L'Etat français au tribunal pour l'utilisation des pesticides et l'effondrement de la biodiversité

Des militants tiennent des pancartes pour défendre la biodiversité devant le tribunal administratif de Paris avant le début de l'audience dans l'affaire "Justice pour le vivant", à Paris, le 1er juin 2023 (Photo, AFP).
Des militants tiennent des pancartes pour défendre la biodiversité devant le tribunal administratif de Paris avant le début de l'audience dans l'affaire "Justice pour le vivant", à Paris, le 1er juin 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 02 juin 2023

L'Etat français au tribunal pour l'utilisation des pesticides et l'effondrement de la biodiversité

  • Cinq ONG veulent faire reconnaître par le tribunal administratif de Paris une «carence fautive» de l'administration dans la mise sur le marché des pesticides
  • Ces 30 dernières années en Europe, les populations d'insectes volants ont diminué de 75 %

PARIS: Après le climat et la pollution de l'air, l'État français s'est retrouvé au tribunal de Paris jeudi pour une audience inédite consacrée à sa responsabilité dans l'utilisation massive de pesticides et dans l'effondrement de la biodiversité.

Dans cette procédure baptisée "Justice pour le vivant" et reçue en 2021, cinq ONG veulent faire reconnaître par le tribunal administratif de Paris une "carence fautive" de l'administration dans la mise sur le marché des pesticides et dans le suivi "lacunaire" de leurs risques environnementaux.

L'État français, qui a déjà été condamné pour ses manquements dans la lutte contre le changement climatique ou la pollution de l'air, devra également s'expliquer sur le non-respect de l'engagement pris en 2007 de réduire de 50 % de l'usage des pesticides de synthèse en 10 ans.

Revoir le processus d'autorisation des pesticides, respecter les objectifs de baisse de l'utilisation de ces produits et mieux protéger les eaux : l'État risque de se retrouver sous pression si le tribunal administratif de Paris adopte les conclusions nécessaires jeudi par la rapporteure publique.

Lors d'une longue audience, la rapporteure publique a proposé aux juges de retenir plusieurs fautes de l'État dans cette affaire.

Les conclusions du rapporteur sont souvent mais pas toujours suivies par les juges et il faut désormais attendre deux semaines avant une décision.

Pesticides: Des fabricants n'ont pas été transmis à l'UE

Plusieurs grands fabricants de pesticides, dont Bayer et Syngenta, n'ont pas remis aux autorités sanitaires européennes des études sur la capacité de leurs pour le cerveau, ont rapporté jeudi des chercheurs, les entreprises concernées assurant avoir respecté leurs obligations réglementaires.

Cette attitude semble être un "phénomène récurrent" et remet en cause le sérieux de l'évaluation par l'Union européenne (UE) des risques sanitaires associés aux pesticides, selon une étude publiée dans la revue Environmental Health.

Les auteurs, les chercheurs suédois Axel Mie et Christina Ruden, se sont penchés sur les études accordées par les producteurs de pesticides pour évaluer leurs risques en matière de développement du cerveau. Ces tests, réalisés en exposant des enceintes de souris puis en étudiant leurs petits, font partie des données remises aux autorités sanitaires pour qu'elles décident de les émettre ou non.

"Nous avons examiné si les études remises à l'agence américaine de protection de l'environnement (EPA) ont aussi été communiquées aux autorités de l'Union européenne (UE)", explique l'étude.

Avantage ONG 
Avec les propositions de la rapporteure, l'audience a tourné à l'avantage des cinq ONG de défense de l'environnement (Pollinis, Notre Affaire à tous, l'Association nationale de protection des eaux et rivières, Biodiversité sous nos pieds, et ASPAS) qui avait déposé ce recours pour carence fautive de l'Etat.

Un rassemblement de soutien au recours, rassemblant une centaine de manifestants arborant des pancartes avec des dessins d'animaux menacés, a eu lieu jeudi près du tribunal.

Ces 30 dernières années en Europe, les populations d'insectes volants ont diminué de 75 % et les populations d'oiseaux des champs ont chuté de 30 % en France, selon des études citées par les ONG qui confirment le lien avec l'agrochimie.

Des scientifiques ainsi de publier une étude, fondée sur une masse de données inédites, révèlent l'intensification de l'agriculture comme cause principale du déclin spectaculaire des oiseaux en Europe, qui sont quelque 20 millions à disparaître en moyenne chaque année.

"Principale cause de cet effondrement, les pesticides sont aujourd'hui autorisés à l'issue d'un processus d'évaluation lacunaire, qui ne permet ni d'identifier ni d'interdire les produits responsables du déclin des insectes, des oiseaux et de toute la biodiversité ordinaire", affirment les ONG à l'origine de la procédure.

Dans ses conclusions déposées au tribunal pour sa défense, l'Etat français, représenté par le ministère de l'Agriculture, assure avoir peu de marge de manœuvre par rapport au droit européen, qui régirait "entièrement" la procédure d'homologation des produits phytopharmaceutiques .

L'État estime également que les objectifs fixés en 2007 de réduction de l'utilisation des pesticides n'ont qu'une simple "une valeur programmatique et ne sauraient avoir une portée contraignante".

Phyteis, le lobby professionnel qui regroupe les géants des pesticides comme BASF, Bayer ou Syngenta, s'est mêlé à la bataille en déposant il y a quelques semaines un mémoire en soutien de l'État auprès du tribunal administratif.


Macron met en garde contre la mort de l'Europe

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours sur l'Europe, devant un slogan qui dit "La fin d'une Europe compliquée" dans un amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 25 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Le président français a évoqué une Europe «dans une situation d'encerclement» face aux grandes puissances régionales
  • Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a appelé l'UE à renforcer encore sa défense au sein de l'Otan

PARIS: "Notre Europe est mortelle, elle peut mourir". Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste à un mois et demi d'élections européennes compliquées pour son camp, en exhortant à un sursaut des Vingt-Sept pour bâtir une "Europe puissance" et une défense "crédible".

"Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant" car "à l'horizon de la prochaine décennie, (...) le risque est immense d'être fragilisé, voire relégué", a-t-il asséné devant 500 invités, dont les ambassadeurs des 26 autres Etats membres de l'UE, des étudiants, des chercheurs et le gouvernement au complet.

Le président français a évoqué dans un discours-fleuve une Europe "dans une situation d'encerclement" face aux grandes puissances régionales et a jugé que les valeurs de la "démocratie libérale" étaient "de plus en plus critiquées" et "contestées".

"Le risque, c'est que l'Europe connaisse le décrochage et cela, nous commençons déjà à le voir malgré tous nos efforts", a averti le chef de l'Etat, en plaidant pour une "Europe puissante", qui "se fait respecter", "assure sa sécurité" et reprend "son autonomie stratégique".

Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a annoncé qu'il inviterait les Européens à se doter d'un "concept stratégique" de "défense européenne crédible", en évoquant la possibilité pour elle de se doter d'un bouclier antimissiles.

Il a aussi appelé l'Europe à renforcer son industrie de défense et plaidé pour un "emprunt européen", sujet tabou notamment en Allemagne, pour investir dans l'armement en appliquant le principe de "préférence européenne".

Entrée en campagne

Face aux débats sur l'immigration portés par la droite et l'extrême droite, il a affirmé que l'UE devait "retrouver la maîtrise" de ses "frontières" et "l'assumer", proposant "une structure politique" continentale pour prendre des décisions sur les sujets de migration, de criminalité et de terrorisme.

Sur le plan économique, pour aboutir à une "Europe de prospérité", Emmanuel Macron a défendu un "choc d'investissements commun", en doublant la capacité financière de l'UE pour faire face aux défis de défense, climatique, numérique et industriel.

Devant les pratiques commerciales chinoises et américaines, le président français a également demandé une "révision" de la politique européenne "en défendant nos intérêts".

"Ca ne peut pas marcher si on est les seuls au monde à respecter les règles du commerce telles qu'elles avaient été écrites il y a 15 ans, si les Chinois, les Américains, ne les respectent plus en subventionnant les secteurs critiques", a-t-il déclaré.

Réagissant peu après, le chancelier allemand Olaf Scholz, pas toujours sur la même longueur d'ondes que son homologue, a salué les "bonnes impulsions" du discours pour que "l'Europe reste forte" et promis de continuer à la "faire avancer ensemble".

Le discours d'Emmanuel Macron est largement considéré comme une entrée en campagne du chef de l'Etat français, alors que son camp patine à six semaines des élections européennes du 9 juin, pour lesquelles le Rassemblement national (RN, extrême droite) fait largement course en tête.

Selon un récent sondage Opinionway, la liste de la majorité présidentielle, à 19%, se situait toujours loin derrière celle du RN (29%), mais gardait une nette avance sur celle des socialistes (12%).

"Sur la scène européenne, cela fait sept ans qu'Emmanuel Macron confond ses incantations et ses gesticulations avec des réalisations", a ironisé Marine Le Pen, cheffe de file des députés du RN, sur X, accusant le chef de l'Etat de "brader des pans entiers de souveraineté" nationale.

Le palais présidentiel de l'Elysée a réfuté toute tactique électoraliste et affirmé que M. Macron ambitionnait d'"influer sur l'agenda" de la prochaine Commission européenne à l'issue des élections de juin.

Une légitimité qui sera mesurée à l'aune des réactions européennes. Et aux retours des Français, qui estiment à 57% que le président n'a pas eu "d'influence réelle" sur l'UE depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi.

Vendredi, le président prendra aussi la température lors d'un échange avec des étudiants à Strasbourg (Est), où il signera un nouveau contrat triennal pour conforter la stature européenne de la capitale alsacienne qui accueille le parlement européen.

 

 


UE: une majorité de Français doute de l'influence réelle de Macron, selon un sondage

Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
Le président français Emmanuel Macron arrive pour une conférence de presse à la fin du sommet du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 18 avril 2024. (Photo de Ludovic MARIN / AFP)
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  • 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas «s'impliquer davantage dans la campagne» car «ce n'est pas son rôle en tant que président de la République»
  • Pour autant 61% des Français jugent qu'une «défaite nette» de la liste Renaissance serait un «échec personnel» pour le président

PARIS: Une majorité de Français (57%) doute de l'influence réelle d'Emmanuel Macron sur le fonctionnement et les décisions prises par l'Union européenne depuis 2017, selon un sondage Elabe publié jeudi pour BFMTV.

Alors qu'Emmanuel Macron va mettre en avant son bilan européen lors d'un discours jeudi matin à la Sorbonne, seuls 42% des Français estiment que le chef de l'État a eu "une influence réelle sur le fonctionnement et les décisions prises par l’Union européenne" depuis 2017.

L'électorat d’Emmanuel Macron porte un regard très positif sur son rôle (70%), alors que la majorité des électeurs de gauche (56%) et d'extrême droite (68%) sont plutôt négatifs.

A un mois et demi des européennes, 66% des Français estiment qu'Emmanuel Macron ne doit pas "s'impliquer davantage dans la campagne" car "ce n'est pas son rôle en tant que président de la République".

Pour autant 61% des Français jugent qu'une "défaite nette" de la liste Renaissance serait un "échec personnel" pour le président.

En cas de large défaite du camp présidentiel, une majorité (61%) souhaite qu'Emmanuel Macron "change significativement d'orientation politique", une opinion partagée par 43% des électeurs du président au premier tour de l'élection présidentielle en 2022.

Pour autant, seule une minorité de Français (46% contre 54%) réclame une dissolution de l’Assemblée nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées. Encore moins (39% contre 61%) souhaitent un changement de Premier ministre.

Si 58% des sondés déclarent tenir compte avant tout d'enjeux de politique européenne dans leur décision de vote, 41% concèdent qu'ils feront leur choix avant tout sur des enjeux nationaux, surtout parmi les électeurs RN (61%).

Ce sondage a été réalisé par internet du 23 au 24 avril à partir d'un échantillon de 1.001 personnes, représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus. Selon les résultats, la marge d'erreur est comprise entre +/- 1,4 point et +/-3,1 points.


Evénements climatiques extrêmes: la Croix-Rouge souhaite un sac d'urgence par Français

Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
Cette photographie prise le 5 avril 2024 montre une enseigne de pharmacie affichant une température de 31 degrés Celsius à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. (AFP)
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  • Le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge
  • «75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule», selon un sondage OpinionWay

PARIS: Un "sac d’urgence" pour chaque Français en cas d’évacuation face aux événements climatiques extrêmes: c’est l’une des préconisations de la Croix-Rouge française dans un rapport sur la résilience de la société française, qui fait état d'un manque de préparation.

Canicule, sécheresse, incendies de forêt, inondations: le dérèglement climatique fait déjà partie du quotidien des Français mais ils ne sont pas prêts y répondre, estime une étude de la Croix-Rouge, en collaboration avec le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), publiée jeudi.

"75% (des Français) ne se sentent pas préparés face aux inondations, 73% face aux incendies de forêt, 59% face à la canicule", selon un sondage OpinionWay pour la Croix-Rouge française.

"La préparation face aux crises est l'affaire de tous. Elle concerne bien entendu les pouvoirs publics, mais aussi les acteurs associatifs et privés, ainsi que les citoyens", déclare à l'AFP Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française.

Pour affronter "l’inévitable", l’association a dix recommandations. Dont la constitution du "Catakit", un sac d'urgence par personne, prêt en cas d'évacuation et comprenant par exemple de la nourriture non périssable, de l'eau, une trousse de secours, des vêtements et une lampe torche, pour attendre l'arrivée de l'aide.

"Seuls 11% des Français disposent d’un sac d’urgence prêt, et moins de la moitié connaît les objets indispensables qu’il faut y glisser", détaille le sondage OpinionWay.

Autre recommandation: la formation aux gestes et aux comportements qui sauvent. "On estime aujourd’hui à seulement 40% le nombre de Français ayant récemment suivi une formation aux gestes qui sauvent, contre 95% Norvège ou 80% en Allemagne", note le rapport.

Or, rappelle la Croix-Rouge, "si les individus sont informés et formés, l’impact des événements climatiques extrêmes sur les populations sera moindre et les dégâts matériels réduits".

L'association suggère que chaque Français ait a minima connaissance des réflexes vitaux: "savoir identifier les alertes sonores, avoir les bons comportements en cas de catastrophes" en plus de la maîtrise des gestes qui sauvent.

"Les événements climatiques extrêmes se manifestent de manière plus fréquente, plus intense, plus longue, et plus étendue géographiquement, rappelle Philippe Da Costa. "Tous les territoires de l'Hexagone et d’Outre-mer sont concernés".

Pour la Croix-Rouge, "il n’y a pas de fatalité". "Se préparer pour savoir comment agir avant les crises et comment réagir pendant les crises" pourra limiter l'impact des évènements climatiques extrêmes sur les populations.