Les États-Unis ne doivent pas transiger sur le profilage des Américains par Israël

Tom Nides, l'ambassadeur américain en Israël, s'adresse à l'Association de la presse étrangère à Jérusalem le 7 septembre 2022 (Photo, AFP).
Tom Nides, l'ambassadeur américain en Israël, s'adresse à l'Association de la presse étrangère à Jérusalem le 7 septembre 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 26 juin 2023

Les États-Unis ne doivent pas transiger sur le profilage des Américains par Israël

Les États-Unis ne doivent pas transiger sur le profilage des Américains par Israël
  • Les relations américano-israéliennes traversent une période difficile, puisque l'administration Biden n'a toujours pas offert d'invitation officielle au Premier ministre israélien
  • Les postes-frontières entre Israël et le reste du monde sont infiltrés par le personnel de sécurité, qui décide en dernier ressort qui est autorisé à entrer et qui ne l'est pas

Les médias israéliens ont été très occupés ces derniers temps à parler d'une percée potentielle dans les efforts de l'ambassadeur américain Tom Nides pour offrir un cadeau de départ, qui consiste à dispenser les Israéliens visitant l'Amérique de visa.

Les pays amis concluent souvent de tels accords, à condition qu'il y ait une réciprocité absolue; en d'autres termes, pour que les Israéliens bénéficient d'un traitement spécial, l'État d'Israël doit s'engager à traiter tous les Américains de la même manière.

C'est là que se situe le problème de fond.

Israël applique le concept de sécurité du profilage. Les personnes issues de certains milieux, portant certains noms et pratiquant certaines religions, font l'objet d'un traitement négatif particulier aux points d'entrée. On leur demande d'attendre pendant des heures et, à de nombreuses reprises; des citoyens américains étaient refoulés sans qu'on leur en donne la raison.

Nides, qui quittera son poste à la fin de l'année, semble faire pression pour obtenir cette percée sans un engagement israélien total de réciprocité, en guise de cadeau d'adieu aux Israéliens. Afin de combler le fossé entre la politique américaine et la réalité israélienne, il propose une période d'essai à partir du 1er juillet, au cours de laquelle les Israéliens seront mis à l'épreuve. Mais quiconque étudie l'histoire des périodes d'essai, en particulier dans les relations hautement politisées entre Israël et les États-Unis, se rendra rapidement compte qu'il est fort possible que la période d'essai devienne permanente.

Il suffit de regarder la déclaration de principes israélo-palestinienne parrainée par les États-Unis et signée sur la pelouse de la Maison Blanche en 1993. Dans cet accord, souvent appelé Accord d'Oslo I, Israël s'engageait à une période intérimaire de cinq ans, au cours de laquelle un règlement permanent serait convenu. Cette période intermédiaire, ou période d'essai, est devenue permanente maintenant que 30 ans se sont écoulés depuis la fameuse poignée de main entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, sous les auspices du président américain Bill Clinton.

Les relations américano-israéliennes traversent une période difficile, puisque l'administration Biden n'a toujours pas offert d'invitation officielle au Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, à la Maison Blanche. Cette invitation, qui est devenue une norme dans les relations entre les deux pays, a été retardée à cause des tentatives de l'administration Netanyahou, d'affaiblir la Cour suprême israélienne par le biais d'une refonte judiciaire controversée. Des centaines de milliers d'Israéliens ont manifesté chaque semaine pendant 22 semaines consécutives.

L'administration américaine est également mécontente de l'incapacité du gouvernement israélien à respecter ses engagements et ceux des gouvernements israéliens précédents en ce qui concerne la construction de colonies juives illégales, en particulier la colonie de Homesh dans la région de Naplouse. Cette semaine, des responsables américains ont été contrariés par une remarque critique du ministre israélien des Affaires étrangères à l'encontre de la vice-présidente Kamala Harris. Eli Cohen a demandé si Harris avait déjà lu le plan judiciaire qu'elle avait critiqué. Il s'est par la suite excusé pour ses remarques. Par ailleurs, les États-Unis attendent toujours une enquête israélienne sur l'assassinat, l'année dernière, de la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh.

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«Nides semble faire pression pour obtenir cette percée sans un engagement total d'Israël à la réciprocité.»

Daoud Kuttab

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Les postes-frontières entre Israël et le reste du monde sont infiltrés par le personnel de sécurité, qui décide en dernier ressort qui est autorisé à entrer et qui ne l'est pas. Un Palestino-américain qui a vécu à Bethléem ne peut pas utiliser l'aéroport israélien, alors qu'un Américain juif vivant dans la zone occupée de Bethléem est autorisé à entrer dans le pays sans aucun problème.

Dans les zones sous contrôle militaire israélien, la discrimination est encore plus évidente. Les Israéliens sont autorisés à se déplacer dans les frontières reconnues de l'État d'Israël et dans les zones palestiniennes qu'Israël occupées en 1967, tandis que les Palestiniens sont confinés dans leurs propres zones et ne sont pas autorisés à se déplacer, sans un permis spécial délivré par les Israéliens.

Les paramètres des discussions en coulisses et les engagements que les États-Unis demandent à Israël si Washington accepte l'exemption de visa ne sont pas clairs. Ce que beaucoup craignent, c'est que les États-Unis fassent un compromis sur l'idée d'une réciprocité totale avec Israël au nom de la sécurité israélienne. Imaginez une situation dans laquelle Israël refuserait à un citoyen américain ne représentant aucune menace pour la sécurité de se rendre en Israël ou en Palestine, simplement parce qu'un membre des services de sécurité israéliens n'apprécie pas ses opinions politiques.

À cela s'ajoute le fait qu'Israël a adopté une loi interdisant à toute personne, quelle que soit sa nationalité, d'entrer en Israël si elle soutient d'une manière ou d'une autre la campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions. Ainsi, si un Américain de la Bible Belt (la ceinture de la Bible) a aimé un jour un message de la campagne du mouvement palestinien Boycott, Divestment, Sanctions (BDS) sur Facebook, Israël dispose d'une loi qui lui permet d'interdire à cette personne d'entrer dans le pays. Il existe de nombreux cas où des responsables d'aéroports israéliens ont demandé les mots de passe des comptes de médias sociaux des passagers et ont analysé leurs messages avant de décider de les autoriser ou non à entrer en Israël.

Les pays du monde entier sont attachés à leur souveraineté et Israël, comme les États-Unis, a le droit d'empêcher ou d'autoriser quiconque à pénétrer dans leurs zones de souveraineté. Mais dans ce cas, l'Amérique envisage d'accorder à tous les Israéliens un accès illimité aux États-Unis sans visa préalable, tandis qu'Israël veut conserver le droit de poursuivre sa politique de discrimination à l'égard des visiteurs sur la base de leur nationalité d'origine, de leur religion, de leurs idées et de leurs pensées.

Il n'y a aucun problème à ce que les États-Unis offrent à Israël ou à tout autre pays un traitement spécial à la condition d'une réciprocité totale. Toutefois, tout compromis sur la question de la réciprocité constituerait un encouragement et un feu vert pour les pays à poursuivre la discrimination à l'encontre des Américains. Il s'agit non seulement d'une violation des droits de l'homme, mais aussi d'une atteinte à tout ce que l'Amérique représente. Il ne devrait pas y avoir de période d'essai ni rien de moins qu'une adhésion à 100% à la question de la réciprocité.

Tous les êtres humains doivent être traités sur un pied d'égalité. Et dans le cas d'un accord américano-israélien dans lequel tous les Israéliens sont traités sur un pied d'égalité, le moins que les États-Unis puissent et doivent exiger est que tous leurs citoyens soient également traités sur un pied d'égalité. C'est tout. Pas de «si», de «mais» ou de «peut-être».

 

  • Daoud Kuttab est un ancien professeur de l'université de Princeton et le fondateur et ancien directeur de l'Institut des médias modernes de l'université Al-Quds à Ramallah.

              Twitter: @daoudkuttab

  • NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com