L'ONU dit avoir «échoué» à éviter la guerre au Soudan

Opération d'évacuation sur le quai de Port-Soudan le 3 mai 2023 (Photo, AFP).
Opération d'évacuation sur le quai de Port-Soudan le 3 mai 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 04 mai 2023

L'ONU dit avoir «échoué» à éviter la guerre au Soudan

  • Au moins 550 personnes ont été tuées et 5000 blessées, selon un bilan largement sous-estimé
  • Dans la ville côtière de Port-Soudan, épargnée par la violence, l'ONU a réclamé des garanties des deux belligérants

KHARTOUM: Le patron de l'ONU Antonio Guterres a estimé mercredi que le monde avait "échoué" à empêcher la guerre entre généraux qui déchire le Soudan, où l'ONU veut désormais des garanties pour acheminer de l'aide humanitaire au milieu des combats.

Malgré l'annonce d'un "accord de principe" pour une prolongation jusqu'au 11 mai d'une trêve jamais respectée jusqu'à présent, "des affrontements et des explosions" se sont produits mercredi à Khartoum, survolée par les avions militaires, ont raconté des habitants à l'AFP.

Depuis le 15 avril, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohamed Hamdane Daglo, s'affrontent sans répit.

Au moins 550 personnes ont été tuées et 5.000 blessées, selon un bilan largement sous-estimé.

"Nous pouvons dire que nous avons échoué à empêcher" la guerre, qui a pris l'ONU "par surprise", a reconnu mercredi son secrétaire général Antonio Guterres à Nairobi.

"Un pays comme le Soudan (...) dans une situation économique et humanitaire aussi désespérée ne peut se permettre une lutte pour le pouvoir entre deux personnes", a-t-il ajouté.

À 850 kilomètres à l'est de Khartoum, dans la ville côtière de Port-Soudan, épargnée par la violence, le coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU, Martin Griffiths, a réclamé des garanties des deux belligérants.

"Les assurances générales doivent être traduites en engagements spécifiques", a-t-il plaidé, assurant avoir eu les deux généraux au téléphone.

Mercredi, six camions de l'ONU ont été "pillés" alors qu'ils se dirigeaient vers le Darfour, dans l'ouest du pays, a-t-il ajouté.

Avant cela, "17.000" des 80.000 tonnes de stocks alimentaires d'avant la guerre avaient été volés. Et l'ONU attend d'obtenir l'accord des douanes pour acheminer "80 tonnes d'équipements médicaux d'urgence".

Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme Volker Türk a décrit au Conseil de sécurité de l'ONU le chaos qui règne à Khartoum.

"Lundi, un raid de l'armée de l'air a apparemment frappé un hôpital (...) et les FSR ont pris leurs quartiers dans de nombreux immeubles d'habitation à Khartoum, lançant des attaques dans des zones urbaines densément peuplées", a-t-il dit.

Les cinq millions d'habitants de la capitale survivent sans eau ni électricité, à court de nourriture sous une chaleur écrasante, dans un pays où un habitant sur trois dépendait déjà de l'aide humanitaire avant la guerre. Seuls 16% des hôpitaux de Khartoum fonctionnent aujourd'hui.

«Accord de principe»
Le Soudan du Sud, médiateur historique, a malgré tout annoncé "un accord de principe" sur une trêve "du 4 au 11 mai".

Dans la nuit de mercredi à jeudi, l'armée a dit avoir "accepté" cette prolongation proposée par l'Igad, l'organisation régionale de l'Afrique de l'Est, plaidant pour "une solution africaine aux problèmes du continent" alors qu'elle disait jusqu'alors répondre à des médiations américano-saoudiennes.

Le camp du général Burhane dit s'être engagé à "nommer un émissaire pour négocier une trêve" avec un homologue du camp du général Daglo sous égide "des présidents sud-soudanais, kényan et djiboutien" dans un pays qui doit encore être déterminé.

Les FSR n'avaient pas commenté à minuit passé au Soudan. Et l'armée précise dans son communiqué que tous ses engagements sont conditionnés au "respect de la trêve" par l'autre camp.

Les combats ont déplacé plus de 335.000 personnes et poussé 115.000 autres à l'exil, selon l'ONU qui s'attend à huit fois plus de réfugiés.

Les autorités consulaires soudanaises en Erythrée ont annoncé que les réfugiés soudanais pouvaient désormais entrer dans le pays sans visa, tandis que les étrangers continuent d'être évacués par centaines, surtout via Port-Soudan, sur la mer Rouge.

Au Darfour, principalement touché avec la capitale, des civils ont été armés, selon l'ONU qui recense une centaine de morts depuis la semaine dernière dans cette région déjà traumatisée par la guerre sanglante qui y avait éclaté en 2003.

Antonio Guterres a jugé "absolument essentiel" que la crise ne s'étende pas au-delà des frontières du Soudan et vienne menacer les transitions démocratiques et les processus de paix en cours dans les pays voisins.

Il a plaidé pour "soutenir massivement le Tchad", voisin du Soudan, rappelant que "d'autres pays de la région (sont) dans leurs propres processus de paix", comme l'Éthiopie et le Soudan du Sud.

«Pression stratégique»
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a estimé que "toute la région pourrait être affectée".

"Nous faisons tout notre possible pour que des discussions aient lieu", a-t-il dit, alors que l'Égypte accueille "déjà des millions" de réfugiés.

L'émissaire de l'ONU au Soudan, Volker Perthes, a affirmé que les deux belligérants se sont dits prêts à "entamer des discussions techniques" pour un cessez-le-feu uniquement, probablement en Arabie saoudite.

Les généraux rivaux avaient mené ensemble le putsch d'octobre 2021 pour évincer les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir depuis la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019. Mais ils ne sont pas parvenus à s'entendre sur la question de l'intégration des FSR dans l'armée.

Mercredi, l'Organisation de la coopération islamique s'est réunie en Arabie saoudite pour discuter du Soudan, alors que l'Union africaine appelait à éviter "une action dispersée".

Pour Ernst Jan Hogendoorn, spécialiste du Soudan au Atlantic Council, la communauté internationale doit "mettre une pression de façon stratégique" en gelant les comptes bancaires et en bloquant les activités commerciales des belligérants, afin de réduire leurs capacités à "combattre et se réapprovisionner".


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.