Le Soudan est «au bord d'une guerre civile totale», avertit l'ONU

De la fumée s'élève lors d'affrontements entre l'armée et les forces paramilitaires de soutien rapide à Omdurman, au Soudan. (Reuters)
De la fumée s'élève lors d'affrontements entre l'armée et les forces paramilitaires de soutien rapide à Omdurman, au Soudan. (Reuters)
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Publié le Lundi 10 juillet 2023

Le Soudan est «au bord d'une guerre civile totale», avertit l'ONU

  • Le bombardement, survenu samedi sur le quartier de Dar al-Salam à Omdourman, la banlieue nord-ouest de la capitale, a fait selon le ministère «22 morts et un grand nombre de blessés parmi les civils»
  • De leur côté, les Forces de soutien rapide (FSR), paramilitaires en guerre contre l'armée depuis le 15 avril, ont dénoncé «la perte tragique de plus de 31 vies et de nombreux blessés»

WAD MADANI: L'ONU a prévenu dimanche que le Soudan était "au bord d'une guerre civile totale potentiellement déstabilisatrice pour toute la région", au lendemain de la mort de dizaines de civils dans un raid de l'armée de l'air sur un quartier résidentiel de la capitale Khartoum.

Le bombardement, survenu samedi sur le quartier de Dar al-Salam à Omdourman, la banlieue nord-ouest de la capitale, a fait selon le ministère "22 morts et un grand nombre de blessés parmi les civils".

De leur côté, les Forces de soutien rapide (FSR), paramilitaires en guerre contre l'armée depuis le 15 avril, ont dénoncé "la perte tragique de plus de 31 vies et de nombreux blessés".

Toutes ces sources, comme plusieurs habitants contactés par l'AFP, affirment que le bombardement est venu des airs.

Mais l'armée a assuré dans un communiqué dimanche que ses "forces aériennes n'avaient visé aucun objectif samedi à Omdourman".

Selon des habitants, l'armée de l'air a de nouveau frappé dimanche le centre de Khartoum aux abords du palais présidentiel.

Des combats à l'arme lourde opposaient aussi les deux camps dans plusieurs quartiers du sud de la capitale, selon des témoins sur place, et des frappes aériennes ont été signalées à Oumdourman.

Pendant ce temps, des civils ont commencé dimanche à creuser des tombes pour les victimes du raid aérien de la veille, selon d'autres témoins.

En près de trois mois de guerre entre les FSR du général Mohamed Hamdane Daglo et les troupes du général Abdel Fattah al-Burhane, près de 3 000 morts ont été recensés, un bilan très sous-estimé, des corps jonchant encore les rues étant inaccessibles.

Aucun respect des droits humains

Près de trois millions de Soudanais ont été forcés de quitter leur maison, dont plus de 600 000 pour l'étranger, principalement l'Egypte au nord et le Tchad à l'ouest, tant les exactions venues des deux camps se multiplient.

Farhan Haq, un porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a dénoncé "une absence totale de respect du droit humanitaire et des droits humains", notamment au Darfour, région martyre dans les années 2000 de nouveau au cœur de combats.

Dans cette vaste région de l'ouest du Soudan, où des combattants tribaux et des civils armés ont rejoint les deux camps en guerre, les combats ont pris une "dimension ethnique", affirme l'ONU alors que des habitants rapportent des "exécutions" sur la base de l'origine ethnique.

Selon l'ONU, le Soudan est "au bord d'une guerre civile totale potentiellement déstabilisatrice pour toute la région", aux confins du Sahel, de la Corne de l'Afrique et du Moyen-Orient, des zones déjà en proie aux violences avant la guerre.

Partis du cœur de la capitale, les combats, les raids aériens et les pillages qui s'ensuivent ont gagné le Darfour et le Kordofan, au sud de Khartoum, et le Nil Bleu, frontalier de l'Ethiopie au sud.

Dans la nuit, des habitants ont de nouveau rapporté à l'AFP des combats à El-Obeid, chef-lieu du Kordofan-Nord, puis une nouvelle fois dimanche après-midi.

Les autorités de l'aviation civile ont par ailleurs prolongé jusqu'au 31 juillet la fermeture de l'espace aérien soudanais, mesure qui ne vise ni les vols transportant de l'aide humanitaire ni "les vols d'évacuation effectués avec l'approbation des autorités compétentes", a fait savoir l'aéroport international de Khartoum sur sa page Facebook dans la nuit de dimanche à lundi.

Réunion en Ethiopie

Pour tenter une sortie de crise, l'ONU plaide pour les propositions de l'Igad.

Ce bloc de l'Afrique de l'Est réunira lundi à Addis Abeba des dirigeants des quatre pays à la manœuvre sur le dossier soudanais: l'Ethiopie, le Kenya, la Somalie et le Soudan du Sud.

Un responsable de l'Igad a indiqué à l'AFP que les deux généraux en guerre avaient été invités, affirmant toutefois qu'ils pourraient envoyer des lieutenants à Addis Abeba.

Depuis le 15 avril, le général Burhane n'a été filmé que deux fois avec ses hommes et le général Daglo n'est apparu que quelques secondes dans une vidéo tournée par ses troupes. Les deux hommes n'interviennent plus que par messages sonores ou médias interposés.

Khalid Omer Yousif, l'un des responsables civils limogés du gouvernement en 2021 par le coup d'Etat des deux généraux aujourd'hui en guerre, a annoncé que plusieurs figures civiles étaient à Addis Abeba pour "discuter avec des acteurs soudanais et internationaux afin d'accélérer les efforts de paix".

Des négociations menées par Américains et Saoudiens n'ont jusqu'ici accouché que de trêves temporaires, quasiment jamais respectées.

De son côté, l'Egypte a annoncé dimanche qu'elle accueillerait un sommet des voisins du Soudan le jeudi 13 juillet pour examiner "les moyens de mettre fin au conflit" et à ses "répercussions" sur les pays voisins, selon un communiqué de la présidence.


Nouveaux bombardements israéliens au Liban malgré des discussions «positives»

Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays. (AFP)
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  • Le président libanais Joseph Aoun, saluant les réactions "positives" à la réunion de mercredi, a annoncé que les discussions reprendraient le 19 décembre afin d'éloigner "le spectre d'une deuxième guerre" au Liban
  • "Il n'y a pas d'autre option que la négociation", a-t-il ajouté

JBAA: Israël a de nouveau bombardé jeudi le sud du Liban, disant viser des sites du Hezbollah pro-iranien qu'elle accuse de se réarmer, au lendemain des premières discussions directes depuis plusieurs décennies entre des représentants des deux pays.

L'armée israélienne, qui a multiplié ses frappes ces dernières semaines, a encore frappé jeudi le sud du Liban après avoir appelé des habitants de plusieurs villages à évacuer.

Les bombardements ont touché quatre localités, où des photographes de l'AFP ont vu de la fumée et des maisons en ruines.

Dans le village de Jbaa, Yassir Madir, responsable local, a assuré qu'il n'y avait "que des civils" dans la zone. "Quant aux dégâts, il n'y a plus une fenêtre à 300 mètres à la ronde. Tout le monde est sous le choc", a-t-il ajouté. 


« La Syrie n’est pas condamnée » : les leçons d’un an de transition, selon Hakim Khaldi

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  • Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
  • Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide

PARIS: La Syrie post-Assad, carnets de bord, de Hakim Khaldi, humanitaire chez Médecins sans frontières, publié chez L’Harmattan, n’est pas seulement un récit de témoins, mais une immersion dans la réalité d’un pays brisé mais pas vaincu, où la chute d’un pouvoir omnipotent n’a pas suffi à étouffer l’exigence de dignité.
Ce qu’il raconte, c’est l’envers des discours diplomatiques, la géographie vécue d’une société projetée brutalement hors d’un demi-siècle d’autoritarisme dans un vide politique, économique et moral.

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel.

Dans ses carnets, comme dans ses réponses à Arab News en français, revient une même conviction : la chute d’un régime ne signifie pas la naissance immédiate d’un pays. La Syrie, aujourd’hui, est entre les deux, « en état de transformation ».

Les premiers jours après la chute du régime de Bachar Al-Assad ressemblent, selon Khaldi, à un moment de bascule irréel : « On ne savait pas si c’était la fin d’une époque ou le début d’une autre tragédie », confie-t-il.
Dans les villes « libérées », les scènes oscillent entre euphorie et sidération ; la population découvre, sans y croire encore, la possibilité de parler librement, de respirer autrement.

Il raconte ces familles qui, pendant quarante ans, n’avaient jamais osé prononcer le mot « moukhabarat » (services secrets en arabe), ne serait-ce qu’à voix basse chez elles.
Et brusquement, les voilà qui se mettent à raconter : les disparitions, les tortures, les humiliations, et la peur devenue routine.
Des parents ressortent des photos d’adolescents morts sous la torture, des certificats de décès maquillés, des lettres écrites depuis la prison mais jamais envoyées.

Parmi les scènes les plus marquantes, Khaldi se souvient d’une vieille dame de Homs qui, voyant les portraits d’Assad retirés des bâtiments officiels, murmure : « On peut respirer ? Est-ce que c’est vrai ? »
Ce qui l’a le plus frappé, c’est « ce sentiment presque physique d’un poids qui tombe. C’est ce que j’ai le plus entendu », affirme-t-il.

Mais ce soulagement intense laisse rapidement place à une inquiétude plus sourde : celle du vide. En quelques jours, l’État s’est évaporé : plus de police, plus d’électricité, plus d’école, plus de justice.
Les anciens bourreaux disparaissent dans la nature, mais les réseaux de corruption se reconstituent, et les premières milices locales émergent, prêtes à occuper le terrain déserté par les institutions.

Pourtant, au fil de ses déplacements, Khaldi est frappé par la force de résilience et d’auto-organisation de la population : « Les Syriens n’ont jamais cessé d’exister comme société, même quand l’État les avait réduits au silence », assure-t-il.
Dans les villages, des comités improvisés se forment et organisent la distribution alimentaire, la remise en marche d’une station d’eau, la sécurité ou la scolarisation d’urgence.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides.

Cette responsabilité populaire est, pour Khaldi, l’un des rares points lumineux du paysage syrien, la preuve qu’une société peut exister en dehors de l’appareil répressif qui prétendait être l’État.

Un an après la chute du régime (le 8 décembre 2024), la Syrie tente de se relever lentement, mais elle demeure une mosaïque de composants hybrides, de milices rivales, de zones d’influence et d’ingérences étrangères. « Une mosaïque qui ne ressemble plus au pays d’avant », estime Khaldi.
Le territoire est éclaté entre forces locales, groupes armés (notamment les milices druzes à Soueida, au nord-est du pays), gouvernances provisoires ou structures étrangères. Les routes sont coupées, les administrations doublées ou contradictoires.

Avec des infrastructures détruites, une monnaie en chute libre et un secteur productif quasi paralysé, la survie quotidienne est devenue un exercice d’équilibriste.
Les Syriens ne nourrissent plus d’illusions sur l’arrivée immédiate d’un modèle démocratique idéal : il s’agit d’abord de survivre, de reconstruire, de retrouver un minimum de continuité.

Le traumatisme est profond, à cause des disparitions massives, de l’exil et des destructions psychologiques. Pourtant, affirme Khaldi, « jamais je n’ai entendu un Syrien regretter que la dictature soit tombée ».

De ses observations et des témoignages qu’il a collectés en arpentant le pays, Khaldi tire les priorités pour éviter que la Syrie ne devienne ni un conflit gelé ni un espace livré aux milices.
De son point de vue, la reconstruction politique ne peut se réduire à remplacer un gouvernement par un autre : il faut rebâtir les fondations, à savoir une justice indépendante, une police professionnelle et des administrations locales.

Des dizaines de groupes armés contrôlent aujourd’hui une partie du territoire, et une transition politique sérieuse est impensable sans un processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration, soutenu par une autorité légitime et par un cadre international solide.
Au-delà des aides internationales, la Syrie a besoin d’un cadre empêchant la capture des fonds par les anciens réseaux de corruption ou les factions armées.
Elle doit donner la priorité à la relance de l’agriculture, au rétablissement de l’électricité, des réseaux routiers et des petites industries, les seules capables à court terme de soutenir la vie quotidienne.

Le pays porte une blessure immense : celle des prisons secrètes, des fosses communes, des disparitions et des exactions documentées. « Sans justice, il n’y aura pas de paix durable », affirme Khaldi.
Il ne s’agit ni de vengeance ni de tribunaux-spectacle, mais de vérité et de reconnaissance, conditions indispensables à une réconciliation nationale.

De cet entretien se dégage une idée forte : malgré la faim, la peur, les ruines, malgré la fragmentation politique et l’ingérence étrangère, les Syriens n’ont pas renoncé à eux-mêmes.
Ils ouvrent des écoles improvisées, réparent des routes avec des moyens dérisoires, organisent l’entraide, résistent au chaos. « La Syrie n’est plus la Syrie d’avant, mais elle n’est pas condamnée pour autant », affirme Khaldi.
Son témoignage rappelle qu’un pays ne meurt pas quand un régime tombe ; il meurt lorsque plus personne ne croit possible de le reconstruire. Et les Syriens, eux, y croient encore.


Liban: Israël annonce des frappes dans le sud, appelle à des évacuations

L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région. (AFP)
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  • Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région"
  • Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi après-midi des frappes imminentes dans le sud du Liban contre ce qu'elle présente comme des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah, et a appelé à des évacuations dans deux villages de cette région.

Cette annonce survient au lendemain d'une rencontre entre responsables civils libanais et israélien, lors d'une réunion de l'organisme de surveillance du cessez-le-feu entré en vigueur il y a un an, présentée comme de premières discussions directes depuis plus de 40 ans entre les deux pays toujours techniquement en état de guerre.

Les forces israéliennes vont "bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région", a annoncé le colonel Avichay Adraee, porte-parole de l'armée israélienne pour le public arabophone.

Dans un "message urgent" en arabe, le colonel Adraee signale, cartes à l'appui, deux bâtiments dans les villages de Jbaa et Mahrouna, dont il appelle les riverains dans un rayon d'au moins 300 mètres à s'écarter.

Accusant le Hezbollah de se réarmer dans le sud du pays et de violer ainsi les termes de la trêve entrée en vigueur fin novembre 2024, l'armée israélienne a multiplié depuis plusieurs semaines les frappes aériennes dans le sud du Liban mais a marqué une pause dans ses attaques pendant la visite du pape Léon XIV cette semaine.

Israël a même frappé jusque dans la banlieue de Beyrouth le 23 novembre pour y éliminer le chef militaire du Hezbollah, Haitham Ali Tabatabai.

Le Liban dénonce ces attaques comme des violations patentes du cessez-le-feu.

Mais Israël, qui peut compter sur l'aval tacite des Etats-Unis pour ces frappes, affirme qu'il ne fait qu'appliquer la trêve en empêchant le Hezbollah, allié de la République islamique d'Iran, ennemie d'Israël, "de se reconstruire et de se réarmer".

Tout en déclarant que les discussions directes de mercredi avec le Liban s'étaient déroulées dans "une atmosphère positive", le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a rappelé mercredi soir que le désarmement du Hezbollah restait une exigence "incontournable" pour son pays.