TUNIS: À quatre ans de la fin de la mission qu’il vient de commencer, Joey R. Hood est assuré d’occuper une place à part dans la galerie des ambassadeurs américains en Tunisie. C’est la première fois qu’un représentant de l’Oncle Sam dans ce pays, en l’occurrence le vingt-deuxième, est confronté à l’hostilité d’une partie de l’opinion publique avant même d’avoir pris ses fonctions, le 2 février 2023.
Le nouvel ambassadeur américain s’est attiré les foudres d’une partie des Tunisiens en déclarant le 27 juillet 2022, devant la Commission des affaires étrangères du Sénat, qui devait valider sa nomination à la tête de l’ambassade américaine à Tunis, qu’il entendait soutenir «de nouveaux efforts pour normaliser les relations diplomatiques et économiques avec l'État d'Israël dans la région».
Après les accords de paix d'Oslo signés en septembre 1993 entre Israël et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), la Tunisie était l'un des quatre pays arabes, aux côtés du Maroc, du Qatar et de la Jordanie, à établir des relations avec Israël. Cependant, en raison du déclenchement de la seconde intifada, le président Ben Ali avait décidé le 22 décembre 2000 de rompre ces relations.
En plus des réactions à ses propos sur la normalisation, le nouvel ambassadeur est confronté aux conséquences de la plus grave crise que les relations tuniso-américaines aient connu à ce jour, en raison des critiques de l’administration et du Congrès américains sur la manière dont le président Saïed dirige le pays depuis le mois de juillet 2021.
Malgré les appels de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme (LTDH) et du parti baasiste, le président Saïed a choisi d'accepter les lettres d'accréditation du nouvel ambassadeur, faisant fi des voix discordantes. Mais outre le fait que Kaïs Saïed ne cesse de clamer haut et fort son rejet de toute ingérence étrangère dans les affaires intérieures du pays, il y a un signe imperceptible, mais qui ne trompe pas, attestant de la persistance de la tension entre Tunis et Washington: trois mois et demi après son arrivée, Joey R. Hood n’a pas encore été reçu par le deuxième personnage de l’État, Brahim Bouderbala, président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Or, son prédécesseur, Donald Blome, avait été reçu par l'ancien président du Parlement, Mohamed Ennaceur, seulement deux mois après son arrivée.
En plus des réactions à ses propos sur la normalisation, le nouvel ambassadeur est confronté aux conséquences de la plus grave crise que les relations tuniso-américaines aient connu à ce jour, en raison des critiques de l’administration et du Congrès américains sur la manière dont le président Saïed dirige le pays depuis le mois de juillet 2021.
Face à cette situation difficile, Joey R. Hood paraît avoir choisi la retenue. C’est l’impression qu’il donne à un ancien fonctionnaire de l’ambassade américaine qui a décrypté les cent premiers jours du nouvel ambassadeur. Ce dernier n’a à ce jour rencontré que dix membres du gouvernement sur les vingt-six, et il n’a eu aucun échange avec des représentants de partis politiques ou de la société civile, privilégiant principalement les interactions avec des jeunes.
L’ambassadeur américain a déclaré à l’occasion d’une conférence de presse le 23 février 2023 que son premier objectif était «de doubler le volume des échanges commerciaux tuniso-américains». C’est probablement pour cette raison que les seules organisations dont il a rencontré les responsables sont l’Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica) et la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect), ainsi que l’American Chamber of Commerce.
Apparemment, Joey R. Hood a fait marche arrière sur les questions politiquement sensibles. Il a expliqué que ses déclarations concernant la normalisation avec Israël étaient en réalité une réponse à une question posée par un membre du Congrès. De plus, il a affirmé : «Nous respectons la souveraineté de la Tunisie», des propos qui semblent être bien accueillis par les dirigeants de la «nouvelle République».