En régulant les cryptoactifs, l'Europe prend une longueur d'avance sur les Etats-Unis

 En avril, les députés européens ont adopté à une large majorité un règlement appelé Mica (Markets in Crypto-assets) afin de lutter contre les activités illicites et le blanchiment d'argent et protéger les consommateurs qui ont perdu beaucoup d'argent dans les faillites qui ont secoué le secteur. (AFP)
En avril, les députés européens ont adopté à une large majorité un règlement appelé Mica (Markets in Crypto-assets) afin de lutter contre les activités illicites et le blanchiment d'argent et protéger les consommateurs qui ont perdu beaucoup d'argent dans les faillites qui ont secoué le secteur. (AFP)
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Publié le Mardi 13 juin 2023

En régulant les cryptoactifs, l'Europe prend une longueur d'avance sur les Etats-Unis

  • «Tout le monde a hurlé contre Mica au début et finalement, cela devient un argument de vente pour l'Europe», assure Jérôme Bailly, le vice-président de l'Association de la crypto-vallée
  • Selon lui, ces règles vont faire émerger un «bloc européen», «qui va se renforcer très vite», entraînant avec lui le Royaume Uni et la Suisse, qui va cesser d'être «un îlot» réglementé

ZUG: Le monde des cryptoactifs a longtemps été allergique à toute forme de contrôle. Pourtant, les règles fixées récemment par l'Union européenne sont aujourd'hui saluées par certains de ses acteurs comme "un argument de vente pour l'Europe", qui a pris une longueur d'avance sur les États-Unis.

En avril, les députés européens ont adopté à une large majorité un règlement appelé Mica (Markets in Crypto-assets) afin de lutter contre les activités illicites et le blanchiment d'argent et protéger les consommateurs qui ont perdu beaucoup d'argent dans les faillites qui ont secoué le secteur.

"Mica amène de la clarté", se félicite Jérôme Bailly, le vice-président de l'Association de la crypto-vallée, un organisme qui représente les intérêts du secteur en Suisse.

"On n'est plus à cette époque où c'était le Far West. Ce que tout le monde veut dans le secteur, c'est des règles du jeu", assure-t-il lors d'un entretien en marge d'une conférence dans le canton suisse de Zoug, surnommé la crypto-vallée tant les start-up du secteur ont été nombreuses à s'y installer.

"Tout le monde a hurlé contre Mica au début", reconnaît-il, "et finalement, cela devient un argument de vente pour l'Europe", car ces règles fixent un cadre "clair" pour les entreprises, qui leur permet d'organiser leurs activités.

Selon lui, ces règles vont faire émerger un "bloc européen", "qui va se renforcer très vite", entraînant avec lui le Royaume Uni et la Suisse, qui va cesser d'être "un îlot" réglementé.

Mauvais signal 

En revanche, "les signaux venant des États-Unis sont clairement négatifs", prévient-il.

Les entreprises américaines du secteur sont fragilisées par les faillites bancaires de Signature Bank, de Silvergate et de la Silicon Valley Bank, auprès desquelles beaucoup se finançaient.

De plus, les États-Unis ont durci le ton depuis la faillite des plateformes FTX et Genesis, assignant en justice Binance, la plus importante plateforme d'échanges de cryptomonnaies au monde, ainsi que sa concurrente Coinbase.

En février, l'entreprise californienne Kraken s'était déjà vu infliger une lourde amende pour ne pas avoir enregistré un de ses services auprès la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de la Bourse américaine.

Le "flou" réglementaire ajoute une difficulté supplémentaire, note M. Bailly. Un vaste débat agite les États-Unis quant à savoir quelle autorité doit superviser les cryptoactifs.

"Nous voyons beaucoup d'entreprises fuir les États-Unis", observe Thomas Nägeli, avocat à Vaduz, au Liechtenstein, qui a fondé son propre cabinet. Et celles basées en Europe se tiennent de plus en plus à l'écart, faute de savoir à quel régulateur s'en remettre tant que le débat n'est pas tranché.

"Elles n'obtiennent pas de réponses claires et ont peur d'être poursuivies en justice", explique cet avocat qui épaule les entreprises de cryptoactifs. Or "un entrepreneur" ne se lance pas "en commençant par calculer des décennies de litiges potentiels dans son budget", argumente-t-il, les start-up préférant donc éviter ce marché dans l'immédiat.

"Même si l'Europe marque des points pour l'instant, l'Amérique reste le plus gros marché", nuance cet avocat qui espère que les États-Unis prennent rapidement une décision.

Fin mai, Peter Smith, le patron de la plateforme luxembourgeoise BlockChain.com a fustigé l'attitude "ouvertement négative" des régulateurs américains, prévenant que des "milliers de personnes incroyablement talentueuses" risquaient de s'installer dans des pays plus ouverts aux cryptoactifs, comme la France, le Portugal, le Royaume Uni, les Emirats arabes unis, Singapour ou Hong Kong.

Les critiques se sont multipliées, mais Martin Hiesboeck, directeur de la recherche de la plateforme d'échange Uphold, y voit surtout une façon de "mettre la pression" sur les régulateurs américains. "Personne ne veut vraiment quitter l'Amérique", a-t-il déclaré à l'AFP, tant ce marché est incontournable.

Le 2 juin, des élus Républicains ont publié une proposition de loi de 160 pages, ce qui, espère-t-il, va ouvrir le débat avec les Démocrates pour réguler le secteur.

"L'Amérique prend parfois plus longtemps, mais lorsqu'elle se décide à réguler, elle revient à pleine vapeur", assure-t-il.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.