Frankly Speaking: L'Europe se préoccupe-t-elle encore du Yémen?

Peter Semneby, envoyé spécial de la Suède au Yémen (Photo fournie).
Peter Semneby, envoyé spécial de la Suède au Yémen (Photo fournie).
Short Url
Publié le Lundi 19 juin 2023

Frankly Speaking: L'Europe se préoccupe-t-elle encore du Yémen?

  • Peter Semneby estime que l'aide humanitaire et les contacts avec l'Iran permettent à l'Europe de jouer un rôle primordial dans le processus de paix
  • Le diplomate suédois salue l'accord entre l'Arabie saoudite et l'Iran, mais estime qu'il est prématuré de s'attendre à des changements au Yémen

RIYAD: En dépit de la place prépondérante qu'occupe la guerre en Ukraine dans l'agenda de la politique étrangère, l'Europe a de nombreuses raisons de se préoccuper de la situation au Yémen, au-delà de l'aspect humanitaire, estime Peter Semneby, l'envoyé spécial de la Suède pour le Yémen.

Lors de son intervention dans l'émission Frankly Speaking, diffusée par Arab News, qui propose des entretiens avec des décideurs politiques de premier plan, M. Semneby a indiqué que l'intérêt de l'Europe pour le conflit est lié au commerce maritime, à la lutte contre le terrorisme et à la sécurité énergétique.

«L'une des raisons les plus importantes est l'impératif humanitaire. Nous sommes engagés dans tous les pays du monde où la population souffre quelle qu’en soit la raison, qu'il s'agisse de guerre ou de catastrophe naturelle», a-t-il déclaré à Katie Jensen, animatrice de l'émission Frankly Speaking.

«Mais la Suède et l'Union européenne ont aussi des intérêts plus complexes à défendre au Yémen. Le Yémen est important en termes de sécurité, non seulement pour ses voisins immédiats, mais aussi pour nous.»

«Le Moyen-Orient est une région voisine. Nous commerçons beaucoup avec le Moyen-Orient. Nous y puisons une grande partie de notre énergie», a-t-il insisté.

«Si vous regardez la carte, vous verrez que le Yémen est situé sur la plus importante voie d'approvisionnement maritime.»

Impératif humanitaire

«Cet enjeu a pris encore plus d'importance. Paradoxalement, après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, on pourrait penser que des conflits plus lointains seraient relégués à l'arrière-plan. Mais ce n'est pas le cas. La sécurité énergétique est plus importante que jamais depuis l'éclatement du conflit.»

«Je peux également ajouter d'autres questions liées à la sécurité : la lutte contre le terrorisme, par exemple. Tout pays aux institutions faibles plongé dans une guerre civile, où le système politique menace de se désintégrer comme au Yémen, serait un terrain naturellement favorable pour les terroristes. Ceci est notamment le cas si le pays manque de soutien en termes de systèmes de sécurité, mais aussi à plus long terme – en termes de renforcement des institutions – que l'Union européenne peut assurément fournir en coopération avec ses pays partenaires dans la région du Golfe.»

Selon M. Semneby, la guerre en Ukraine et les sanctions qui en ont découlé pour la Russie, qui ont entraîné une flambée des prix de l'énergie sur le continent, ont en réalité renforcé les intérêts énergétiques de l'Europe au Moyen-Orient.

«La guerre en Ukraine nous a poussés à nous interroger sur la manière dont nous sécurisons nos routes commerciales et, en particulier, nos approvisionnements en énergie. Le Yémen occupe une position stratégique qui revêt une importance considérable pour l'approvisionnement en énergie», a-t-il déclaré.

«Je dirais également que l'impératif humanitaire est toujours présent et que l'on a accordé beaucoup plus d'attention aux questions humanitaires dans d'autres conflits en raison des perturbations dans l'approvisionnement en blé et en céréales causées par la guerre en Ukraine», a-t-il ajouté.

Le maintien de l'aide humanitaire au Yémen, qui connaît une situation de quasi-famine, est considéré par certains comme un moyen de pression sur le processus de paix.

Selon M. Semneby, la guerre en Ukraine a notamment entraîné une diminution de l'aide disponible pour le Yémen.

Il a exhorté les États du Golfe à verser leurs contributions humanitaires existantes aux fonds de l'ONU afin de renforcer la réponse internationale.

Katie Jensen, animatrice de Frankly Speaking, lors d'un entretien avec Peter Semneby, envoyé spécial de la Suède au Yémen (Photo fournie).

«Malheureusement, la situation a changé et les fonds disponibles pour les différents besoins ont diminué», a-t-il indiqué.

«De nombreux pays ont déployé des efforts considérables pour soutenir l'Ukraine. Nous avons également constaté qu'il est plus difficile d'obtenir des fonds pour l'aide humanitaire au Yémen et dans d'autres pays, notamment à la suite de nos demandes et de celles de l'ONU.»

«Cela doit se faire dans le cadre d'un effort commun. Évidemment, la Suède, l'Europe et les pays du Nord ne devraient pas financer à eux seuls les efforts de l'ONU. Nous discutons en permanence avec nos partenaires de la région du Golfe», a-t-il souligné.

«Je pense que cette question occupera une place prépondérante dans notre stratégie commune au Yémen et dans tous les conflits. J'espère que les pays du Golfe contribueront davantage à l'effort commun de l'ONU.»

«Ce que nous constatons aujourd'hui, c'est qu'ils préfèrent souvent verser leurs contributions à travers leurs propres canaux bilatéraux. Nous pensons que cette approche nous prive des nombreuses possibilités que nous avons de créer des synergies en travaillant ensemble.»

Dans une tribune publiée en mai, Ryan Grim, chef du bureau de Washington du média The Intercept, a accusé les États-Unis de ralentir délibérément les négociations de paix sur le Yémen, poussant de fait à la reprise de la guerre dans le but d'améliorer la position de négociation du gouvernement yéménite face aux Houthis.

«Un cessez-le-feu a été instauré il y a plus d'un an, et les négociations de paix progressent à un rythme soutenu, avec notamment des échanges de prisonniers et d'autres gestes diplomatiques positifs», écrit M. Grim.

«Pourtant, les États-Unis semblent ne pas vouloir la fin de la guerre ; nos mandataires ont été battus sur le champ de bataille et se trouvent alors dans une position de négociation défavorable. En lisant entre les lignes, les États-Unis semblent tenter de ralentir et de faire échouer les pourparlers de paix.»

À la question de savoir si le président américain Joe Biden pourrait mettre fin à la guerre aujourd'hui et s'il pense que les États-Unis œuvrent suffisamment à la résolution du conflit, M. Semneby a préféré ne pas répondre par un «oui» ou un «non» catégorique.

Il a défendu les efforts de Washington, tout en précisant que les canaux de communication entre l'Europe et l'Iran pourraient faciliter les pourparlers au Yémen.

«Je pense que les États-Unis ont joué un rôle important en attirant l'attention sur le conflit au Yémen et en soutenant les efforts de résolution du conflit», a déclaré M. Semneby.

Nouvelles recrues houthies à l’entraînement, le 3 janvier 2017 (Photo, AFP).

«Vous vous souvenez peut-être que le président Biden a mentionné le Yémen dans son tout premier discours sur la politique étrangère qu'il a tenu au département d'État quelques semaines après son investiture en 2021.»

«Je pense qu'il s'agit du deuxième pays mentionné dans ce discours, et le Yémen est constamment à l'ordre du jour dans les discussions avec l'Arabie saoudite et d'autres pays partenaires.»

«Bien entendu, il est important que les Américains agissent en coopération avec d'autres pays. Nous travaillons également en étroite collaboration avec les Américains.»

«Les Américains n'ont pas de canaux de communication directs avec les Iraniens. D'autres en disposent. Je pense donc qu'il n'est pas correct de supposer que les Américains, seuls, seraient en mesure d'y parvenir.»

Selon M. Semneby, le rétablissement des relations diplomatiques officielles entre l'Arabie saoudite et l'Iran est une bonne nouvelle, mais la communauté internationale devra patienter pour évaluer l'impact de cette décision sur la situation au Yémen.

«Les Saoudiens et les Houthis ont entamé des discussions approfondies après l'annonce de l'accord entre l'Arabie saoudite et l'Iran, ce qui a évidemment ouvert des possibilités qui n'existaient pas auparavant», a-t-il déclaré.

«Mais je pense qu'il est encore trop tôt pour déterminer si les deux parties ont suffisamment ajusté leurs attentes pour parvenir à un accord avec les Nations unies.»

«Il semble que les Houthis insistent toujours pour obtenir 100% de leurs revendications, ou peut-être même qu'ils augmentent leurs exigences, demandant 110%. Il est évident que cela ne suffira pas, ils devront trouver un compromis à la fin.»

L'Iran arme et finance depuis longtemps la milice houthie. Officiellement appelée Ansar Allah, cette milice a pris le contrôle de la capitale du Yémen, Sanaa, en 2014, déclenchant une longue guerre civile contre le gouvernement reconnu par les Nations unies.

L'accord conclu sous l'égide de la Chine pour le rétablissement des relations diplomatiques entre l'Arabie saoudite et l'Iran a constitué une avancée majeure qui a réduit les risques d'un nouveau conflit et augmenté la possibilité d'un cessez-le-feu durable au Yémen.

Solution à deux États

Toutefois, les analystes estiment que la situation dépend en grande partie de l'ouverture des Houthis à la négociation et de la volonté des parties de trouver une solution de compromis.

«Une fenêtre d'opportunité s'est ouverte quelque peu après l'accord saoudo-iranien», a affirmé M. Semneby.

«J’espère voir se négocier un cessez-le-feu plus permanent et plus formellement contrôlé», a-t-il ajouté.

«Je pense qu'il y a de l'espoir. Nous sommes dans une meilleure situation qu'il y a un an et demi, avant l'accord saoudo-iranien.»

L'une des solutions envisagées consiste à diviser le Yémen en deux États distincts, l'un au nord et l'autre au sud, comme ce fut le cas de 1918 à 1990, date à laquelle ces deux États se sont unifiés pour former une seule et même république.

Certains voisins du Yémen souhaitent vivement le maintien d'une entité unique, tandis que d'autres semblent pencher en faveur d'une séparation.

Combattants séparatistes déployés à Aden, le 29 juin 2022 (Photo, AFP).

Interrogé sur la probabilité d'une scission, M. Semneby estime qu'elle pourrait être «confuse», mais qu'il appartiendrait au peuple yéménite d'en décider.

«Je ne veux pas faire de prédictions. Ce que je voudrais dire, c'est que cette question devra être tranchée par les Yéménites eux-mêmes, et que cela ne peut se faire que dans le cadre d'un processus politique global», a-t-il déclaré.

«Il se peut très bien que ce processus aboutisse à une séparation, et le monde devrait alors la respecter. Je pense d'ailleurs que la plupart des pays préféreraient un Yémen unifié.»

«À mon avis, la division d'un pays, même si elle s'est déjà produite, est toujours une affaire difficile et confuse. Mais au bout du compte, cela doit profiter aux Yéménites», a-t-il ajouté.

«C'est une question secondaire. La question principale sur laquelle tous les Yéménites doivent se concentrer en ce moment est de mettre fin à la guerre et de s'asseoir ensemble à une table, ou dans une pièce, pour discuter de toutes les questions très importantes et très difficiles qui se posent au Yémen.»

La division du Yémen en deux risque même d'entraîner d'autres fractures régionales, avec des provinces telles que le Hadramout qui se sépareraient pour former leur propre État.

«Si l'on commence à séparer une partie du pays, il y aura toujours ceux qui ne seront pas satisfaits des personnes en charge des parties séparées. Il y a donc toujours le risque d'une réaction en chaîne», a déclaré M. Semneby.

«Aujourd'hui, nous devons nous concentrer sur les problèmes les plus urgents. Je pense que les décideurs de Riyad et d'Abu Dhabi sont d'accord sur ce point.»

«Leur principale préoccupation est de garantir la stabilité du Yémen, de faire en sorte qu'il ne soit plus une source d'insécurité, qu'il soit suffisamment prospère sur le plan économique pour subvenir davantage à ses besoins, qu'il soit en mesure d'exporter ses ressources naturelles, etc.», a-t-il rappelé.

«C'est donc sur ces questions qu'il faut se concentrer. Je suis sûr que Riyad et Abu Dhabi sont d'accord sur la nécessité de mener à bien cette mission essentielle et urgente au Yémen.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Vision 2030: le Cabinet remercie les agences impliquées

Le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, assiste à la session du Cabinet, mardi. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, assiste à la session du Cabinet, mardi. (SPA)
Short Url
  • Le Conseil des ministres a souligné que la sécurité du Moyen-Orient exigeait d'accélérer la recherche d'une solution juste et globale à la question palestinienne
  • Le Conseil a affirmé que le Royaume poursuivait ses efforts pour accélérer le redressement économique de la République arabe syrienne

RIYAD: Le Conseil des ministres a salué les efforts des agences gouvernementales ayant contribué aux avancées réalisées dans le cadre de la Vision saoudienne 2030, alors que le Royaume se rapproche de l’atteinte de ses objectifs clés, a rapporté mardi l’Agence de presse saoudienne (SPA).

D’après le rapport annuel 2024 de la Vision, 93% des principaux indicateurs de performance ont été entièrement ou partiellement atteints depuis le lancement de l’initiative il y a neuf ans.

Le ministre des Médias, Salman al-Dosari, a précisé que le cabinet avait discuté de la troisième et dernière phase de la Vision 2030, qui débutera en 2026. Cette phase visera à pérenniser l’impact des transformations déjà engagées tout en exploitant de nouvelles opportunités de croissance.

Le Conseil des ministres a également salué le don généreux d’un milliard de riyals saoudiens (266,6 millions de dollars; 1 dollar = 0,88 euro) effectué par le prince héritier Mohammed ben Salmane, destiné à soutenir des projets de logement pour les bénéficiaires saoudiens éligibles et les familles dans le besoin.

Le cabinet a souligné que ce don illustre l’engagement constant du prince héritier à améliorer la qualité de vie des citoyens, ainsi que son intérêt soutenu pour le secteur du logement et les initiatives visant à offrir des logements décents aux familles méritantes à travers le Royaume.

Le prince Mohammed a également informé le Conseil de sa rencontre avec le roi Abdallah II de Jordanie, ainsi que de ses échanges avec le Premier ministre indien Narendra Modi.

Le cabinet a salué les résultats de la deuxième réunion du Conseil de partenariat stratégique saoudo-indien, soulignant le développement continu des relations économiques, commerciales et d’investissement entre les deux pays.

Le Conseil des ministres a souligné que la sécurité du Moyen-Orient exigeait d'accélérer la recherche d'une solution juste et globale à la question palestinienne, conformément aux résolutions de la légitimité internationale, à l'initiative de paix arabe et à la création d'un État palestinien indépendant le long des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.

Le Conseil a affirmé que le Royaume poursuivait ses efforts pour accélérer le redressement économique de la République arabe syrienne et a renouvelé son appel aux institutions financières régionales et internationales pour qu'elles reprennent et étendent leurs opérations dans le pays.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'Arabie saoudite condamne les actions d'Israël à Gaza devant la CIJ

 Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
Le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, s'exprime devant la Cour. (Capture d'écran)
Short Url
  • Tel-Aviv "continue d'ignorer" les décisions de la Cour internationale de justice, déclare le représentant du Royaume
  • M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

DUBAI : L'Arabie saoudite a condamné mardi devant la Cour internationale de justice la campagne militaire israélienne en cours à Gaza, l'accusant de défier les décisions internationales et de commettre de graves violations des droits de l'homme.

S'exprimant devant la Cour, le représentant du Royaume, Mohamed Saud Alnasser, a déclaré qu'Israël "continue d'ignorer les ordres de la Cour" et a insisté sur le fait que "rien ne justifie les violations commises par Israël à Gaza".

M. Alnasser a ajouté qu'"Israël a transformé Gaza en un tas de décombres", soulignant la dévastation généralisée et les souffrances infligées aux civils.

Ses remarques ont été formulées au deuxième jour des audiences de la CIJ sur les obligations humanitaires d'Israël à l'égard des Palestiniens, qui se déroulent dans le cadre d'un blocus israélien total de l'aide à la bande de Gaza, qui dure depuis plus de 50 jours.

Ces audiences s'inscrivent dans le cadre d'efforts plus larges visant à déterminer si Israël a respecté les responsabilités juridiques internationales dans sa conduite lors de la guerre contre Gaza.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Syrie: neuf morts dans des affrontements entre forces de sécurité et combattants druzes près de Damas

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants. (AFP)
Short Url
  • Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité "
  • "La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué

DAMAS: Neuf personnes ont été tuées dans des affrontements entre les forces de sécurité syriennes et des combattants de la minorité druze à Jaramana, dans la banlieue de Damas, sur fond de tension confessionnelle, selon un nouveau bilan mardi d'une ONG.

Ces violences interviennent un mois après des massacres qui ont visé la minorité alaouite, faisant des centaines de morts, dans le pays où la coalition islamiste qui a pris le pouvoir en décembre est scrutée par la communauté internationale.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), "les forces de sécurité ont lancé un assaut" contre la banlieue à majorité druze de Jaramana, après la publication sur les réseaux sociaux d'un message vocal attribué à un druze et jugé blasphématoire envers l'islam.

L'OSDH, basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un solide réseau de sources en Syrie, a précisé que six combattants locaux de Jaramana et trois "assaillants" avaient été tués.

Plusieurs habitants de Jaramana joints au téléphone par l'AFP ont indiqué avoir entendu des échanges de tirs dans la nuit.

"Nous ne savons pas ce qui se passe, nous avons peur que Jaramana devienne un théâtre de guerre", a affirmé Riham Waqaf, une employée d'une ONG terrée à la maison avec son mari et ses enfants.

"On devait emmener ma mère à l'hôpital pour un traitement, mais nous n'avons pas pu" sortir, a ajouté cette femme de 33 ans.

Des combattants locaux se sont déployés dans les rues et aux entrées de la localité, demandant aux habitants de rester chez eux, a dit à l'AFP l'un de ces hommes armés, Jamal, qui n'a pas donné son nom de famille.

"Jaramana n'a rien connu de tel depuis des années". La ville est d'habitude bondée, mais elle est morte aujourd'hui, tout le monde est à la maison", a-t-il ajouté.

Mardi matin, quelques commerces ont ouvert leurs portes mais les rues de Jaramana, au sud-est de Damas, à majorité druze mais compte également des familles chrétiennes, étaient quasiment désertes, ont rapporté des habitants.

 "Respecter l'ordre public" 

Dans un communiqué, les autorités religieuses druzes locales ont "vivement dénoncé l'attaque armée injustifiée contre Jaramana (...) qui a visé les civils innocents", faisant assumer aux autorités syriennes "l'entière responsabilité de ce qui s'est produit et de toute aggravation de la situation".

"La protection de la vie, de la dignité et des biens des citoyens est l'une des responsabilités les plus fondamentales de l'Etat et des organismes de sécurité", a ajouté le communiqué.

Il a dénoncé dans le même temps "toute atteinte au prophète Mahomet" et assuré que le message vocal était fabriqué "pour provoquer la sédition".

Le ministère de l'Intérieur a souligné mardi "l'importance de respecter l'ordre public et de ne pas se laisser entraîner dans des actions qui perturberaient l'ordre public".

Il a ajouté qu'il enquêtait sur le message "blasphématoire à l'égard du prophète" Mahomet pour identifier l'auteur et le traduire en justice.

Les druzes, une minorité ésotérique issue de l'islam, sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël.

Dès la chute du pouvoir de Bachar al-Assad le 8 décembre en Syrie, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël multiplié les gestes d'ouverture envers cette communauté.

Début mars, à la suite d'escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d'une intervention militaire si les nouvelles autorités syriennes s'en prenaient aux druzes.

Ces propos ont été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie. Leurs représentants sont en négociation avec le pouvoir central à Damas pour parvenir à un accord qui permettrait l'intégration de leurs groupes armés dans la future armée nationale.

Depuis que la coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh, qui a été proclamé président intérimaire, a pris le pouvoir, la communauté internationale multiplie les appels à protéger les minorités.

Début mars, les régions du littoral dans l'ouest de la Syrie ont été le théâtre de massacres qui ont fait plus de 1.700 tués civils, en grande majorité des alaouites, selon l'OSDH.