croissance économique des pays concernés. C'est ce qui s'est produit lors de la Grande Dépression des années 1930. L'OMC affirme qu'elle dispose de «l'un des mécanismes de règlement des différends les plus actifs au monde. Depuis 1995, six cent seize différends ont été portés devant l'OMC et plus de trois cent cinquante décisions rendues.»

En résumé, le commerce international stimule la croissance économique et il augmente le PIB. Malgré les critiques dont elles font l’objet, les organisations internationales telles que l'OMC sont nécessaires pour faciliter le commerce mondial et éviter que les différends commerciaux entre les nations ne deviennent incontrôlables et ne se transforment en conflits politiques, voire en affrontements militaires.

 

Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.